Sophie Faucher / Frida Kahlo: correspondance : Un ruban autour d’une bombe
L’actrice Sophie Faucher présente le spectacle Frida Kahlo: correspondance, au Musée national des beaux-arts. Une femme transportée par une femme passionnée.
En 2003, Sophie Faucher s’amenait à la Bordée avec La casa azul, pièce qu’elle avait écrite autour de la peintre mexicaine Frida Kahlo. La mise en scène était de Robert Lepage et la comédienne québécoise y tenait le rôle-titre, moustache et monosourcil au rendez-vous.
Presque 10 ans plus tard, à la faveur d’une exposition au Musée national des beaux-arts qui amène à Québec six peintures de l’artiste mexicaine (Au pays des merveilles. Les aventures surréalistes des femmes artistes au Mexique et aux États-Unis), on a demandé à Sophie Faucher de reprendre son spectacle. Elle a préféré y aller avec une proposition inédite. "Ce sera ce que j’appellerais une lecture théâtralisée. Pendant une heure et quart, les gens vont faire la connaissance d’une personne hors-norme, et se plonger, grâce à des airs à la fois festifs et nostalgiques, dans ce Mexique de l’autre siècle; des mariachis m’accompagneront et imprégneront les spectateurs de la musique même qu’écoutait Frida."
Depuis de nombreuses années, Sophie Faucher parcourt tout ce qui s’écrit au sujet de la peintre, qui avait falsifié sa date de naissance pour le 7 juillet 1910, date de la révolution mexicaine. Une forte attirance qui présente cependant quelque chose de tardif. "Après avoir lu sa biographie, je la trouvais étonnante, mais sans plus. Il en existe d’autres, me disais-je, des parcours de femmes exceptionnels. Mais quand je suis tombée sur son journal intime – les 10 dernières années de sa vie -, ç’a été fulgurant. Je trouvais une femme brisée de toutes parts, ayant entre autres subi 37 opérations chirurgicales. Il y avait là, pourtant, une énergie et un élan, et un appétit de vivre intense. Elle donne du courage, cette femme."
C’est donc autour des écrits du journal intime de Kahlo – lettres, confessions, messages, poèmes – que Sophie Faucher a bâti sa lecture. Des choix ont dû être faits, bien sûr. S’il était impossible de passer sous silence sa relation avec son époux Diego Rivera, son histoire d’amour avec Trotski, par exemple, s’est vue escamotée du spectacle. "C’est son journal intime qui reste le plus étonnant. Elle fait des blagues, elle a de l’autodérision et se traite de tous les noms. Et après, elle a besoin d’être aimée. C’est frappant à quel point il y a quelque chose en elle qui n’est jamais comblé."
La vie intime de cette femme passionnée sera mise en mots; le seront aussi ses réflexions sur le mouvement artistique mexicain de son époque ou, plus généralement, sur le domaine des arts. "On retrouve le regard qu’elle pose sur les Américains, mais aussi sur les "maudits surréalistes parisiens", la France, et la force avec laquelle elle va haïr ce pays-là à tout jamais. Les pseudo-intellectuels qui passent leur vie à déblatérer au café, mais qui ne travaillent jamais… André Breton, elle l’a détesté."