Sylvie Fortin / Biennale de Montréal : Repartir à zéro (ou presque)
Arts visuels

Sylvie Fortin / Biennale de Montréal : Repartir à zéro (ou presque)

Résultat de la fusion de la Triennale d’art québécois et de la Biennale de Montréal, BNLMTL 2014 s’inscrit dans la lignée des grandes biennales internationales d’art actuel, selon sa nouvelle directrice artistique et générale, Sylvie Fortin.

Parachutée tout juste après la controverse ayant signé l’arrêt de mort de la Triennale d’art québécois et de nombreuses démissions au Musée d’art contemporain, début 2013, Sylvie Fortin avait du pain sur la planche pour forger, en une seule année, la nouvelle Biennale de Montréal qui saurait donner un coup de fouet à la version désuète que l’on connaissait depuis 1998. «Ce n’était pas mon histoire. Je ne veux pas prétendre qu’elle l’est. Je suis arrivée complètement fraîche. La seule chose à laquelle je peux prétendre, c’est l’avenir», rappelle la directrice, évoquant du même coup la thématique qui mène cette biennale, L’avenir (looking forward), qui se dessine en étroite collaboration avec le Musée d’art contemporain.

Après avoir passé la dernière décennie aux États-Unis, dirigé la revue Art Papers de 2004 à 2012, puis avoir été commissaire de l’art contemporain au Centre d’art Agnes Etherington à Kingston, Sylvie Fortin fut appelée à participer à la revitalisation de la Biennale de Montréal. «Moi aussi, j’avais l’image de l’ancienne biennale, et ça ne m’intéressait absolument pas», admet la principale intéressée. «C’est l’idée du potentiel qui m’a séduite.» Après avoir consulté nombre d’acteurs du milieu de l’art montréalais, mais aussi de celui de l’éducation et de la politique, au cours des trois premiers mois de son mandat, la pétillante directrice en conclut que cette biennale a toujours sa place, que le milieu la désire et qu’il souhaite y contribuer pour «en avoir une qui se tient». Et qui dit désir, dit communauté de soutien: «Il fallait voir ce qui était là et ce qui n’y était pas. La force de la communauté était là. Il y avait cette volonté d’appuyer et de prendre part à un projet qui serait intéressant.»

Quatorze lieux, 25 partenaires et 50 artistes ayant créé 150 œuvres – dont 25 inédites – plus tard, BNLMTL 2014 se tient, prête à accueillir un public varié, curieux et prêt à être déboussolé. «Tout ça se fait sur la base des projets des artistes qui nous mènent aux lieux, qui nous mènent aux partenaires.»

Montréal/Québec/Canada/Monde

Les quatre commissaires en place – Peggy Gale, Gregory Burke, Lesley Johnstone et Mark Lanctôt – ont ainsi travaillé de concert avec la directrice artistique: «L’important, c’était d’avoir un événement découverte qui témoigne d’une recherche sérieuse et non d’un conformisme, à tous les niveaux, autant des pratiques locales qu’internationales.»

Du même coup, Sylvie Fortin aborde par la bande une inquiétude qui créait une certaine tension, lors de la fin annoncée de la Triennale d’art québécois: qu’en serait-il de la représentation québécoise? «C’est dans le mandat de tout le monde. On est toujours en relation avec le milieu où on travaille. Pour moi, ce n’est même pas une question, c’est une évidence. C’était tout aussi clair que la biennale aurait des artistes qui viendraient d’ailleurs, car c’est ça, être contemporain. On est tous ici et ailleurs. Ce qui est important, pour moi, c’est ce qui a du sens ici et maintenant.» Et c’est par les questions de la représentation des pratiques locales et internationales que BNLMTL 2014 s’est construite: «Comment on représente ce qu’est une pratique montréalaise actuellement, et ses diversités? Comment on réfléchit à où on est? Comment on s’engage avec le monde?»

Biennale + MAC

Maintenant présentée en étroite collaboration avec le Musée d’art contemporain de Montréal, la Biennale de Montréal s’inscrit dans une logique de complémentarité avec le musée qui se penche constamment sur les pratiques d’art actuel: «John [Zeppetelli, directeur général et conservateur en chef du MAC] et moi, on est arrivés en même temps et on se connaissait déjà», rappelle Sylvie Fortin. «Dans une ville comme celle-ci, il faut collaborer. Sinon, c’est pas le fun si on est seuls dans notre coin! Une biennale, tous les deux ans, peut faire certaines choses qu’un musée ne peut pas. Elle n’a pas le devoir de faire les choses en continu, et peut arriver comme un vent d’air frais. On peut ainsi montrer qu’il y a d’autres façons de travailler, d’autres pratiques.»

Ainsi, la Biennale de Montréal se pose aussi comme un soutien des pratiques québécoises, poste multidimensionnel s’il en est un, selon la directrice: «Faire une place, mais aussi faire une scène internationale où les artistes locaux peuvent s’activer, c’est un travail d’accompagnement, de financement. Il faut créer un contexte international où les gens vont jeter un regard, créer un contexte de dialogue des discours où nos artistes peuvent non seulement être des consommateurs de théories, mais aussi participer à un lieu de production des idées, de nouvelles pensées. Tous les deux ans, ce sera cette espèce d’effervescence, une façon de se remettre à l’heure, un moment où on lance une série de défis au monde!»

Devenir un incontournable

«Pour arriver où je veux qu’on arrive, ça va nous prendre trois éditions», assure Sylvie Fortin en présentant une confiance inébranlable en son projet de biennale. «Pour cette édition-ci, l’idée était de signaler que ce qu’on faisait était important, qu’il se passe quelque chose ici, que c’est à surveiller.» Mission accomplie, puisque tous attendent cette nouvelle biennale avec impatience; certains avec une brique et un fanal, d’autres avec enthousiasme. «À la deuxième, t’as plein d’autres gens qui viennent. On n’a pas eu de problème à attirer de gros canons, mais l’idée est d’attirer plus de soutien étranger la prochaine fois. Et de voir qu’il y a des pratiques québécoises qui s’exportent – artistiques, d’écritures, de commissaires –, pour moi, c’est très important. C’est une mesure de succès aussi. On ne veut pas juste être une destination, on veut être un lieu de propulsion. À la fin de la deuxième, les gens qui ne sont pas venus se disent qu’ils ne manqueront pas la prochaine, et là, tu es devenu un incontournable. On est très ambitieux, oui, mais on est capables de livrer.»

BNLMTL 2014 se déroulera du 22 octobre 2014 au 4 janvier 2015. bnlmtl2014.org