Que cache la nudité de Milo Moiré?
Le corps parfait de Milo Moiré est-il le seul garant de sa visiblité médiatique, ou l’artiste présente-t-elle un propos qui va au-delà de sa nudité?
Milo Moiré avait sauté à l’avant-plan du web et de la planète médiatique avec sa performance du PlopEgg lors du Art Cologne en Allemagne, performance pendant laquelle elle expulsait des oeufs remplis de peinture de son vagin sur un canevas blanc.
Elle l’avait fait nue, comme lors de son Script System, une autre performance artistique à Art Basel, pendant laquelle elle se déplaçait en métro toute nue, des mots peints sur différentes parties de son corps, supposés représenter les vêtements qui la couvriraient habituellement.
Plus récemment, c’est cette marche tranquille dans un musée, nue, évidemment, cette fois-ci portant un bébé sur elle, qui l’a propulsée encore une fois à l’avant-plan de la scène médiatique. Mais qui est Milo Moiré, et que propose-t-elle au juste, artistiquement?
THE NAKED LIFE – “How little abstraction can art tolerate?” (2015) from Milo Moiré on Vimeo.
L’artiste
Artiste suisse d’origine espagnole et slovaque, Milo Moiré travaille surtout en Allemagne, et souvent en partenariat avec son mari, le photographe P. H. Hergarten , aka Peter Palm.
Souvent invitée à expliquer (ou justifier) son processus créatif, Milo Moiré explique que « pour créer de l’art, j’utilise la source originale de la féminité, mon vagin ». Elle explique également que la nudité est le plus grand facteur d’égalité. Selon elle, en l’absence de vêtements, l’être humain est libéré de notions de classe, d’argent, ou même de temps.
Sa nudité, d’ailleurs, est une façon de présenter la force de ce qu’elle nomme le script system, selon lequel l’être humain s’est progressivement aliéné pour obéir à des codes sociaux précis, particulièrement lorsqu’il se trouve en transport en commun en direction de son travail. C’est d’ailleurs fascinant de la voir aller, complètement nue, soit dans des transports en commun où, selon elle, tout le monde l’ignore et personne ne lui parle, ou bien dans un musée, tandis que les visiteurs la fuient comme la peste, ceux-là mêmes qui étaient en train de regarder des oeuvres d’art de femmes dénudées quelques secondes auparavant.
Comment ne pas faire une comparaison avec « 10 hours in New York« , cette vidéo virale présentant une femme vêtue subissant les harcèlements des passants dans la rue et représentant, apparemment, le quotidien des femmes?
L’artiste n’est pas à l’abri de contradictions évidentes. Son PlopEgg, réalisé pendant le rassemblement artistique important Art Cologne, avait comme objectif avoué, de la part de l’artiste, de briser le rapport pécunier entre l’art et le public, de démocratiser la performance artistique et de libérer l’art de ses considérations capitalistes. Cependant, sur son site web, pour accéder à des versions non censurées de ses performances, il faut payer.
L’artiste dans son courant
En ce sens, Milo Moiré, accompagnée de son mari photographe, rentre effectivement dans la nouvelle case de l’artiste entrepreneur, comme l’explique William Deresiewicz, dans The Atlantic. Initialement considérés comme des artisans, et ensuite comme des génies solitaires, les artistes sont, de nos jours, de plus en plus des entrepreneurs, leurs propres employeurs. Milo Moiré n’a pas de mécènes, mais pourtant, elle connaît un succès artistique et médiatique énorme.
On a évidemment comparé Milo Moiré à Casey Jenkins, l’artiste qui a conçu une écharpe avec de la laine logée dans son vagin dans une vidéo sur YouTube. Le montage, présentant le travail de l’artiste pendant tout un cycle menstruel, a causé tout un émoi sur Internet et a motivé Casey Jenkins à justifier son geste, expliquant que les internautes semblaient répugnés par le simple fait qu’elle osait montrer son visage.
« Les commentateurs étaient outrés du fait que je puisse faire quelque chose qu’ils considèrent comme étrange et dégoûtant avec mon corps sans montrer une certaine honte. Des femmes qui se mettent de l’avant, c’est toujours mal perçu, et encore plus lorsqu’une femme se met de l’avant d’une façon qui ne sert pas à plaire ou à être attirante. »
On l’a aussi comparée à Millie Brown, l’amie de Lady Gaga qui buvait des jus colorés pour le vomir par la suite sur une toile, une performance artistique qui a connu son lot de détracteurs.
L’art et la célébrité
La mention de Lady Gaga n’est pas nécessairement si anodine, puisque la chanteuse pop est probablement un des ponts les plus populaires et probants entre l’art et la célébrité. Non seulement est-elle proche de l’artiste qui vomit, mais elle s’est également associée à Marina Abramovic, que Milo Moiré considère comme sa plus grande inspiration. Et en termes d’art performance, Abramovic reste le monstre sacré du monde de l’art.
Après sa chambre vide qui a causé tout un echo médiatique, c’est sa performance de The Artist is Present, assise, stoïque, qui a fait le tour du monde, tandis que des anciens amants, des célébrités et des quidams venaient s’asseoir devant l’artiste, qui restait muette et stoïque devant ses nombreux visiteurs. En plus de se rapprocher de Lady Gaga, Abramovic est aussi apparue dans la vidéo performance de Jay-Z, créant un autre pont tangible entre le monde de l’art et de la pop.
Mais Jay-Z et Lady Gaga ne sont évidemment pas les seuls à s’intéresser à l’art performance. On connaît tous les déboires artistiques et égocentriques de James Franco. On sait aussi que Shia Labeouf, des Transformers, a transformé sa carrière avec des performances artistiques qui font de lui un meilleur Joaquin Phoenix que Joaquin Phoenix. Et Tilda Swinton a déjà servi d’oeuvre d’art vivante au MoMa, à New York.
Bref, les artistes se transforment en célébrités et les célébrités se recyclent en artistes. Selon certains, on a affaire à la montée de l’art purement motivé par l’égo et l’expérience subjective. Selon JJ Charlesworth, cet art motivé par l’égo est en train de tuer l’art. Se rapprochant de son point de vue, le critique de The Guardian Jonathan Jones considère l’art performance, avec les oeufs de Moiré comme preuve accablante, comme une farce consensuelle.
Dans tous les cas, on indique que l’accent mis sur le processus et non pas sur le résultat enlève une certaine crédibilité à tout ce mouvement d’art moderne. Mais en parlant de résultats, voici l’oeuvre créée à partir des oeufs projetés du vagin de Milo Moiré.
Effectivement, les récentes manifestations artistiques ne font pas consensus. On traitera Milo Moiré de pure exhibitionniste au corps de Barbie qui utilise sa nudité et sa beauté pour vendre une coquille vide. Mais les artistes sont-ils censés créer consensus, conforter les esprits?
Comme l’écrivait avec une certaine éloquence l’enseignant en français Martin Dubé dans une lettre ouverte à La Presse, le consensus, en fait, est à éviter: « Quand un geste artistique est posé, nous devons être là pour l’accueillir. S’il résonne en nous, il marquera quelque chose, inscrira avec force un moment clé dans nos vies. Si ce n’est pas le cas, ce n’est pas un crime. Peut-être le sera-t-il dans quelques années? Quelques siècles? Jamais? On ne le sait pas. On ne doit jamais chercher à le savoir. »
Il est très possible que les gestes de Milo Moiré ne suscitent rien en vous, malgré leurs capacités virales. Cela n’enlève rien, cependant, à leur potentielle signification artistique.
Exhibitionnisme pur et simple et art contemporain qui se tripote la nouille mais produit de la merde…
please
Il se trouve encore des gens pour prendre ça au sérieux? Pour inscrire ça dans la lignée de Picasso, Manet, Goya, Rembrandt? Allez, osez le décrochage, osez la lucidité, osez la vérité nue; toute cette camelote conceptuelle pourrait retourner dans le vagin dont c’est sorti sans que l’art y perde quoi que ce soit.
Ça m’étonne pas qu’un faux journaliste du VOIR s’intéresse à quelque chose de vide et superficiel.