1 + 1 = 1: Quand les collections du MBAM et du MACM conversent : Esprit d'équipe
Arts visuels

1 + 1 = 1: Quand les collections du MBAM et du MACM conversent : Esprit d’équipe

Stéphane Aquin, conservateur de l’art contemporain au MBAM, et John Zeppetelli, directeur et conservateur en chef du MACM, ont répondu à l’appel de la directrice et conservatrice en chef du MBAM, Nathalie Bondil, pour créer une exposition réunissant des joyaux de leurs collections d’art contemporain, à l’occasion du cinquantenaire du Musée d’art contemporain de Montréal.

Le prétexte: célébrer un cinquantenaire fondamental et magistral. Le plan secret: donner un petit coup de savate aux mauvaises langues qui ont tendance à placer les différents musées en compétition. La prémisse: puisque l’exposition sur Peter Doig (Nulle terre étrangère) était déjà au programme du MBAM, pourquoi ne pas en profiter pour créer une grande saison d’art contemporain?

C’est donc à l’initiative de la directrice et conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal, Nathalie Bondil, qu’est réuni, sous un même toit, un échantillon de ces luxuriantes collections. Menée de mains de maître par Stéphane Aquin et John Zeppetelli, la création du parcours contemporain que nous offre 1 + 1 = 1 est non seulement le symbole d’une complicité sincère entre les deux musées, mais aussi un dialogue entre les deux conservateurs qui se sont relancés sans arrêt au cours de la dernière année. «Ça permet aussi de comprendre l’identité et la nature de chaque collection, illustre Nathalie Bondil. Ça a été un exercice très intéressant, mené par les deux commissaires, de définir comment ces collections se complètent et comment elles forment aussi une collection incroyable pour Montréal.»

Solidarité culturelle

On nous offre ainsi une célébration, sans prétention, d’une complémentarité muséale montréalaise dans l’art actuel. À ce sujet, Nathalie Bondil ne mâche pas ses mots: «On pense vraiment qu’il y a de la place dans une ville pour un musée des beaux-arts, un musée d’histoire, un musée d’art contemporain, et toutes ces institutions sont absolument fondamentales pour répondre à une biodiversité, si je puis dire, de l’art. Sinon, ce serait la dictature esthétique! C’est cette pluralité des visions, des regards, qui fait qu’il y a tout un milieu, tout un bassin d’artistes, tout un écosystème qui peut se développer.» Et Bondil n’en démord pas. Il règne, dans le domaine de la culture au Québec, une atmosphère de solidarité et de complicité qui lui laisse présager le meilleur pour l’avenir: «On entend bien des choses, mais il y a une véritable maturité des institutions, qui comprennent que si elles veulent se renforcer, à l’échelle locale, nationale et internationale, elles doivent travailler ensemble. Surtout si on rêve à renforcer le poids de Montréal, le poids du Québec dans la culture. De toute façon, on n’a pas les moyens de travailler en silo. Ce serait totalement stupide et contre-productif!»

De l’importance de sortir du placard (de l’entrepôt)

Stéphane Aquin et John Zeppetelli sont de la même génération, qui est celle-là même du Musée d’art contemporain de Montréal. Il s’agissait donc d’une occasion parfaite de travailler pour la première fois sur un projet conjoint, pour les deux amis. «J’ai 52 ans et le musée célèbre son 50e. Ce n’est jamais facile d’avoir 50 ans. Au MAC, nous sommes en transition, en ce moment. [Cette exposition et cet anniversaire], c’est une façon de montrer notre collection permanente, dont on ne peut montrer qu’une infime partie, environ 1%, à chaque exposition», révèle le conservateur. «[…] Le défi des deux commissaires, note Zeppetelli, c’est de tracer un parcours à l’intérieur de tout ça, parce que finalement, j’ai choisi les œuvres qui me correspondent un peu plus, et même chose pour Stéphane. On se disait: « Ah! t’as ça!,  Oh! attends, j’ai encore mieux!,  Oh! but you haven’t seen this one! »» Un vrai dialogue de commissaires et de conservateurs d’art passionnés par leur métier et leurs collections. «Exact, mais tout ça dans un récit fait pour la première fois. C’était très excitant.»

S’il existe une volonté de tracer les grandes lignes de l’art contemporain chez Aquin et Zeppetelli (art conceptuel, figuration, sculpture, installation, etc.), il n’y a cependant pas de prétention à faire une rétrospective. Les deux amis souhaitaient aussi sortir les plus belles œuvres des collections, des voûtes montréalaises, en remontant jusqu’au début des années 1970. «On fait un parcours où toute discipline est représentée, précise Zeppetelli. Il y a des œuvres qui sont en jumelage avec d’autres, quoiqu’on ne les mette pas nécessairement l’une à côté de l’autre; mais c’est là, elles sont en dialogue, pour en soutirer d’autres nuances. On voit le potentiel. C’était et ce sera une surprise pour nous.»

Joyaux et favoris

Jouissif, inclusif, généreux, complice, solidaire, fédérateur, etc., Bondil et Zeppetelli font preuve d’un enthousiasme débordant de sincérité lorsqu’ils abordent 1 + 1 = 1. C’est sans prétention et avec beaucoup d’affection que cette conversation sur l’art contemporain sera offerte au public qui pourra y découvrir autant un parcours photographique de Françoise Sullivan entre l’ancien MAC et le MBA, datant de 1970 (collection du MBAM), qu’une œuvre de Jana Sterbak, le fameux Generic Man (1987-1989), tirée de la collection du MAC et mise en relation avec le Sans titre no 54 de Karel Funk.

John Zeppetelli: «On a aussi un Jeff Wall fantastique (The Quarrel, 1988, MACM) où l’on pense avoir toute la narration d’un film, d’un long métrage, comprimé dans une seule image. Avec ce couple, on ne sait pas, il est trois heures du matin. C’est d’une angoisse incroyable.»

Nathalie Bondil: «Avec le [Pierre] Dorion (Sans titre, 1999, MBAM), d’ailleurs, c’est assez étonnant. Je l’ai toujours lu de manière très positive, comme un lit d’amour, presque. Et quand on le met en comparaison avec le Wall, ça devient tout à fait autre chose.»

Le discours est continu, complexe, changeant, inusité, relu, au travers des interprétations que Aquin et Zeppetelli en ont faites, au fil de leurs découvertes.

«Ils ont aussi un paysage fantastique de Gerhard Richter (Paysage près de Coblence, 1987, MBAM) qui est époustouflant», poursuit Zeppetelli. Cette œuvre sera proposée en rapport avec une création récente de Nicolas Baier, intitulée Réminiscence (2012), une impression numérique générée par algorithmes façonnés par des scientifiques qui ont tenté d’imaginer le ciel au-dessus de Montréal, il y a 10 000 ans. «Le résultat, c’est cette magnifique photo qui a l’air d’un romantisme incroyable, mais qui est une rationalisation scientifique. C’est à la fois émotionnel et scientifique», conclut-il, rappelant du même coup, la base de l’exposition, cette conversation rationnelle et bourrée d’émotion.

1 + 1 = 1

Du 22 février au 15 juin 2014

Au Musée des beaux-arts de Montréal