Gob Squad's Kitchen : Héritiers de Warhol
Arts visuels

Gob Squad’s Kitchen : Héritiers de Warhol

Leurs productions décalées mélangeant médias et vraie vie sont entrées dans l’histoire des arts de la scène. Véritables superstars du théâtre d’avant-garde, les sept membres de Gob Squad arrivent en ville.

Collectif germano-anglais formé en 1994 à Nottingham alors que les membres étaient encore étudiants, Gob Squad ne s’assoit pas sur son succès et repousse sans cesse ses limites en mettant au monde de nouvelles pièces. Des œuvres brillamment décalées qui sont étudiées dans les écoles d’art dramatique, notamment à l’Université Laval au bac en théâtre. Leur signature: le cinéma en direct. Un genre archicontemporain souvent imité – on se souviendra de quelques passages de La date, présentée à Premier Acte au printemps 2012 – dont une majorité d’experts du sixième art leur accordent la paternité, même si les principaux intéressés sont trop humbles pour l’affirmer.

Le collectif basé à Nottingham présente sa version de Kitchen, remake du célèbre film de l’artiste américain Andy Warhol qui avait révélé Edie Sedgwick à l’époque. «Il y a une connexion entre Warhol et nous. Il considérait la caméra comme un jouet et il a été le premier à faire de la téléréalité. Il filmait les gens en train de dormir en plus d’avoir lui-même avancé le concept des 15 minutes de gloire. Il voulait que ses œuvres soient accessibles au grand public et c’est la même chose pour nous: il y a toujours un élément de pop culture dans ce que nous faisons», explique Sean Patten, un des représentants britanniques de la réputée compagnie européenne. «Même si l’action se passe à New York, on garde tous nos accents. Peu importe ce que je joue, je reste Sean. On reste nous-mêmes, mais on accomplit une tâche.»

Si l’original de Kitchen a été réalisé en 1965, la joyeuse bande de Gob Squad s’efforce de recréer cette esthétique empreinte de nostalgie avec la plus grande justesse. Un exercice de style minutieux qui amuse sincèrement la troupe. «Il y a une recherche d’authenticité. Notre quête est de recréer le New York des années 60 avec le plus de réalisme possible, même si nous n’y étions pas.» Une période particulièrement inspirante, toujours selon Patten, parce que l’époque n’est pas si lointaine et que tous étaient encore si optimistes, idéalistes même, par rapport au futur. «Les gens avaient l’impression qu’ils pouvaient changer le monde dans ce temps-là. Ça nous paraît loin aujourd’hui, mais mes parents l’ont vécu. Les mid-sixties tiennent de la mémoire vivante.»

En constante mutation, leur adaptation du classique de Warhol née en 2007 a été présentée aux États-Unis, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Suède, en République tchèque, en Belgique, en Autriche et le sera bientôt en Australie. «On a encore un plaisir fou à jouer, parce qu’une bonne partie du spectacle est improvisée. Ça le garde frais.» Un spectacle toujours différent aux allures d’expérience interactive commençant avec une visite des lieux du tournage visant à confondre les sceptiques. «On veut montrer aux gens dans la salle qu’on le fait vraiment en direct et qu’on est tout près d’eux. C’est comme les extras du DVD, sauf que les spectateurs commencent avec ça avant de regarder le film.»

D’ailleurs, quelques personnes du public sont invitées à passer derrière la caméra pour se joindre aux acteurs de Gob Squad lors de chaque représentation. «On ne veut pas que les gens aient l’air stupides. On se sert d’écouteurs pour les guider, par exemple. Et c’est moins stressant pour eux et nous de performer devant des caméras que d’être sur une scène. Le rapport avec le public est plus intime et plus personnel. La pudeur n’existe pas.»