Pierre Dorion : Au-delà de soi
Arts visuels

Pierre Dorion : Au-delà de soi

Peintre envers et contre tous depuis ses débuts, Pierre Dorion travaille ses œuvres à partir de photographies depuis une vingtaine d’années, se posant ainsi comme un pont entre la figuration et l’abstraction.

Dans son atelier au troisième étage d’un immeuble étroit de la rue Saint-Christophe, le peintre invite à découvrir son monde avec enthousiasme. Sévissant depuis plus de 30 ans sur la scène des arts visuels montréalais, Pierre Dorion a démarré en peinture, alors qu’elle connaissait des jours difficiles dans l’art contemporain. «En 1978, quand j’ai commencé, le discours théorique en art contemporain était largement que la peinture, c’était fini. Pour moi, c’était au-delà, ce n’était même pas une volonté, c’était moi. J’avais envie de faire ce genre, une peinture, oui, mais travailler aussi à partir de la figuration de la représentation. Mon défi, ç’a été de voir comment cette préoccupation-là pouvait s’intégrer dans un discours cohérent sur la peinture, une peinture contemporaine.»

Si, à ses débuts, cette vision de la peinture condamnée dominait, ce n’est plus le cas, aujourd’hui. Alors que l’approche de l’évolution de la peinture était plus linéaire, reliée à l’histoire de l’art récente, et se dirigeait quelque part vers le monochrome, plus tard, «pour aboutir là comme une espèce de chant du cygne», aujourd’hui, explique Dorion, «non seulement la peinture est bien vivante, mais il y a tellement d’approches différentes! Les jeunes artistes l’approchent de façons tellement différentes, avec un rapport plus installatif, plus relié à des procédés, plus figurative, plus surréaliste, plus kitsch. Ça va dans toutes sortes de sens!»

Évolution et continuité

Le corpus d’œuvres de Pierre Dorion a lui aussi évolué, au fil des années. Depuis la fin de sa série Autoportraits, créée entre 1990 et 1994, ses pièces sont maintenant conçues à partir de photographies – des instantanés – prises principalement lors de voyages. S’il s’attarde à des lieux souvent reliés à des expositions, il saisit aussi des instants qui évoquent des œuvres déjà vues: «[Ce n’est] pas une forme de citation, mais on essaie de brouiller les cartes un peu, dans la façon de travailler, en la figuration, l’abstraction, la photographie, la peinture et diverses façons d’approcher l’histoire, le temps en peinture.»

Progressivement, au cours des 20 dernières années, les références auxquelles renvoyait son travail se sont rapprochées: «Les références culturelles sont plus reliées au modernisme, au minimalisme, à l’art conceptuel, mais ça demeure une production de peinture où la représentation joue un grand rôle. Pas figurative, car il n’y a pas de figure comme telle, mais souvent il y a l’absence de figure, par contre. Parce que cette espèce d’atmosphère-là, très dépouillée, des représentations de lieux très désertés, désertiques, ça rappelle aussi une absence du corps.»

Aujourd’hui, le travail du peintre s’inscrit dans une approche plus dépouillée formellement, dans les compositions employées pour faire ses tableaux, mais qui sont toujours réalisées à partir de photographies, de détails issus de la réalité. «Ça ne change pas, sauf que les images se sont vraiment simplifiées.» L’influence des avancées technologiques en photographie a aussi modifié, d’une certaine manière, le processus créatif auquel Dorion s’adonnait. Alors que ce type de photographie nécessite un développement de photos supplémentaire, la composition en est aussi modifiée, affectant le jeu de couleurs et lumière du peintre: «J’interprète ces résultats-là, de couleurs et de lumière, en peinture. Mais, inévitablement, ç’a changé ma peinture. Je pense que, déjà, je me dirigeais vers la couleur, la lumière, des choses plus contrastées, des couleurs plus éclatantes que dans le passé. La caméra numérique ou les résultats obtenus par la photographie numérique, ça m’a aidé à pousser davantage, parce que les couleurs sont tellement folles des fois!»

Du neuf avec du vieux

Ces jours-ci, en plus d’une présence à la Biennale de Beijing, le peintre sera honoré à la Foire d’art contemporain de Saint-Lambert, tout en y présentant une série d’œuvres d’inspiration italienne, un thème auquel le peintre revient fréquemment, depuis qu’il a habité en Italie en 1991. «J’y suis retourné souvent et j’ai pris beaucoup d’images, là-bas, [mais] je n’ai pas souvent travaillé avec [celles-ci].»

Puis Pierre Dorion aura aussi droit à une nouvelle exposition à la Galerie René Blouin. Chez cette dernière, des œuvres bâties récemment à partir de photographies analogues d’archives trouveront leur place sur les murs. «Ma façon de travailler a eu aussi un impact sur ces images-là que j’aurais traitées d’une manière complètement différente il y a 20 ans. C’est intéressant pour moi de voir comment ç’a évolué […]. Certaines de ces images-là, plus anciennes – il y en a encore sur les murs –, [étaient] des images qui m’intéressaient, que j’ai toujours voulu faire, mais c’était pas le temps ou pas le moment.» Ainsi, le public pourra découvrir des œuvres réalisées récemment où il y aura un certain va-et-vient entre des images du passé et des images plus récentes, des images où la perspective est plus évidente, où les lieux sont plus faciles à identifier, ainsi que des images qui sont presque abstraites. Un échantillon pratiquement rétrospectif, mais ancré dans l’actualité.

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      Hommage à Pierre Dorion au vernissage de la Foire d’art contemporain de Saint-Lambert, le jeudi 15 octobre à 19 h.

      La FAC aura lieu du 15 au 18 octobre 2015 à la Salle multifonctionnelle de Saint-Lambert. Programmation complète au lafacdesaintlambert.com

      Pierre Dorion expose à la Galerie René Blouin du 31 octobre au 19 décembre 2015.