Constantinos Taliotis : Éclater les formes
Arts visuels

Constantinos Taliotis : Éclater les formes

Qui a dit que l’art ne pouvait pas être décoratif et fonctionnel? De passage à Québec, le Chypriote Constantinos Taliotis se fait scénographe du kitsch.

Il est de Chypre, l’île méditerranéenne non loin des côtes turques et syriennes, cet endroit si paradisiaque mais sis à l’ombre de conflits. Pourtant, ni Erdoğan ou el-Assad, ses voisins du nord et de l’est, n’ont d’impact sur sa pratique. Lorsqu’il crée, Constantinos Taliotis s’ouvre sur le monde. Sa proposition, il la souhaite universelle. «Je me tourne souvent vers des chapitres oubliés de la culture populaire, de l’architecture moderne ou du design postmoderne afin de positionner ces éléments dans un contexte culturel international, afin de transgresser les frontières.»

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Détail de l’exposition Paradise Productions. Exposition solo à la Pilot Gallery d’Istanbul. photo / Ridvan Bayrakoglu

L’esthétique rétro qu’il préconise, qu’il célèbre, chatouille la fibre nostalgique des gens d’ailleurs et d’ici. Ses installations explorent les recoins les plus poussiéreux des années 1970, 1980 et 1990 avec une grosse dose d’humour, trois décennies marquées par la prolifération des magazines, l’avènement de la photo couleur, de la télé câblée, des chaînes musicales, du format VHS et des caméras vidéo domestiques. «Toutes ces technologies ont métamorphosé notre style de vie et c’était le résultat d’une série de changements sociaux. La psyché de cette époque-là était pas mal définie par l’optimisme lié à la fin de la guerre froide, l’idéal post-historique, le succès individuel, l’ambition, l’arrogance et l’hédonisme. […] Il y a tant à dire sur ce que nous qualifions d’historique et ce que nous omettons de préserver sous prétexte que ça n’en vaut pas la peine.»

Le plaisir croît avec l’usage

L’exposition solo qu’il présente chez nous se veut en fait une suite à celle qu’il a présentée l’automne dernier à la Pilot Gallery d’Instanbul en Turquie. Un projet de longue haleine qui s’intéresse précisément aux salles de séjour meublées d’écrans cathodiques, aux salons au moment de l’apparition des cinémas maison. «Ces systèmes de son ont transformé nos espaces intimes en véritables enceintes de divertissement. La grande galerie de L’Œil de Poisson sera, si on veut, métamorphosée en genre de salle de jeu, un endroit pour prendre une pause tout en s’amusant.»

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Epipla 2000, (Installation) 2016. Bois, peinture, miroir, verre, acier inoxydable, tissus, eau, vidéo. Photo / Stelios Kallinikou

L’hédonisme, il mentionnait d’ailleurs le mot un peu plus haut, est vraiment l’un des thèmes centraux de son actuelle série. Avec ses sculptures, Taliotis cherche à ravir les pupilles et à dessiner un sourire sur le visage de celui qui les regarde. «La satisfaction, la joie, l’amusement… Voilà le genre de sensations que je veux évoquer à travers mon travail, dans son côté ludique. Je crois que l’art devrait jouer un rôle central dans la mise en scène d’une multitude de fantasmagories, de fables et de fictions contraires à ses préoccupations dominantes et diachroniques, cette idée fixe comme quoi l’art doit être le reflet de situations réelles ou de la politique.» Après tout, l’art est possiblement le plus étanche des remparts contre la morosité et la peur.

Du 6 avril au 6 mai
À L’Œil de Poisson