Thomas B. Martin / No Biggie : L'affichiste hurle
Arts visuels

Thomas B. Martin / No Biggie : L’affichiste hurle

L’affichiste Thomas B. Martin troque le musée à ciel ouvert de la rue pour le sous-sol du Cercle à l’occasion de No Biggie, sa première rétrospective. Des posters qui font autant de bruit que les groupes qu’ils promeuvent.

Un monstrueux ampli sur lequel l’inscription Marshall a été remplacée par le mot malaise (pour un concert d’Amantani). Un bouquet de fleurs coulant à pic dans l’eau glauque d’un lac (pour un concert d’Austra). Un gargantuesque hamburger couronné d’un bonhomme sourire (pour un concert de Tonstartssbandht). Le visage de Richard Bourque, guitariste et chanteur de Cobrateens, qui s’autodétruit et dégouline comme une tarte à la crème que l’on aurait jetée contre un mur (pour un concert de… Cobrateens). Voici autant d’exemples du genre d’images placardées sur les murs de la capitale de Thomas B. Martin, affichiste que s’arrachent les organisateurs de spectacles et les membres de la scène rock indépendante de Québec, d’où ce surnom, No Biggie, dont il coiffe sa première expo solo qu’accueillent les murs du sous-sol du Cercle. No Biggie, comme dans: «Pas de trouble, je vais la faire ton affiche, même si je suis débordé.»

Lassé par le banal poster composé autour de la photo de rockeurs savamment négligés déployant des trésors d’efforts pour ne pas avoir l’air de prendre la pose, B. Martin s’inscrit dans la grande tradition de l’affiche qui refuse d’illustrer littéralement le nom du groupe dont elle fait la promotion. Son style: mettre de l’avant des concepts entretenant un lien plus ou moins ténu avec ce que l’artiste incarne, lien qu’il revient au mélomane de relever la nature, voire de l’imaginer. «Comme on était en novembre et que la musique du groupe a quelque chose de nostalgique, j’ai pensé à cette scène où on voit des jeunes hommes qui se préparent à jouer au hockey dehors», se souvient par exemple B. Martin au sujet de l’affiche inondée par la lumière bleu turquoise d’un banc de neige créée pour l’assourdissant duo rock Solids, un paysage lunaire ne donnant qu’une idée partielle de l’étendue de la palette du vaillant punk-rockeur dont l’imaginaire alimenté par la bédé underground américaine (Charles Burns, Daniel Clowes) tend aussi parfois vers le trash ou le pop.

Pilier du complexe coopératif Pantoum, membre de la formation MOM Jeans (premier supergroupe de la scène rock indé de Québec réunissant deux membres de Leafer et Maxime Chiasson de Ponctuation), maître noceur au sein de l’escadrille de disc-jockeys Jewish Deli, B. Martin ne conçoit pas les réseaux sociaux, qui ont changé la manière de rameuter les spectateurs dans une salle, en ennemis jurés de l’affiche traditionnelle. «On utilise Facebook comme on utilise un poteau dans la rue. Les posters circulent donc deux fois plus. Suffit de créer du contenu le fun à regarder, que les gens aient envie de le partager.»

Alors qu’il propulse au rang d’œuvres d’art ses affiches en les soumettant au traitement grand luxe de la sérigraphie ainsi qu’en invitant UBT et Jesuslesfilles à les bénir de leurs accords distorsionnés lors d’un vernissage le 7 juin, No Biggie Thom rappelle que ses créations ne s’épanouissent vraiment que dans la rue, une agrafe enfoncée dans chacun de leur coin. «Les intempéries rendent parfois certains posters plus beaux. Il y a un papier rosé foncé en particulier qu’on achète qui devient beige quand il pleut, c’est magnifique. Les papiers fluo changent aussi beaucoup sous la pluie ou le soleil. Les affiches évoluent dehors, elles ont une deuxième et une troisième vie.»

No Biggie

Tout l’été au sous-sol du Cercle

Vernissage le 7 juin à 21h avec UBT et Jesuslesfilles