Canadian Bacon : Art, bière et p’tits bums
Le nom intrigue, les pawtés (on reprend l’orthographe à Alaclair Ensemble) enivrent. Depuis deux ans, la jeune génération d’artistes visuels labeaumiens brasse la cage avec un concept d’expos totalement exalté.
Même si Québec interdit les graffitis et que les (vrais) acteurs du street art s’en voient considérablement limités dans leur production, il a ce groupe, ce club présidé par le grand Phelipe Soldevila qui célèbre en toute légalité l’esthétique coolio apparentée au médium mal-aimé de nos politiciens locaux.
« Au départ, c’est Plenty qui m’avait offert de faire une expo solo. […] Je n’aime pas être le centre d’attention, donc j’ai décidé d’inviter deux-trois chums. En une semaine, on s’est ramassés 15 puis 21. »
Jovialiste devant l’éternel et gars de gang autoproclamé, le chic type aussi muraliste a longtemps financé de sa poche les événements du collectif Canadian Bacon, réel happening social où néophytes et collectionneurs aguerris trinquent ensemble. Cette fois, par contre, il n’est pas le seul à mettre des sous dans la tirelire : tous ses collègues cotiseront. « C’est beaucoup à mettre sur tes épaules quand tu fais le salaire d’un peintre travailleur autonome dans la ville de Québec. J’ai atteint ma limite. […] Mon histoire, c’est que j’ai fait la murale de l’Université du Québec à mes frais et que là, tout l’argent que j’investissais dans Canadian Bacon s’est retrouvé là. J’en aie plus, là. »
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Trêve de comptabilité et de soucis financiers tristounets. Canadian Bacon, c’est d’abord et avant tout une fête, une vraie, et Soldevila ne se formalise pas des embûches mises sur son chemin d’entrepreneur non subventionné. Le point en commun qui unie tous les artistes qu’il sélectionne de « façon très biaisée », c’est justement ce positivisme, parfois transposé en humour, qui s’émane de leurs œuvres souvent très colorées. « Je suis une personne extrêmement optimiste et j’ai tendance à m’entourer de gens qui sont comme moi. […] En général, c’est des personnes qui sont bien dans leur peau, qui sont heureuses, donc ça transparaît dans leur art. »
Liberté, je crie ton nom partout!
Patrick Beaulieu alias Avive, François Lapierre (aussi co-organisateur), Pishier, Catherine McInnis et le rappeur aussi graffeur Monk.e participent à cette cinquième mouture de Canadian Bacon aux côtés d’une quarantaine d’autres artistes. « Pour beaucoup, on a la dégaine de bums, mais en même temps, y’a plein de gens qui viennent des résidences d’artistes, y’a plein de papas et de mamans dans le groupe aussi. »
Si Phelipe clame l’aspect familial de l’événement avant 21h, il tenait aussi à préciser un truc cher à son cœur : la carte blanche qu’il donne aux créateurs. Sa seule contrainte? Que les œuvres soient récentes et, forcément, invendues jusqu’ici. « Pour moi, c’est super important de privilégier la production déjà existante des artistes. […] La thématique, à la base, c’est mon amitié pour eux, c’est une fraternité de gens. Ce qui souvent quand tu es artiste, c’est que des clients nous font des commandes et qu’ils veulent tout le temps qu’on ne fait pas normalement. Chaque individu a son propre style de création et moi, je suis énormément consciencieux et respectueux. Je pense que la meilleure manière de mettre ces gens-là en valeur, c’est de les présenter comme eux le désirent. »
Gros jambon
Chaque vernissage Canadian Bacon s’accompagne de bon manger, initialement d’un food truck, une tradition en voie d’être changée pour des raisons légales, acharnement du maire oblige. « On va faire un gros méchoui. Au début, on ne voulait pas jouer avec la thématique du bacon et du cochon, mais pour la cinquième édition on a décidé de se gâter et d’aller un peu plus loin. » D’ailleurs, le copieux repas sera concocté par un cuistot du St-Amour, un autre du Clocher Penché et les proprios de la nouvelle table intra-muros Les méchants moineaux.
Et puis Phelipe, dis-nous donc ça… Il vient d’où le nom? « C’est parti d’un délire avec David Létourneau, Catherine McInnis et François Lapierre. On riait beaucoup, on déconnait et j’ai proposé d’appeler ça Le Bacon Art Show parce que, t’sais, tout le monde trippe sur le bacon! Au moment de dire ça, moi j’étais végétarien et séparatiste! » N’empêche, c’est un beau clin d’œil à Plenty, marque de streetwear ancrée dans la culture du snowboard qui leur prête ses locaux. Parce que sachez-le : un « canadian bacon », c’est aussi une figure de ce que l’annonceur aux J.O. appelle « l’épreuve de demi-lune en surf des neiges. »
Du 22 au 24 avril
Locaux de Plenty (280 rue Arago Est)
Vernissage : vendredi 22 avril de 15h à 1h du mat’