Berthe Morisot : La mère de l'impressionnisme
Arts visuels

Berthe Morisot : La mère de l’impressionnisme

Sortir une éminente peintre de l’ombre est la mission que se sont donnée quatre musées reconnus avec l’exposition itinérante Berthe Morisot, femme impressionniste, qui débutera au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ). Raconter la femme et l’artiste à travers ses œuvres picturales, et sa place dans un mouvement auquel elle était grandement fidèle.

En s’écrivant, l’histoire de l’art l’a mise de côté au profit de ses pairs. Lorsqu’on parle de l’impressionnisme, on parle de Monet, Renoir, Pissarro, Degas. Pourtant, elle était bien là en 1873 lorsqu’ils ont créé La Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs. Autrement dit, les impressionnistes.

«Notre objectif est de mettre en valeur une femme qui est tout aussi bonne que ses homologues», affirme le conservateur aux expositions du MNBAQ, André Gilbert. «C’est juste que dans l’histoire, son œuvre a moins duré. Il y a eu une sorte d’éclipse d’environ 80 ans.» L’exposition organisée en collaboration avec la Fondation Barnes, le Dallas Museum of Art et le Musée d’Orsay explorera de manière chronologique la vie de l’artiste en révélant les thématiques de son œuvre.

MMT156737 Self Portrait, 1885 (oil on canvas) by Morisot, Berthe (1841-95); 61x50 cm; Musee Marmottan Monet, Paris, France; (add.info.: Autoportrait;); French, out of copyright
Berthe Morisot, Autoportrait, 1885, huile sur toile, 61 x 50 cm. Musée Marmottan Monet, Fondation Denis et Annie Rouart, photo gracieuseté du Musée Marmottan Monet, Paris / Bridgeman Images

Avec la soixantaine de toiles exposées, on part à la rencontre d’une artiste majeure et unique, en s’attardant entre autres à ce désir qui lui a toujours paru limpide: faire carrière. «La plupart des circuits de reconnaissance officiels sont fermés aux femmes en France au 19e siècle, explique M. Gilbert. La première partie de l’exposition porte vraiment sur ce thème. Tout le travail que ç’a nécessité, la ténacité, et l’intelligence de Morisot pour se créer une carrière professionnelle.»

Elle a choisi une voie beaucoup plus difficile, même si on pourrait dire qu’elle était parmi les chanceuses, provenant d’un milieu privilégié et ayant toujours eu le soutien de son entourage. Un choix qui l’a menée à participer à sept des expositions organisées par les impressionnistes. Elle apparaît comme l’une des plus fidèles, des plus impliquées. Sans aucun doute, elle est l’une des fondatrices de l’impressionnisme et l’une des trois femmes du mouvement, avec Mary Cassatt et Eva Gonzalès.

Un style centré vers l’humain

Bien que le style pictural de Berthe Morisot relève bien du mouvement auquel elle adhère, elle s’éloigne tout de même du sujet propre à l’impressionnisme: les paysages. «Elle s’intéresse davantage à la peinture de figures, donc aux portraits, à la peinture de personnages, précise M. Gagné. C’est ce qui fait sa spécificité et sa force.» Les personnes de son entourage étaient ses premiers modèles.

MMT160284 Eugene Manet (1834-92) on the Isle of Wight (oil on canvas) by Morisot, Berthe (1841-95); 36x46 cm; Musee Marmottan Monet, Paris, France; Giraudon; French, out of copyright
Berthe Morisot, Eugène Manet à l’île de Wight, 1875. Huile sur toile, 38 x 46 cm. Paris, Musée Marmottan-Monet

Et c’est pourtant le paysage qu’elle explore durant ses années de formation auprès, entre autres, du peintre paysagiste Camille Corot. Un moment de sa vie que l’artiste a choisi de détruire. «Elle croyait moins au style de ces années. Lorsqu’elle commence à exposer avec les impressionnistes, elle conserve ses toiles et c’est ce qui est le plus connu sans aucun doute, raconte M. Gilbert. Le style où elle cherche à fixer des moments fugaces de lumière, de mouvements très libres et très émouvants.»

Une histoire d’impression

Remettant en question les principes artistiques qui définissaient jusqu’alors la représentation picturale, l’impressionnisme apparaît comme un mouvement en marge dans la seconde moitié du 19e siècle. D’ailleurs, le nom qu’il porte vient d’une moquerie d’un critique d’art. Mais ce qui était un genre mineur gagnera une place essentielle, notamment l’expression subjective dans la pratique artistique, selon M. Gilbert. «Ce langage plastique de Morisot et les autres va devenir très important, indique-t-il. La spontanéité, la touche légère, la prépondérance de la couleur sur le dessin. Ils sont tous issus de cette intention. Ils vont avoir un impact très important dans l’histoire de l’art.»

Il s’agit d’un style dont les acteurs veulent sortir de leur atelier, être en pleine nature. «Ils veulent traduire l’impression qu’ils ressentent devant les motifs, leur sensation immédiate. C’est une manière inédite, différente, d’exprimer leur expérience du monde.»

«Plusieurs femmes importantes à leur époque sont redécouvertes aujourd’hui, c’est bien tant mieux, l’histoire de l’art se réécrit constamment comme toutes les histoires, qui doivent être réécrites à l’aube des jugements et des valeurs d’aujourd’hui», soutient le conservateur. Selon lui, il faut faire redécouvrir Morisot, dont l’œuvre était caractérisée par l’élégance.

Berthe Morisot, femme impressionniste
Du 21 juin au 23 septembre

au Musée national des beaux-arts du Québec