En tournée perpétuelle, l’installation 5 Robots Named Paul – Étude humaine #1 s’arrête au complexe Méduse dans le cadre du Mois Multi. Une œuvre résolument théâtrale qui réunit cinq pupitres en bois, autant de bras mécaniques et de caméras numériques. Tous peuvent se placer au centre, dans l’espace prévu à cet effet, et mettre leurs vies effrénées sur pause pendant environ une demi-heure pour se faire tirer le portrait par les automates de l’artiste d’origine française Patrick Tresset.
Des machines en proie à certaines imperfections, des défaillances quasi humaines comme lorsque leurs gribouillis dépassent de la feuille qu’on leur a donnée. « Je veux bien qu’elles soient un peu fragiles. C’est pour ça qu’elles sont sur de vieilles tables d’écoliers… Mon travail n’est pas du tout technologique en fait. Les gens ont d’autres interprétations, mais pour moi c’est vraiment comme si j’utilisais des acteurs.»
La pratique de l’expatrié (Tresset habite maintenant Londres) s’articule tout de même autour de cette esthétique high-tech depuis maintenant six ans. Un virage initié par une période difficile sur le plan de la santé mentale dont il nous parle sans fausse pudeur, comme pour prouver qu’on peut accomplir de grandes choses même après un passage à vide, un diagnostic qui vient tout chambouler. Les œuvres d’avant 2011 ont même été supprimées de son portfolio en ligne. « A posteriori, je réalise que le traitement m’a un peu fait perdre ma folie qui est nécessaire pour certains genres de peinture où il faut mettre de soi, de ses viscères. J’ai perdu ça, mais j’ai récupéré un truc plus cérébral et qui est plus adapté à faire de la programmation. »
Illustrateur et peintre à la base, en plus d’avoir un bagage scolaire en informatique, Patrick Tresset explore aujourd’hui une nouvelle forme de création. Il paramètre un trait de crayon (hachuré) qui ressemble au sien et qui diverge légèrement d’un appareil à l’autre. Comme si chaque androïde était doté d’une personnalité, d’un style qui leur est propre. « Les médicaments nous font perdre les extrêmes d’impulsion et je n’arrivais plus à mettre de la passion et d’émotion dans mes dessins. Étrangement, j’ai commencé à utiliser des machines pour remettre de l’émotion dans mon travail! »
Constamment sur la route, en demande aux quatre coins du globe, les installations robotisées de Tresset iront à Tokyo après le festival de Québec. Juste avant, elles étaient à Davos pour s’inscrire dans la programmation complémentaire du forum économique homonyme. Un concours de circonstances improbable, le fruit d’un partenariat entre la Science Gallery de Dublin et la fondation suisse. « C’était très bizarre, mais j’étais leader culturel au milieu de l’élite du monde. J’ai même fait un portrait de la princesse Mette-Marit de Norvège. »
S’agirait-il, d’ailleurs, du premier portrait royal réalisé par une machine? Chose certaine : le privilège n’est pas limité aux têtes couronnées.
5 Robots Named Paul – Études humaines #1
Du 3 au 26 février 2017
Hall de Méduse
(Dans le cadre du Mois Multi)
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