Lida Moser / MNBAQ : Les beaux hasards d’une Américaine au Québec
Certains de ses clichés sont célèbres, sans qu’on sache souvent qu’elle était celle derrière la caméra. En février, le Musée national des beaux-arts du Québec rend honneur au formidable talent de la photojournaliste américaine Lida Moser.
Juillet 1950, Lida Moser a 30 ans. La photojournaliste new-yorkaise ne connaît rien du Québec et se lance à l’aveugle dans un photoreportage commandé par le Vogue. Elle débarque d’abord à Montréal. Puis, par hasard, elle se retrouve à rejoindre le collectionneur d’art Paul Gouin et l’ethnographe et écrivain Luc Lacourcière, qui l’emmèneront sur la piste des conteurs et chanteurs folkloriques de Charlevoix, de la Gaspésie, de la Côte-du-Sud et de la Montérégie. Elle reviendra ensuite à l’hiver afin de réaliser une série de portraits d’enfants pour le Look. C’est ce double périple que le MNBAQ a voulu retracer avec l’expo 1950. Le Québec de la photojournaliste Lida Moser, qui s’ouvre le 19 février. «Ce qui est fascinant, c’est comment son sujet photographique se développe alors qu’elle se familiarise avec la culture québécoise», commente avec admiration la commissaire de l’exposition, Anne-Marie Bouchard.
Autant son talent que sa personnalité en font une artiste d’exception. Aux dires de la commissaire, Lida Moser était assez audacieuse. «Elle ne connaît personne au Québec, ne parle pas français, mais se présente à tout le monde! Elle rencontre par hasard Wilfrid Pelletier, qui est à l’époque chef d’orchestre à Montréal, et il la met sur la piste de Gouin et Lacourcière. C’était son expression préférée, ça. Tout arrivait toujours « comme par hasard »!» Et, pour faire honneur à sa mémoire (Moser est décédée en août 2014 à l’âge de 93 ans), le MNBAQ a créé l’expo… par hasard, ou presque.
«Avec Anne Eschapasse (directrice des expositions), on parlait souvent de photo et de Lida Moser. Les archives de Moser sont conservées à BAnQ à Québec. Anne a proposé qu’on fasse une expo sur elle. Non seulement il n’y a pas beaucoup d’expositions sur les femmes photographes, mais le travail de Moser témoigne d’un Québec qui a disparu et fait partie d’un fonds local qu’il fallait mettre en valeur», explique Anne-Marie-Bouchard. «Je dois le dire, organiser une expo de cette envergure, plus produire un catalogue en tout juste un an, c’est assez casse-cou!»
Plus que le temps alloué, c’est le choix des clichés qui a posé problème. L’expo en compte 189, alors que Moser en a pris environ… 1700 au total pendant ses deux voyages. «C’était crève-cœur: on enlevait une photo du lot, on la remettait le lendemain», témoigne la commissaire. «Ce qu’on a choisi est très représentatif du travail de Moser. On a produit 59 nouveaux tirages à la gélatine argentique. Certaines photos sont inédites et n’avaient même jamais été imprimées par Lida. Elle avait une capacité incroyable de saisir son sujet, de le cadrer. On voit avec les négatifs qu’elle ne procédait presque jamais à un recadrage. C’est ça, l’essence du photojournalisme: rester proche de la réalité, montrer les choses telles qu’on les a captées.»
Du 19 février au 10 mai
Musée national des beaux-arts du Québec