Arts visuels

Philippe Halsman : sauter de joie

Des portraits classiques à la rencontre avec les surréalistes, en passant par la création de la célèbre technique de jumpology, le travail du photographe américain Philippe Halsman a droit à une rétrospective éclatée cet été au Musée national des beaux-arts du Québec. Tous en l’air!

La Marilyn dans les airs sur la couverture du Life; la folle moustache de Dalí; le gros plan sérieux d’Einstein; le cigare et l’oiseau d’Hitchcock; le dos de Churchill, dans une nature calme. Ces images iconiques, aisément reconnaissables, sont toutes l’œuvre de Philippe Halsman (1906-1979). Pourtant, le nom de l’artiste, l’un des photographes les plus innovateurs du 20e siècle, vient rarement à l’esprit tant ses images ont désormais une vie qui leur est propre. C’est pour rendre hommage au talent et à l’humour d’Halsman que le MNBAQ reçoit l’exposition Étonnez-moi!, qui s’est d’abord promenée à Paris, Rotterdam, Madrid, Barcelone et Lausanne.

Couverture du magazine LIFE avec le portrait de Marilyn Monroe en train de sauter par Philippe Halsman, 9 novembre 1959 © 2016 Archives Philippe Halsman / Magnum Photos
Couverture du magazine LIFE avec le portrait de Marilyn Monroe en train de sauter par Philippe Halsman, 9 novembre 1959 © 2016 Archives Philippe Halsman / Magnum Photos

Du classique à l’éclaté

Présentée chronologiquement, l’expo permet d’apprécier l’évolution de l’artiste, qui commence à travailler dans le Paris effervescent des années 30. Il y croise là les écrivains André Gide, Paul Valéry et André Malraux et leur tire tous le portrait. «Il fréquente à l’époque les photographes Man Ray, Brassaï et Berenice Abbott et on peut voir leur influence sur son travail», explique Anne-Marie Bouchard, conservatrice de l’art moderne au MNBAQ. Grande spécialiste de la photographie, Anne-Marie n’a pas monté l’expo, mais s’enthousiasme facilement et avec raison pour le travail singulier d’Halsman.

«Ce qui me fascine», confie-t-elle devant les portraits de la première époque, «c’est la capacité d’Halsman à absorber l’influence, surtout celle d’Abbott. Dans son travail, je vois de multiples citations bien intégrées. Ce n’est jamais de la copie, c’est toujours du Halsman.» Rapidement, d’abord au contact des surréalistes, puis de Dalí dont il fait la connaissance en 1941 à New York, Halsman passe du portrait classique aux mises en scène éclatées. Recruté par le magazine Life en 1944, le photographe a d’abord du mal à concilier l’approche très documentaire et réaliste à l’américaine avec sa vision teintée de folie française. Sa réponse à cet apparent conflit de visions artistiques? La jumpology.

Allez, saute!

Il suffit de presque rien : un modèle, une caméra, un décor. La seule limite à la jumpology? «La hauteur du plafond!» répond la conservatrice en riant. «Le principe est simple : le photographe fait sauter son modèle dans les airs. Il considère que lorsque l’on saute, on oublie de poser. On montre donc son vrai visage à la caméra; il n’y a pas de façade. C’est à mes yeux la synthèse parfaite de l’idée surréaliste de faire ressortir une chose de l’inconscient et de la photographie documentaire.»

Visionnaire, Philippe Halsman l’était autant dans son approche artistique que dans ses propos. «L’idéal serait de créer une image qui entrerait dans l’histoire de façon que si la postérité se rappelle un grand homme elle le verrait dans une image créée par mon appareil et ma vision», souhaitait-il. À visiter Étonnez-moi!, on pourrait se dire qu’il a été exaucé, et des dizaines de fois plutôt qu’une.


Philippe Halsman. Étonnez-moi!
Musée national des beaux-arts du Québec
Du 15 juin au 4 septembre
mnbaq.org

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