Stéfanie Requin Tremblay: Après l'internet
Arts visuels

Stéfanie Requin Tremblay: Après l’internet

Issue du mouvement post-internet, Stéfanie Requin Tremblay crée un pop art nouveau en pigeant allégrement dans son fil d’actualité Facebook. 

Elle a l’âge du Christ, une décennie de carrière à son actif et toute une vie derrière elle au Royaume du Saguenay. Native de Jonquière, ce n’est qu’en juin dernier qu’elle passe au Sud, que Stéfanie Requin Tremblay traverse le Parc et s’installe à Québec. Un exode qui ne lui empêche pas de poursuivre son contrat à titre de commissaire au Lobe – premier centre d’artistes à lui avoir offert un solo après ses études à l’UQAC.

Depuis toujours, ça remonte en fait à l’ère MySpace, Stéfanie s’inspire de la culture web et de la musique populaire. C’est à cette même époque qu’elle se choisit un deuxième prénom animalier et aquatique, un sobriquet qui lui colle à la peau depuis plus de dix ans. « À la maîtrise, je faisais beaucoup de vidéos de performance où je me mettais en scène. J’en avais fait une avec un genre de lip-sync où j’interprétais la chanson Bébé Requin de France Gall avec des sous-titres. C’est devenu mon surnom. Au début, c’était Bébé Requin puis c’est devenu juste Requin. […] Dans le texte, il y a un espèce de contraste. Un requin, c’est quelque chose de menaçant, mais un bébé requin c’est tout doux. Moi, mes trucs sont quand même assez trash, mais sous une apparence très pastel, très gentille. »

Les musiciens du Top 40 nourrissent l’imaginaire de Stéfanie Requin Tremblay, idem pour le concept des enfants stars. Parmi ses muses : Macaulay Culkin, Lana Del Rey, Michael Jackson, Ian Curtis… Des icônes qu’elle propulse au rang de martyrs, bien souvent. « Depuis que je suis toute jeune, on dirait que j’ai comme une fascination pour les pop stars qui ont mal viré, soit celles qui se sont suicidées, soit celles qui sont mortes d’une overdose ou qui ont eu trop de chirurgies. […] Disons, Britney Spears… Elle est très girly pop, mais dans le fond, elle s’est rasé les cheveux et ça l’a amenée à sauter une coche. J’aime ce côté-là, ce double tranchant. »

Whitney, Stéfanie Requin Tremblay, 2014 (photo fournie par l'artiste)
Whitney, Stéfanie Requin Tremblay, 2014 (photo fournie par l’artiste)

Des personnages qui accroissent le nombre de visiteurs uniques des sites à potins, des demi-dieux qui  se révèlent finalement humains à travers leurs crises  et autres faiblesses. D’intenses souffrances qui les mènent parfois vers la mort, un autre thème cher à l’artiste, surtout lorsque prématurée. « Je ne sais pas comment l’expliquer, mais il y a comme un aura qui entoure ces vedettes-là. » Le Club des 27, ça lui parle pas mal.

« Juste un peu passé date »

L’imagerie des années 1980 et 90, mais aussi du début de la décennie 2000 teinte sa pratique, notamment par une iconographie presque vintage et délibérément décalée : des disquettes, des inscriptions en Word Art, des gros écrans trapus et beige du lab d’informatique à l’école primaire. « On ne s’en rend pas compte, mais Internet a quand même vieilli et il y a une espèce de beauté dans les débuts. […] En même temps, je trouve qu’il y a une part de nostalgie là-dedans aussi, dans le sens que j’ai l’impression que ce courant-là c’est un trip de fin vingtaine début trentaine. Ça nous rejoint vraiment beaucoup, ça, le Nintendo et les premiers ordinateurs. »

Une esthétique à la mode, certes, mais en phase avec sa démarche artistique qui reste pratiquement inchangée depuis les débuts. De tout temps, le travail de Stéfanie a été marqué par le kitsch et les plaisirs coupables. En 2007, toujours au Lobe, elle signait New Kids on the Noce, un corpus d’œuvres spectaculairement abouties qui annonçait déjà son  humour débordant, mais aussi son goût pour le stylisme suranné et les références à la musique pop pour adolescents. Step by step, pour citer le tube qui rythma sa prépuberté, un propos plus engagé s’immiscera dans ses œuvres déjà très référencées. Certaines de ses créations présentent une vision brutalement réaliste du corps féminin et Diva, un collage à thématique menstruelle de 2014, déboulonne d’ailleurs l’un des derniers tabous avec un brin de folie. « Je commence à insérer le terme féministe petit peu par petit peu, mais comme involontairement. Je me suis fait intégrer à Filles Missiles, j’ai participé à des fanzines comme Caresses Magiques. C’est eux qui m’invitent et je me dis que, finalement, ma pratiquement est peut-être liée au féminisme. »

Diva, Stéfanie Requin Tremblay, 2014 (photo fournie par l'artiste)
Diva, Stéfanie Requin Tremblay, 2014 (photo fournie par l’artiste)

Sans jamais verser dans la politique, mais bien consciente du monde qui l’entoure, Stéfanie Requin Tremblay se nourrit aussi d’actualité. De faits divers comme celui qui nous a révélé Luka Rocco Magnotta, criminel notoire et narcissique qu’elle juxtapose à Justin Bieber dans une œuvre provocante. « Ça, c’est mon print le plus controversé, je ne le vends même plus! Les gens qui sont assez détachés et qui ont une grande ouverture d’esprit ont embarqué dans la patente. Pour moi, Rocco et Justin c’est la même affaire. Y’en a un qui fait de la musique pour être une star et l’autre a fait un meurtre pour en devenir une. Il a diffusé la vidéo de son crime sur internet! Les deux sont en quête de célébrité. »

De passage au Salon Nouveau Genre, une foire de cadeaux de Noël artisanaux à Québec, l’artiste proposera des sérigraphies salées dans un camaïeu gomme balloune de même que des fanzines de son cru et quelques objets dérivés comme sa casquette Karaoké – son hobby favori.

Salon Nouveau Genre
Les 3 et 4 décembre
À l’Église St-Fidèle (1280, 4e Avenue, Limoilou)

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