Elle-même immigrante, ou « nomade » pour reprendre le mot qu’elle préconise, la plasticienne Giorgia Volpe porte en elle un sincère discours d’ouverture. Rien que cet été, la Canado-Brésilienne a présenté deux œuvres publiques traitant de l’accueil des nouveaux arrivants. Dans son tableau de la plus récente mouture d’Où tu vas quand tu dors en marchant…? elle met en scène nos voisines, ces dames de Québec avec un savoir-faire ancestral et exotique à partager. Pour Les passages insolites, toujours en cours dans le Vieux Port au moment d’écrire ces quelques lignes, elle évoque les mouvements migratoires humains. Une série de petits canots qui flottent sur l’eau du Bassin Louise, des embarcations fragiles qui arrivent enfin à bon port. À moins qu’elles ne quittent pour un ailleurs plus prometteur? Une chose est sûre : l’image est forte.
La discrète créatrice reste évasive lorsqu’on lui demande, en entrevue, par écrit, si le climat politique actuel renforce son désir d’aborder ce thème intrinsèquement engagé. « Si tu veux. On trouve une manière de répondre à notre contexte et à notre conjoncture actuelle. Mais, pour moi, c’est naturel, peut-être à cause de ma propre condition. Enfin, ce sont les histoires des autres qui m’inspirent. […] Nous devons être empathiques. »
Très artisanale, la pratique de Mme Volpe s’appuie sur le tissage, une « métaphore du tissu social » qui évoque pour elle le métissage, mais aussi un dialogue « entre passé, présent et futur ». Minutieusement tressées, la plupart de ses pièces témoignent de sa patiente infinie et de ce goût pour le beau créé dans la lenteur, à la sueur de son front.
Secrets d’ateliers
Connue du plus grand nombre pour ses installations géantes, la tisseuse conçoit aussi de petits formats monochromes. Des clichés et des illustrations qui sont longtemps restés dans l’ombre de ses ouvrages bigarrés. « Il y a plusieurs choses qui m’animent… une chance!, déclaration qu’elle accompagne d’un sympathique bonhomme sourire pré-emoji. Mais dans ma pratique, tout naît d’une certaine idéalisation qui se manifeste plus souvent par le dessin et la photographie. C’est mon travail le plus intime. J’ai des centaines d’œuvres qui n’ont jamais été montrées. […] Je ne peux pas être dehors, dans l’espace public, si je n’ai pas expérimenté à priori chez moi. »
Carl Johnson, commissaire de l’expo rétrospective présentée à Sillery, a fouillé la demeure de Giorgia Volpe en quête de petits trésors qui ne demandaient qu’à être dépoussiérés. Des trouvailles qui détonnent et étonnent, des encadrements d’abord étrennés à Lennoxville qui prendront la route de St-Jean-de-Terre-Neuve tout bientôt. Un corpus à voir avant qu’il ne s’envole – littéralement.
Tisser l’existant
Jusqu’au 3 septembre à la Maison Hamel Bruneau