Hélène Bouffard : Le beau est toujours bizarre
La photographe Hélène Bouffard dévoile Les effigies dérobées, une exposition solo présentée in situ, à même son lieu de travail. Une parenthèse fantaisiste dans sa carrière de croqueuse d’images très en demande.
Hélène est un tantinet nerveuse : des entrevues, elle ne fait pas ça tous les jours. Hélène, c’est la fille qui se cache derrière la lentille, le nom qu’on connait de par les crédits photo. C’est elle et son pote Stéphane Bourgeois (aussi membre de l’Établi) qui font les affiches du Trident depuis plusieurs années. Les lecteurs du Voir, ceux de Québec, connaissent forcément son travail sans même le savoir, bien souvent. Parmi ses autres clients : le Musée de la Civilisation, Ici Québec (voir les portraits de Bernatchez et Lachaussée sur St-Jean), l’Orchestre symphonique de Québec. On en passe.
Avec cette offrande, ce corpus très personnel, l’artiste se révèle sous un jour nouveau. Polyvalente et inspirée, c’est elle qui signe aussi les décors ainsi que les costumes de ses portraits soigneusement scénarisés. « Je fais tout le travail de scénographie en aval. Je trouve les vêtements, j’essaie d’imaginer les personnages, je déniche tous les accessoires et je confectionne le fond en peinture. C’est beaucoup, beaucoup de travail. Je fais le maquillage aussi! »
Il faut dire qu’Hélène Bouffard a d’abord étudié la littérature avant de découvrir sa vocation vraie, mais elle n’a jamais vraiment cessé de raconter des histoires. C’est ce bagage, disons, très narratif qu’elle célèbre avec Les effigies dérobées – portrait glorieux et obscurs d’une curieuse parenté.
Hélène Bouffard : « J’ai eu un flash. Je voulais faire une Frida Khalo scandinave, aztèque en même temps. Bon, ça ne doit pas sembler super clair! En tout cas, je me suis fiée au fameux portrait où elle a des tresses montées, les cheveux couverts de fleurs et une pose super statique. […] La pose des mains est aussi très importante dans ma pratique et ça se voit bien sur celle-là»
La série de tableaux se présente comme une mosaïque de famille, une lignée « d’êtres excentriques qui ont un destin capoté ». On ne sait pas trop d’où ils viennent, de quelle époque en fait, mais chacune des œuvres les mettant en vedette a ce même aspect légèrement suranné.
Tous les protagonistes ont aussi cette peinture à l’huile visqueuse qui enduit leurs mains, leurs cous, leurs figures. « Dans ma tête, je me dis que c’est comme si la couleur était en train de s’emparer de la personne. »
Hélène Bouffard : « Lui, c’est mon oncle capitaine de bateau qui porte les vêtements de mon grand-père [qui faisait le même métier]. C’est la deuxième photo que j’ai faite et c’est celle-là qui a cristallisé mon idée, qui m’a donné une ligne directrice. »
À l’exception de Mary-Lee Picknell, et d’une autre personnalité connue du monde des arts dont elle tait l’identité pour garder la surprise, Hélène n’a fait appel à aucun mannequin ou comédien professionnel. Une quête de naturel qui se traduit aussi par la quasi-absence de directives au moment de la séance photo.
Choisis pour leurs « visages intéressants », c’est précisément avec ces mots que la créatrice a approché ses modèles, les sujets d’Hélène brillent par leur « beauté bizarre ». C’est Baudelaire qui serait content.
Du 21 avril au 2 mai à l’Établi