Sous les pavés, de l’art!
Frédéric Loury n’est pas natif de Montréal et on lui avait vanté cette ville souterraine; un mirage pour de nombreux Montréalais et une franche déception pour ces touristes qui s’attendent à observer une communauté se mouvoir sous les rues de Montréal. Il y a 10 ans, il a donc «créé une ville, le temps d’une soirée».
Si ces dizaines de kilomètres d’avenues piétonnières sont essentiellement utilitaires toute l’année, le commissaire principal et directeur général d’Art souterrain leur accorde une vocation plus festive. Avec l’aide de son équipe et des stagiaires qui ont «joué un rôle essentiel», il transforme six kilomètres du réseau en terreau pour l’art et en lieu de rencontre pour un public de tous horizons; un parcours d’expositions gratuites dévoilé lors de la Nuit blanche qui se poursuit pendant trois semaines.
Frédéric Loury s’est retrouvé en art par coups de hasard. Titulaire d’une maîtrise en commerce et en administration, il a été pendant 15 ans le propriétaire de la galerie SAS située près de la Place des Arts à Montréal et il s’est, un jour, prêté au jeu de la Nuit blanche. Café et enthousiasme à portée de main, il a accueilli le public pour lui parler d’œuvres, dans un endroit qui rebute habituellement les néophytes en art visuel. Aujourd’hui, il a troqué sa fonction de galeriste pour se consacrer à l’organisme Art souterrain. Il se sent à sa place dans ce rôle dont le but est de «servir le citoyen».
La première édition de l’événement a été déterminante: «Il y avait des espaces où on pouvait à peine circuler. Je souhaitais générer cet engouement pour les arts visuels tout au long de l’année.» Au cours de la décennie qui a succédé à l’événement d’un soir, l’organisme a développé des activités de médiation afin de tisser des liens avec les communautés artistiques et citoyennes. «On essaie de satisfaire le plus grand auditoire possible, sans édulcorer et sans amoindrir la qualité de la programmation.»
À l’occasion de son anniversaire, Art souterrain a conclu un partenariat avec la Bibliothèque nationale qui présentera, en première, l’exposition Éclats de mémoire – Quand l’art retravaille le passé. Cette exposition mettra en lumière le travail des artistes visuels québécois Sébastien Cliche, Moridja Kitenge Banza et Marc-Antoine K. Phaneuf jusqu’en août prochain afin de souligner le 50e anniversaire de la création de la Bibliothèque nationale du Québec et du dépôt légal. Ce lieu satellite, comme les huit autres définis par Art souterrain, s’ajoute à l’offre de l’organisme afin de créer davantage de ponts entre l’art et le public. «On ne peut pas prétendre changer les mentalités si on n’est présent que trois semaines par année. Si pendant le temps d’un festival, on réussit à créer la passerelle entre l’espace public et les lieux de diffusion, je dirai que mon objectif est atteint. Ainsi, on offre l’occasion à ces lieux satellites de créer des liens avec des publics qui ne sont pas les leurs.»
Dans le cadre de la présente édition, Art souterrain rassemble les œuvres d’artistes canadiens et internationaux autour du thème du travail. «C’est un thème dont on parle continuellement dans les pages économiques ou sociales, mais en art? Jamais.» C’est également un concept qui a grandement évolué au cours des dernières années, souligne-t-il. Il ne suffit que de s’attarder à la relation de plus en plus intrusive entre un employeur et son employé, aux espaces de bureau ouverts ou encore à la façon dont les entreprises se doivent de courtiser une relève. Les commissaires, Pascale Beaudet, docteure en histoire de l’art, et Emeline Rosendo, designer d’événement, ont contribué à sélectionner les œuvres des 94 artistes de cette édition. On y retrouve entre autres l’œuvre de l’artiste français Julien Prévieux qui expose des lettres de non-motivation, ou celle du Néerlandais Jan Banning qui offre un regard sur la bureaucratie au sein de différents pays.
Art souterrain a également entamé la refonte de sa signalétique en limitant les flèches au sol et en créant de nouvelles zones de haltes. Des médiateurs plus aguerris seront présents tout au long du parcours, en plus des fiches informatives. La scénographie sera également bonifiée et réfléchie en relation avec la signalétique. «Mon souhait serait que les gens fassent le parcours en plusieurs fois. En le faisant sérieusement, cela peut prendre 24 heures.»
Du 3 au 25 mars