Où le regard se perd : Vu au Musée des beaux-arts de Sherbrooke
"Cet été, osez le musée!" suggère le slogan du Musée des beaux-arts de Sherbrooke. Très bien, mais permettez-nous d’en revoir l’orthographe. "Cet été, osé, le Musée", aurait-on tout aussi bien pu écrire tant l’institution qui célèbre ses 30 ans cette année prend le beau risque de dérouter en offrant ses cimaises à deux artistes aux regards singuliers.
À l’étage, Jean-François Bouchard se fait fildefériste dans Still Life (jusqu’au 14 octobre) en se tenant en équilibre sur la mince ligne séparant "sanité" et folie. Composée de photos en gros plan de poupées érotiques hyperréalistes, l’exposition glacera le sang ou fera rire jaune grâce aux extraits d’entrevues qu’a menées l’artiste avec les propriétaires de ces femmes-objets (littéralement) avec lesquelles ils entretiennent un simulacre de vie de couple.
Dans un registre nettement moins glauque, quoique tout aussi saisissant, Éloïse Brodeur présente au rez-de-chaussée Où le regard se perd (jusqu’au 20 septembre). En déclinant la figure bovine dans une série de tableaux grand format hyperréalistes sur fonds presque toujours blancs, l’artiste montréalaise s’interrogerait, entre autres, sur notre rapport à la surproduction et à l’abondance, souligne la conservatrice, Sarah Boucher. Pas si évidente au premier coup d’oil, cette lecture met le doigt sur l’étrangeté de ces vaches en apparence paisibles, voire insignifiantes, mais qui toisent le visiteur comme si elles avaient quelque chose à lui reprocher. Les noms des ouvres, empruntés à des figures politiques, feront sans doute résonner des éclats de rire dans l’ancienne banque.