Chicoutimi. C’est là qu’on rejoint le natif de Saint-Gédéon, Saguenéen d’adoption qui aura finalement regagné le nord du parc après un exil montréalais. Un séjour prolongé dans la métropole qui, ça n’a rien d’anodin, l’aura amené à occuper un emploi en animation 3D après des études en infographie – «c’était bien à la mode dans l’autre millénaire», se moque-t-il en trahissant son âge.
Lauréat de la première bourse du Projet D’Artagnan remise par le Centre Bang et nouveau poulain dans l’écurie de l’enthousiasmante Galerie 3, Julien Boily a le vent en poupe. On reconnaît son singulier travail à ses motifs de lecteurs VHS et autres téléviseurs cathodiques désuets, des objets qu’il peint à l’huile avec grand réalisme lorsqu’il ne génère pas virtuellement ses propres gadgets. «Je les crée avec des logiciels de modélisation. Même s’ils n’existent pas, ils ont comme une familiarité ou une espèce d’effet naturel, si on veut.» Des bibelots au design épuré, mais au look un tantinet suranné, comme autant de luminaires clignotants et de réveille-matin perpétuellement en spécial chez La Source ou feu RadioShack.
Ces bidules fictifs longuement dessinés deviennent des toiles dans lesquelles se reflètent toutes sortes de décors. L’amusant Hi&LowClaesz en est un bel exemple, un diptyque de boules miroitantes qui laissent voir l’écran d’un PC ouvert sur le fil d’actualité Facebook, un ordinateur posé sur une table de victuailles à l’ancienne. «C’est carrément la citation d’une œuvre de Pieter Claesz. Je me suis vraiment payé un trip! J’ai fait une copie littérale de ce tableau-là. […] C’est pour ça que l’expo [présentée à Québec] s’appelle Hors champs. Dans pratiquement toutes les œuvres, je fais référence à ce qu’il y a à l’extérieur, ce qui est réfléchi dans les objets.» Cette toile, c’est aussi un commentaire sur notre dépendance au réseau social, sur la manière dont on se divertit et dépense notre argent. Boily réfléchit aux considérations actuelles sans moralisation aucune. C’est un homme de son temps. «On parle beaucoup du numérique, c’est presque devenu galvaudé comme mot. Moi, j’essaie d’en parler, mais plutôt que de faire de l’art numérique, j’utilise des médiums plus traditionnels. L’idée d’éclairer une scène avec un écran, c’est une petite blague à propos de la lumière. C’était l’une des grandes préoccupations des peintres de l’époque, des préimpressionnistes.»
Bien qu’empreinte d’humour, sa pratique frôle la critique sociale: c’est un regard posé sur le gaspillage, sur tous ces biens dont on se lasse et qu’on finit par jeter parce qu’ils sont démodés, parce que le nouveau modèle est sorti en magasin. Les tableaux de Julien Boily nous renvoient à un quotidien pas si lointain, à ce iPod nano de première génération ou ce PS1 qui gisent quelque part au fond d’un dépotoir. Des bouts de métal et de plastique qui génèrent envie puis désintérêt à une vitesse folle, les preuves les plus flagrantes de la folie du consumérisme qui nous ronge à peu près tous.
Hors champs
Du 8 septembre au 8 octobre
Galerie 3