Ola Volo : la muraliste qui a changé le visage du Mile End
Arts visuels

Ola Volo : la muraliste qui a changé le visage du Mile End

Avec Walla Volo, une immense murale bleue et jaune représentant le Mile End qui était officiellement inaugurée le 23 mai à Aire commune, la Montréalaise Ola Volo a atteint un nouveau sommet dans sa carrière. Portrait de celle qui utilise les murs comme canevas pour disséminer ses histoires et ses couleurs.

Une femme à la luxuriante chevelure, dont le pinceau et la canette de peinture laissent deviner son statut d’artiste, tient au bout de ses doigts une cage à oiseau entrouverte. Autour d’elle sont incorporés des éléments iconiques du Mile End, comme les rails de chemin de fer et le château d’eau. Tous ces ingrédients composent la toute nouvelle murale d’Ola Volo sur la rue De Gaspé, au sud de la rue Bernard, une impressionnante réalisation de 15 000 pieds carrés.

Fruit d’une collaboration avec le collectif Le Cartel, la murale devait répondre au mandat délicat de représenter le quartier dans ses multiples facettes, autant artistiques, entrepreneuriales que multiculturelles. «C’était particulièrement intimidant, parce que j’ai déjà habité dans le Mile End et je comprends à quel point c’est un quartier unique», confie Ola Volo, qui a néanmoins relevé le défi. «J’aime travailler avec beaucoup de contraintes, parce que j’aime créer une narration en fragments qui se déploie comme un casse-tête.»

Ce souci du récit et ses univers foisonnant de personnages, de détails et de textures sont fortement inspirés par son enfance passée au Kazakhstan, où elle est née. La jeune fille baigne alors dans la tradition orale, au milieu d’histoires folkloriques racontées tour à tour par sa mère et sa grand-mère, même après son arrivée au Canada à l’âge de 10 ans.

De l’art oral à l’art public

«Pour moi, l’art public est nécessairement inclusif», déclare Volo, qui se réjouit du fait que ce type d’art vienne vers les gens, un peu à la manière de la tradition orale de son enfance. «Mon style s’appuie sur le folklore, il le modernise et s’affiche sur les murs publics, sans que les gens aient à payer ou à se rendre dans une galerie.»

Ola Volo   photo : Kevin Millet

La muraliste a d’ailleurs eu l’occasion de disséminer son art dans plusieurs villes et pays. Du nombre, en plus de Montréal, qui abrite deux de ses œuvres (la première ayant été faite il y a deux ans lors du festival MURAL), on compte notamment Vancouver, où elle a vécu très longtemps, Los Angeles, Sudbury, Monterrey au Mexique, et bientôt, la Suède et l’Europe. Plusieurs marques l’ont également approchée pour des collaborations, du magasin Simons à Louis Vuitton, en passant par Starbucks et Volkswagen. Comme fil conducteur entre tous ces projets, le désir de la Montréalaise d’incarner «une expérience motivante, optimiste et ludique», qui permet un dialogue entre les différentes tranches d’âge.

Prendre sa place, un mur à la fois

Dans une entrevue donnée à CBC Arts, Ola Volo affirmait que «plus grand est le mur, plus fort résonne la voix». Avec Walla Volo, elle a non seulement accompli sa plus grande murale à ce jour, mais aussi l’une des plus imposantes murales créées par une femme en Amérique du Nord. «Je crois que si on prend de la place, des gens vont connecter avec ce qu’on fait», insiste celle qui a longtemps été gênée d’occuper l’espace.

La murale Walla Volo   photo : Simon White

Pendant qu’elle peignait dans le dernier mois, elle a recueilli beaucoup de confidences et de questions d’artistes émergents, surtout de femmes. Ces propos ont résonné avec l’insécurité de ses débuts et lui ont donné envie de redonner à sa communauté, soit en partageant ses connaissances ou en soutenant les femmes artistes qui débutent. «J’ai envie d’être un livre ouvert à propos de ce que j’ai appris et j’espère que je peux trouver la plateforme idéale pour parler de ces enjeux», résume-t-elle.

La gigantesque murale Walla Volo lui a également donné envie de continuer à se mesurer à des murs toujours plus imposants. Lorsqu’on évoque le Kazakhstan, les yeux de l’artiste s’illuminent: «Il y a des murs incroyables là-bas, à cause de l’architecture soviétique. Une grande partie de mon inspiration provient de mes origines. Ce serait un rêve d’avoir l’impression de boucler la boucle là-bas.»

En attendant que ce souhait se concrétise, Ola Volo est curieuse de voir comment sa plus récente murale modifiera l’ambiance du lieu, particulièrement avec l’animation d’Aire commune cet été. «Je réalise qu’avec une murale, c’est d’abord toi qui modifies un lieu et son atmosphère, ce qui a un impact sur les gens qui fréquentent l’endroit, mais que ça finit par avoir aussi un effet sur toi, en tant qu’artiste faisant partie de la communauté.»