Sébastien Pesot : Joue-toi dessus
Sébastien Pesot se moque du discours hermétique dans lequel se drape souvent l’art actuel avec Opus, une exposition évoquant son passé de musicien présentée à la Maison des arts et de la culture de Brompton.
Vendredi matin. Sébastien Pesot et le scribe à l’emploi de Voir Estrie roulent sur la route récemment repavée qui sépare Sherbrooke de Bromptonville (merci pour le lift, Sébastien!) alors que l’artiste s’inquiète de la qualité des réponses qu’il offrira pendant l’entrevue, une fois parvenus à destination. Pour tout vous dire, le premier café tarde toujours à produire son effet sur ce chic type de Pesot qui tient à opposer au discours hermétique dans lequel se drape (s’enlise?) parfois l’art actuel une manière très décomplexée de jaser de son travail. Pas que l’œuvre de l’Estrien nécessite la lumière d’un vulgarisateur, au contraire. Prenez Instrumentalisation, la très pissante pièce maîtresse d’Opus, l’expo qu’il présente ces jours-ci à la Maison des arts et de la culture de Brompton, un triptyque audio-vidéo dans lequel Pesot bat un rythme sur son corps, assemble une batterie et danse sans inhibition au son d’une chanson de Chumbawamba (c’est le bout drôle). «Que moi je fasse partie d’une œuvre, c’est une farce, avance-t-il pour expliquer l’omniprésence de l’autodérision dans sa production. Il fallait que j’intègre l’humour pour accepter de me montrer devant une caméra comme si j’avais fait ça toute ma vie, comme si j’étais un acteur professionnel. Faire des actions un peu débiles, ça me permettait aussi d’avoir du plaisir.»
Deux des quatre autres parties d’Opus, Crash et Pavillon, comptent parmi les premières photos qu’expose Pesot, lui qui avait jusqu’ici surtout présenté des installations et de la vidéo d’art. Ces gros plans qui flirtent avec l’abstraction de trompettes et de cymbales renvoient, comme le titre de l’exposition, au passé de musicien de l’artiste. «Ce sont des outils qui m’ont formé et, pourtant, je n’avais jamais scruté une cymbale comme ça. C’est un objet que j’ai transporté, brisé, acheté, et que je me réapproprie maintenant en en exploitant les qualités plastiques.»
Franchement moqueuse, la monobande Démarche orchestrale montre pour sa part les lèvres de Pesot définissant dans un langage savant sa démarche artistique, un texte dont tous les éléments essentiels (le nom d’un mouvement qui l’a influencé, par exemple) sont censurés par un bruit de trompette ou de cymbale. Doit-on y entendre un commentaire sur le genre de discours dont un artiste doit appareiller son œuvre s’il veut dégoter des subventions et tenir l’affiche en galerie? «Rédiger une démarche artistique, c’est un passage obligé, mais ça m’a toujours fait chier, lance-t-il. Bon, je suis un peu ingrat, parce que c’est un exercice exigeant qui me force à réfléchir et qui me nourrit. Reste que c’est quand même encore le guts qui m’amène à faire de l’art. Si je pouvais me passer du discours, je le ferais.»
«C’est comme pour Instrumentalisation, poursuit-il. Je me suis filmé en train de me taper dessus d’abord et avant tout parce que je me suis tapé dessus toute ma vie. J’ai presque autant joué du drum sur moi que sur un vrai drum, parce que mon corps, je l’ai tout le temps alors que mon drum et mon local, je les avais vraiment plus rarement. Je me rappelle quand j’étais dans un groupe punk, un gars était venu me voir pour me demander de lui donner un conseil pour commencer à jouer du drum, et je lui avais répondu: "Joue-toi dessus!"»