Marie-Eve Martel et Alexis Desgagnés : Regards sur le monde
Arts visuels

Marie-Eve Martel et Alexis Desgagnés : Regards sur le monde

Ce sont des images fortes et percutantes que nous propose le centre Regart avec les expositions de Marie-Eve Martel et Alexis Desgagnés.

Dans la grande galerie, Marie-Eve Martel présente Phénoménologie nordique, une exposition de peintures inspirées par son séjour au Yukon. Marquée par l’éloignement et par une sensation d’isolement, elle propose des œuvres imprégnées du fantasme du retour à la nature sauvage. «Même quand on se retrouve dans le fin fond du Grand Nord, il y a la présence de l’État. L’idée d’isolement est liée au fait que tout est propriété maintenant», explique l’artiste qui a été inspirée par Walden ou la vie dans les bois, de Henry David Thoreau.

Ses toiles se veulent une réponse sensorielle et psychologique à la société moderne, et le fantasme du retour à la nature sauvage constitue une réaction romantique à cette dernière. «Mes tableaux sont des espaces imaginés d’un contact un peu utopique avec la nature. D’un autre côté, ils se situent à mi-chemin entre les symptômes psychologiques amenés par l’isolement et une imagerie qui, elle, oscille entre liberté, enfermement et angoisse», précise Marie-Eve Martel.

La facture des œuvres rend bien ce regard presque halluciné provoqué par l’éloignement. L’onirisme de ses représentations de cabanes et bâtisses est accentué par le visuel un peu halluciné des œuvres. Et, surtout, par des tableaux très sombres, tout en contrastes de gris et de noir, qui nous font entrer progressivement dans un espace de plus en plus imaginaire. Et pour bien les appréhender, il faut prendre un certain temps pour les observer. «Dans les dernières toiles, j’essaie de faire en sorte qu’il faille marcher devant la toile et la contempler de différents angles pour voir l’image apparaître complètement.»

Dans la petite galerie, Alexis Desgagnés présente Le cabaret de Jackie, qui illustre le problème du regard qu’on pose sur la culture, et plus particulièrement celui qu’y posent nos élites politiques et économiques. «Notre rapport à la culture participe à ce système parfaitement corrompu mis en place par tous ceux qui possèdent les moyens de diffusion et de production du monde», explique-t-il.

L’exposition est une mise en parallèle d’arrêts sur image tirés de la vidéo des célébrations du 80e anniversaire de Jacqueline Desmarais à Sagard, diffusée par Anonymous lors du printemps érable, et de ses propres photographies, prises pendant le mouvement étudiant et en d’autres circonstances. «Il y a quelque chose de violent dans le contraste entre la bulle dans laquelle vivent ces gens qui peuvent tout se payer, y compris la politique, et la réalité dans laquelle la plupart des gens évoluent. Mes photos reflètent le fait qu’on évolue dans un univers relativement banal qui n’a rien à voir avec le leur.»

En guise de complément à l’exposition, Alexis Desgagnés a demandé à Alain Deneault d’écrire un texte qui sera distribué aux visiteurs. «Il est une des seules personnes à avoir livré une analyse plus approfondie de ce que suppose la vidéo de Sagard, qui est au centre de l’exposition.» Le texte, dont la mise en pages reprend celle d’un journal, porte sur la notion de médiocratie et suggère que notre rapport à la culture s’inscrit dans un système conditionné.