Eveline Boulva : Paradis perdu
Arts visuels

Eveline Boulva : Paradis perdu

Au-delà de la mer, il existe un pays aux berges englouties, aux souvenirs effacés, aux maisons et aux arbres noyés. Eveline Boulva s’y est aventurée et elle revient les bras chargés de dessins, les cahiers bien noircis.

Tout commence au Belize. Un pays bordé par les Caraïbes, une superficie équivalant à celle du Bas-Saint-Laurent, presque 350 000 habitants au dernier recensement. Une région du monde renommée pour la beauté de ses parcs nationaux, le bleu surréel de ses eaux, ses plages au sable fin et presque blanc. «En fait, c’est un peu le paradis sur terre, concède Eveline Boulva. Le Belize a quand même la plus grande barrière de corail après l’Australie et elle est en bien meilleure santé. Ils commencent à la voir se fragiliser. Puis ils ont, à part les petites îles du Pacifique, l’un des plus gros problèmes d’érosion côtière. […] Moi, c’est peut-être ça qui m’a le plus marquée.»

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Carnet de voyage, Belize, 2017

De passage à Monkey River, une toute petite bourgade qui se désagrège, «l’endroit où c’est le plus critique», l’artiste visuelle a amorcé une série de croquis et une réflexion qui allaient donner naissance à sa plus récente expo. Terre tourmente s’intéresse aux berges qui s’effritent, aux tempêtes de plus en plus voraces, au spectre de la géo-ingénierie qui plane au-dessus de nos têtes, au postcolonialisme. Des thèmes qui transcendent les frontières de l’Amérique centrale, des enjeux qui touchent la planète tout entière. À travers «une certaine poésie», on la cite, Eveline Boulva y va d’une profession de foi écologiste. C’est subtil, n’empêche. Il faut savoir lire entre les lignes. «Les gens peuvent le lire comme ils veulent, mais pour moi, il y a cette présence-là dans les œuvres. Je ne veux pas aller vers des œuvres qui en disent trop et qui dictent quelque chose. En tout cas, ce n’est pas mon approche.»

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Carnet de voyage, Belize, 2017

Elle ne donne pas dans la narration exhaustive, les trames prémâchées. Non, vraiment, Eveline Boulva se plaît à brouiller les pistes. Pour évoquer la nature qui se déchaîne, par exemple, elle use de palmiers tordus par l’ouragan. Des arrêts sur image de vidéos filmées avec webcam dans des tout-inclus et trouvées en ligne, qu’elle a ensuite reproduits avec une méthode de quadrichromie peu orthodoxe, une technique alliant aquarelle, pochoirs et cinq couleurs au lieu de quatre. «J’ai juste pris une séquence de six images et tout ce qu’on voit en fait, c’est juste le mouvement super lent d’un palmier qui bouge et la vague. […] Le palmier, je l’ai choisi parce que c’est un résistant. Il ploie, mais il ne casse pas et c’est comme une figure d’optimisme que j’ai envie d’avoir. Oui, on est en train de chambouler des choses, mais il faut quand même résister, il faut continuer et essayer de se redresser quelque part.»

Du 23 février au 25 mars
à Engramme

(Vernissage le 23 février à partir de 18h)