Vicky Sabourin : Singulier bestiaire
Arts visuels

Vicky Sabourin : Singulier bestiaire

Piégé par un trappeur, un chat sauvage revient à la vie. Spasmes post-mortem ou magie? Avec Danse macabre, l’artiste Vicky Sabourin explore le mystère de la mort, à coups de performance, de vidéo et de laine feutrée.

Science + magie

S’inspirant des vanités, œuvres du 17e siècle destinées à montrer la nature passagère de la vie, l’artiste montréalaise poursuit son exploration de notre relation à l’animal et des possibilités de la performance alors qu’elle présentera fin octobre une nouvelle installation à L’Œil de Poisson. Le point de départ de cette création a germé… d’une vidéo YouTube.

«Au fil de mes recherches, je ne me souviens plus trop comment, je suis tombée sur cette vidéo d’un trappeur en Nouvelle-Écosse. Il a capturé un bobcat et montre la bête morte à la caméra. Il se retourne pour replacer son piège et, pendant ce temps-là, l’animal se remet à bouger! Ça m’a vraiment marquée de voir la réaction du chasseur, qui éprouve un mélange de peur et d’émerveillement», relate Vicky Sabourin. «La façon dont l’animal bouge, avec ses mouvements saccadés, c’est comme s’il avait été ensorcelé! Il y a une explication scientifique, mais quand on voit ça, c’est presque magique. Est-ce que c’est l’âme qui s’échappe de son corps?» Cette dualité entre science et magie, cristallisée au 19e siècle, alimente le travail de Vicky Sabourin. «La période victorienne a beaucoup d’influence sur moi: c’est la naissance de la photo, l’apparition de la science moderne, mais avec encore de la place pour les croyances. C’est le moment où l’art, la science et la magie se croisent.»

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Danse macabre: Into the Wild
Série photo argentique noir et blanc prise dans la nature à Banff lors de la résidence au Banff Center
Photo : Vicky Sabourin

Performance + séduction

Profitant d’une résidence d’artiste de six semaines au Banff Centre for Arts and Creativity, Vicky Sabourin a réalisé une série de photos intitulée Danse macabre: Into the Wild, dont certaines feront partie du diorama présenté à L’Œil de Poisson. À cela s’ajoute le lynx en laine feutrée, à l’image des autres animaux, pigeon, cheval, lapin, que fabrique l’artiste.

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Danse macabre, photo issue de la vidéo en « stop motion », présentée à même l’installation
Photo : Vicky Sabourin

Si l’installation s’apprécie en elle-même et vit de façon autonome en galerie, c’est jumelé à la performance que l’œuvre de Vicky Sabourin atteint toute sa puissance. À un médium parfois difficile d’approche, l’artiste donne un visage accessible même pour le plus néophyte des spectateurs. «Mon travail en perfo est un peu différent, vu que ce n’est pas juste ma présence avec des objets dans un cube blanc!» explique Vicky en riant. «Parfois, on intellectualise les œuvres au lieu d’y aller avec le ressenti. Quand les visiteurs arrivent, il y a une sorte de mise en scène qui crée une ambiance, ça donne le ton. Je suis à l’écoute de l’énergie des gens.» L’artiste souligne qu’elle ne garde personne captif: les gens peuvent aller et venir librement pendant sa performance, quoiqu’avec le jeu auquel elle s’adonne, il arrive que le spectateur soit ébranlé, fasciné, accroché. «Il y a une part de séduction dans mon œuvre: c’est une façon d’attirer les gens pour qu’ils s’immergent dans mon projet. Il y a une charge émotive importante, les gens perdent un peu leurs repères.» Qu’on y passe une minute ou une heure, voir Vicky Sabourin recréer la magie en galerie vaut assurément l’investissement émotif requis.

Danse macabre
Vicky Sabourin

À L’Œil de Poisson
Du 21 octobre au 20 novembre 2016