Lynne Cohen et Laurent Grasso au MAC : Il n’y a pas plus faux que le vrai
À l’affiche au Musée d’art contemporain ces jours-ci: Lynne Cohen et Laurent Grasso, deux artistes qui travaillent sur la limite entre le vrai et le faux.
On a tendance à décrire le travail photographique de Lynne Cohen comme montrant des lieux bien réels, mais qui par certains éléments (trop décoratifs) donnent finalement l’impression d’être factices, presque invraisemblables. Comme si l’artiste avait fabriqué des décors pour prendre sa photographie. Les espaces (totalement vides d’êtres humains) que montre Cohen, depuis plus de 40 ans, font presque penser aux images de maquettes grandeur nature qu’expose Thomas Demand ces temps-ci à la Fondation DHC. Pourtant, Cohen insiste, les lieux qu’elle montre n’ont pas été fabriqués, ni même retouchés. Seuls l’éclairage, l’angle de vue et la lentille de sa caméra ont peut-être joué dans la représentation de ces lieux. Une œuvre qui montre un vrai monde qui a l’air presque faux. Cette lecture n’est pas… mensongère. Et c’est d’ailleurs le point de vue adopté dans le catalogue de l’exposition de Cohen intitulée Faux indices.
On a cependant moins signalé comment son travail mettait en scène un autre type de tension. D’une part, ces photos montrent souvent une architecture moderne épurée, proprette, des lieux intérieurs servant à des usages professionnels (installations thermales, salle de classe, usine, salle de tir pour des policiers…), désignés d’une manière générique par des titres très froids (Spa, Laboratoire…). La manière, elle aussi froide, dont Cohen prend systématiquement en photo ces lieux faisant écho à leur pureté. Mais, d’autre part, on retrouve dans ces espaces des détails qui détonnent et qui viennent en troubler la sobriété. C’est, par exemple, le motif kitsch d’une vague sur les murs d’un spa. Ce sont aussi ces cibles qui semblent tout droit tirées d’une bande dessinée, montrant des «méchants», images dignes du monde des enfants, et qui étrangement peuplent ce stand de tir en béton qui, lui, appartient au monde très adulte de la police. Cohen exhibe souvent des espaces aseptisés, où l’humain semble presque de trop, avec ici et là des éléments incongrus qui signalent un retour du refoulé. Le monde de l’imaginaire ne se laisse pas si facilement dompter.
Laurent Grasso
Il y a un lien entre le travail de la Canadienne Lynne Cohen et celui du Français Laurent Grasso, présenté lui aussi au MAC. Montée en partenariat avec le musée du Jeu de Paume à Paris, l’expo s’intitule Uraniborg (nom du palais et de l’observatoire de l’astronome danois Tycho Brahe ayant vécu au 16e siècle) et se présente comme un parcours onirique. Pour entrer dans l’univers de Grasso, il vous faudra vous promener dans un Musée d’art contemporain méconnaissable, dont les murs intérieurs ont été redessinés pour former une sorte de labyrinthe, un dédale spatial, mais aussi temporel où de véritables bronzes antiques côtoient de faux tableaux anciens, peintures inspirées par l’art italien et flamand des 15e et 16e siècles… Grasso sait mettre judicieusement en parallèle des récits bien réels relatant, par exemple, des recherches scientifiques et d’autres mettant en scène un univers totalement poétique.
Cohen 4 étoiles
Grasso 4 étoiles