Cette démarche s’inscrit dans une volonté de mettre en valeur le Quartier des spectacles et de lui insuffler une dimension humaine. Selon Pascale Daigle, directrice de la programmation du Partenariat du Quartier des spectacles, le public se devait d’être au cœur de l’expérience artistique. Le choix des deux commissaires témoigne de cette volonté. On doit à Melissa Mongiat et Mouna Andraos les balançoires publiques qui animent la promenade des Artistes depuis 2011, grâce aux mélodies générées par l’élan des visiteurs. Les fondatrices du studio multidisciplinaire Daily tous les jours chérissent ce désir de rassembler les gens dans l’espace public afin de créer des expériences collectives: «Il y a un besoin grandissant de connecter les gens entre eux et de les mettre en relation avec la ville. C’est important de sentir qu’on appartient à cette collectivité et de développer un attachement à la ville (…) Ces expériences servent à la rendre plus humaine finalement», précise Mélissa Mongiat, commissaire du parcours et fondatrice de Daily tous les jours.
Les réflexions autour des espaces publics sont la plupart du temps laissées aux urbanistes, aux architectes ou encore aux designers. À l’occasion du mandat qu’on leur a offert pour le parcours KM3, les commissaires souhaitaient ouvrir cette discussion à des artistes issus de diverses disciplines. Les projets proposés sont éclatés, mais ont un point en commun: ils ont tous été réfléchis en fonction du lieu qu’ils devaient investir. Parmi les artistes qui sont rarement appelés à développer des œuvres autour de l’appropriation de lieux publics, on compte la designer de mode Ying Gao, qui a réalisé une installation textile, et la chorégraphe Milan Gervais. «Le mouvement peut être un moyen d’aborder quelqu’un sans avoir à dire bonjour et ainsi créer une connexion et un sentiment de familiarité», souligne Melissa Mongiat. La chorégraphe a jumelé son expertise à celle du scénographe Hubert Lafore pour créer des modules qui influencent le mouvement et la trajectoire des piétons sur Sainte-Catherine.
Présentée en simultané au Quartier des spectacles et au Centre Phi dans le Vieux-Montréal, l’expérience de réalité virtuelle Une vague colossale du collectif londonien Marshmallow Laser Feast et des boîtes montréalaises Presstube, Headspace Studio et Dpt. s’avère être une oeuvre immersive et innovatrice qui souhaite repousser les limites de la technologie. Présentée par British Council Canada, Une vague colossale mêle la réalité – les participants sont appelés à lancer une boule de bowling du haut d’une tour – à des images colorées, inspirées du monde de la bande dessinée, à voir dans le casque de VR. L’expérience marie deux grands atouts de Montréal: l’accès aux espaces publics et le talent local en création numérique.
À quelques mètres de cette installation, on retrouve l’œuvre de Rafael Lozano-Hemmer, qui propose des miroirs communautaires sous forme d’écrans interactifs. Ces derniers réalisent les portraits des passants qui s’arrêtent devant la vitrine d’un pavillon de l’UQAM. Un système de reconnaissance faciale détourné pour donner de multiples visages à la ville.
D’autres artistes ont plutôt choisi de revisiter des relations que l’on entretient déjà avec un dispositif public. C’est le cas de Michel De Broin, qui a imaginé une œuvre autour de wagons de métro dont l’ouverture et la fermeture des portes sont rythmées par la traversée des visiteurs.
Ce parcours à la fois immersif, interactif, participatif et contemplatif, offrira également un moment de détente au public grâce à une installation de hamacs réalisée par le collectif brésilien Opavivará!. Celle-ci brouille la frontière entre l’espace intime et l’espace public en faisant vivre au participant une pause collective.
Entre Jeanne-Mance et Saint-Hubert, René-Lévesque et Ontario, il n’y a pas de règle à suivre pour naviguer à travers le parcours artistique de KM3. Chacun sera amené à découvrir la poésie de ces œuvres en suivant le plan du site ou simplement en se laissant surprendre alors qu’il façonne les rues du quartier.
Jusqu’au 15 octobre au Quartier des spectacles