MCQ / Lignes de vie / Françoise Dussart : Chemins étoilés
Arts visuels

MCQ / Lignes de vie / Françoise Dussart : Chemins étoilés

Pendant une année entière, l’art contemporain des Autochtones d’Australie vole la vedette au Musée de la civilisation. Des relations entre l’art, la terre-mère, les êtres ancestraux et l’homme est tirée une exposition aux facettes multiples et à la portée sociale décuplée.

Il faut avoir passé quelques heures à décortiquer l’exposition Lignes de vie pour bien saisir toute la portée des œuvres qui y sont consignées par Françoise Dussart, professeure d’anthropologie et d’études sur le genre, la sexualité et les femmes à l’Université du Connecticut, et commissaire et conservatrice invitée de l’exposition Lignes de vie. Art contemporain des Autochtones d’Australie: «Les œuvres montrent toutes les connexions entre les artistes et les territoires, entre les artistes et leur patrimoine. […] Au cœur de ces œuvres: rendre visible ce qui a été étouffé afin de clamer savoir, appartenance territoriale, différences culturelles et le désir d’être reconnu et respecté.»

L’exposition se décline en trois zones thématiques: Terres de rêves, Terres de savoirs et Terres de pouvoirs. Elles invitent ainsi à découvrir des réseaux de symboles qui influencent les créations artistiques contemporaines des Autochtones d’Australie (des Aborigènes et Insulaires du détroit de Torrès), aussi diverses soient-elles. Mettant de l’avant le dialogue que ceux-ci entretiennent avec le monde et leur environnement, l’exposition évoque tantôt les histoires ancestrales et la dépossession de territoires (Karrku Jukurrpa, une immense toile créée par 36 artistes), tantôt l’assimilation forcée et les massacres passés, et le désir de coexistence et de différence toujours présent (les installations de Judy Watson et Vernon Ah Kee, entre autres). S’y retrouvent aussi, de manière constante et transversale, des références à la spiritualité, à la nature, au rêve, à la colonisation et à la marginalisation, aux savoirs ancestraux, à l’écologie et à l’environnement.

Toutes les créations artistiques présentées sont «ancrées dans les relations entre humains (les Autochtones), les êtres ancestraux du Temps du rêve et leurs relations inaliénables aux territoires», explique Mme Dussart, en détaillant cet espace-temps dans lequel ces êtres ont façonné le relief d’aujourd’hui. Ainsi, les sources de création mythiques dialoguent avec les sources de connaissances du terrain et des ressources, et avec des sources dénonciatrices des effets de la colonisation et de la marginalisation des premiers habitants du pays. Tout en revendiquant des droits, les artistes invitent les non-Autochtones à découvrir ce qui les façonnent, leurs cultures millénaires, tout en rappelant le respect dont ils ont été privés au fil des siècles, de la colonisation et jusqu’à aujourd’hui, et en légitimant leurs droits aux territoires, et évoquant les histoires familiales et personnelles.

Si, traditionnellement, l’expression artistique est essentiellement rituelle, «les artistes d’aujourd’hui sont influencés par les iconographies traditionnelles ainsi que d’autres traditions artistiques non autochtones», évoque Mme Dussart. «Encore plus peut-être aujourd’hui, l’art est devenu un repère vital dans un monde bien complexe qui continue à marginaliser les Autochtones, rappelle Françoise Dussart. On peut le comparer à un dispositif de sécurité utilisé dans les parcours acrobatiques en hauteur, « une ligne de vie » permettant, à l’utilisateur, de s’y attacher afin de se sécuriser contre les risques de chute.» L’amorti se retrouvera peut-être quelque part dans cette conscientisation qui pourra émerger chez les visiteurs qui découvriront des dizaines d’œuvres magistrales, des lieux de transmission, d’appartenance et de revendication.

 

Lignes de vie. Art contemporain des Autochtones d’Australie sera présenté jusqu’au 5 septembre 2016 au Musée de la civilisation.