Samuel Fouracre : Les algorithmes comme la vie
Arts visuels

Samuel Fouracre : Les algorithmes comme la vie

L’artiste britannique Samuel Fouracre présente D.^^.$.®. (Dance.Music.Sex.Romance), une installation vidéo où il est question de la trajectoire des relations romantiques et érotiques à l’ère des algorithmes.

«Nous sommes notre propre usine à relations publiques et, sans surprise, cela teinte comment nous nous engageons affectivement et sexuellement», affirme d’emblée Samuel Fouracre. Dans la dernière décennie, les trajectoires que suivent les relations érotiques et romantiques se sont inscrites au cœur de la pratique de l’artiste, qui a articulé ses réflexions autour de la vidéo et de la synthèse d’images. «D.^^.$.®. pose un regard qui se concentre sur le numérique, à cause de l’escalade récente et rapide de notre usage de différentes applications. Celles-ci prétendent nous permettre de contrôler et d’affiner l’image que nous projetons de nous-mêmes», affirme-t-il. Le Britannique admet se fasciner pour l’autoreprésentation de nos expériences, à la fois dans la façon dont nous voulons être perçus par les autres que par la manière dont nous les jugeons.

«Au départ, je voulais jouer avec mes propres expériences de la masculinité, plus spécifiquement mes relations affectives. Je voulais les tordre et les reconstruire grâce à l’imagerie banale du machisme hétérosexuel.» Fouracre aime explorer les archétypes. Le projet a toutefois pris une tangente évolutive, et l’artiste n’approche plus l’œuvre avec les mêmes intentions qu’à sa genèse en 2015: «Ç’a évolué en une réflexion beaucoup plus large, qui porte maintenant sur les étapes cycliques de la vie affective de chaque individu, de la romance au sexe, au cynisme, et inversement.»

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still from #aboutlastnight (2018), Samuel Fouracre

À l’origine du projet D.^^.$.®., «il s’agissait moins d’une inspiration soudaine que d’un besoin émotif», soutient-il. Fouracre avait jusqu’alors abordé son travail «en élaborant un horaire de tournage, créant des versions de travail de [s]es scénarios et suivant un arc de production passant par un momentum précis, qui menait à une fin définie». À l’approche de cette fin, il a toutefois ressenti une angoisse l’étreindre et s’est mis à chercher par quel moyen l’éviter. «La seule façon à laquelle je pouvais penser était de garder l’œuvre en cours. J’ai donc commencé à tourner des fragments dans mon studio avec des collaborateurs au fil de leurs disponibilités, et à animer des scènes en utilisant des éléments qui se passaient dans ma vie.»

Quand le médium embrasse le message

L’œuvre de Fouracre utilise donc principalement le tournage vidéo et la synthèse d’images en 3D. «Ça m’apparaît pertinent que l’ordinateur, ce dispositif quotidien qu’on utilise de manière très prosaïque, puisse être utilisé de manière poétique pour reconstruire ces expériences et leur fournir une réponse.» L’évolution rapide du matériel informatique et des logiciels élargit chaque année le champ des possibles de ce que le vidéaste peut créer à partir de son studio, bien qu’il préfère des techniques d’animation 3D plutôt rudimentaires: «Elles teintent nécessairement l’interprétation qu’on se fera des thématiques que j’explore. Par exemple, l’utilisation des avatars vient nécessairement avec une impression un peu glauque, de la même manière que les marionnettes peuvent faire peur: tout cela m’attire beaucoup.»

Les multiples chemins du sens

S’il n’est question d’éclipser le contenu de son projet avec la technique, la manière dont Fouracre consomme l’information a changé dans les dernières années – comme la plupart de ses contemporains. «Je ne suis pas seulement confortable, je dépends peut-être de cette manière de recevoir un flot continu de divertissements, d’informations et de stimulations visuelles qui, a priori, ne semblent être que des fragments déconnectés les uns des autres. On sait toutefois maintenant que les algorithmes écrivent la narration pour nous.» C’est cette structure décousue, où «la narration n’est jamais absente, mais se montre incertaine et sans conclusion claire, à l’image de la vie de chacun», qu’a choisi d’adopter l’artiste britannique pour Dance.Music.Sex.Romance. L’installation vidéographique, présentée sur de multiples écrans à la fois, permet d’amplifier les possibilités: «Ça augmente les cases de l’échiquier et, je l’espère, ajoute ainsi des voies d’interprétation pour se construire une narration.»

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still from #aboutlastnight (2018), Samuel Fouracre

À tous ceux qui se présenteront à La Bande vidéo jusqu’au 2 décembre prochain pour expérimenter son œuvre, Samuel Fouracre leur souhaite d’éprouver un flot d’émotions contradictoires: «Malaise, séduction, cynisme, érotisme, un soupçon de tristesse et bien sûr, quelques manifestations scintillantes de plaisir… Bref, les mêmes sensations que j’ai vécues en le faisant.»

D.^^.$.®.
(Dance.Music.Sex.Romance)
Du 27 octobre au 2 décembre 
à la Bande Vidéo
Vernissage: vendredi 26 octobre dès 18h