Sociofinancement en arts visuels / Ianik Marcil : La prochaine étape
Sociofinancement

Sociofinancement en arts visuels / Ianik Marcil : La prochaine étape

Déjà bien implanté dans les milieux musical et cinématographique, le sociofinancement peine encore à trouver sa place en arts visuels. Ianik Marcil, économiste et chroniqueur en arts visuels, nous propose de passer à la vitesse supérieure.

«C’est probablement là où c’est le moins utilisé dans toutes les disciplines artistiques», affirme d’emblée Ianik Marcil lorsqu’on lui demande comment le sociofinancement s’applique dans le milieu des arts visuels. «Il n’y a à peu près aucun projet, mais ça s’explique peut-être par la nature même des projets en arts visuels», tempère-t-il avant d’enchaîner sur le type de projet à financer par les nouveaux mécènes des arts. «Ce n’est pas encore ancré dans les mœurs qu’on peut faire autre chose en sociofinancement que de financer un objet. Ça a démarré avec les gadgets électroniques, les films, etc. Ça explique sans doute en partie pourquoi on n’a pas encore beaucoup d’artistes en arts visuels qui le font, car on se dit qu’on ne peut pas financer une toile, mais une démarche, un projet, pourraient très bien l’être.»

De cette manière, un artiste en arts visuels pourrait établir un plan de travail et de financement sur une année entière dans lequel il ne serait plus question uniquement de «production» d’un objet, par exemple, et ainsi entamer un travail à long terme. «Une des prochaines étapes du sociofinancement, en général, c’est l’expérimentation», note l’économiste spécialisé dans le domaine des transformations économiques, industrielles et technologiques. «On va s’en aller graduellement vers ça. L’artiste va tenter l’expérimentation et toi, en tant que personne qui a financé ce projet, tu sais que ça ne donnera peut-être rien, mais tu as le goût malgré tout de l’encourager dans sa démarche», poursuit celui qui signe régulièrement des chroniques en arts visuels pour le webzine Rats de ville et qui donne aussi des formations – les dernières sur le sociofinancement – dans le cadre du Projet Columbus.

Ainsi, le sociofinancement devrait non seulement être considéré par les artistes en arts visuels, mais aussi mieux intégré à un plan d’action marketing, qu’on veuille jumeler ce terme ou non aux arts. «C’est un outil supplémentaire dans ta boîte à outils, comme ton site web, ton Facebook, pour faire connaître son travail et sa visibilité. Il faut passer à la vitesse supérieure et montrer l’utilité de cet outil», insiste Marcil. «Ce n’est pas un plus, c’est intégré. Oui, tu fais des demandes de bourses au CALQ et en même temps, tu as des projets de sociofinancement que tu intègres.»

Ianik Marcil explique la montée soudaine du sociofinancement non pas à cause des coupes de budget des gouvernements en art, mais plutôt par deux phénomènes conjoints. «Premièrement, on a maintenant la possibilité de le faire technologiquement. Il y a 10 ans, l’Internet n’était pas ce qu’il est aujourd’hui, évidemment. Deuxièmement, ce n’est pas parce que le financement privé ou public existe moins; ça a toujours été le cas. C’est une recherche de financement qui ne trouve pas preneur ailleurs», lance-t-il avant de rappeler que «les petits projets ont d’autant plus besoin de ce type de soutien, parce que les banques ou le CALQ ne les financeront pas.»

En fin de compte, un artiste en arts visuels qui tente le sociofinancement ne devra pas voir cette démarche comme une manne, mais plutôt comme un outil complémentaire à d’autres. «En arts visuels, il y a plusieurs étapes – démarche, expos, voyages, visites, études, recherche, etc. Si tu vois le sociofinancement sur une longue période, ça peut bien fonctionner, souhaite Ianik Marcil. Mais on expérimente encore, c’est sûr.»