Samedi à Isla Vista en Californie, un jeune homme de vingt-deux ans, probablement perturbé psychologiquement, a tué 6 personnes et en a blessé plusieurs autres avant de s’enlever la vie, en pleine rue.
C’est essentiellement la manchette qui a été relayée partout. Au second plan, on aura souligné que le présumé tueur avait agi pour punir toutes ces femmes qui l’avaient rejeté, et dont il s’estimait pourtant en droit de recevoir l’attention et les faveurs sexuelles. C’est de cette misogynie rageuse et revancharde dont témoignent la vidéo et le manifeste de 140 pages qu’il lègue.
Dans les médias de masse, on aura mis de l’avant les troubles mentaux du tireur. Un homme seul, agissant sous la simple impulsion de son esprit malade. Il ne faudrait pas y voir autre chose qu’un acte isolé, qui ne révèle ni ne témoigne de rien, si ce n’est que de la folie de son auteur. Soit. On respire, on se ressaisit. Tout ira bien. Il ne faut pas chercher à comprendre ni à expliquer l’absurde et l’ignoble.
Évidemment, j’ai été saisie par l’horreur du geste, sur le coup. Mais en lisant davantage ce qui s’est écrit sur son auteur, et sur le genre de groupes au sein desquels il gravitait, je me suis mise à trembler. Depuis, je m’étais calmée, mais tout à l’heure, j’ai eu le malheur de tomber sur une page facebook intitulée « Elliot Rodger is an American Hero ». En encadré, une photo de lui, juxtaposée à celle d’une pinup en bikini vulgaire. Et de nombreuses publications faisant l’apologie, voire l’éloge, du geste de Rodger. Je me suis remise à trembler.
Le tueur était un être perturbé et malade, peut-être. Mais il cultivait depuis des mois sa haine des femmes, à travers un réseau masculiniste dynamique sur internet, réseau se déclinant en différents groupes d’affinités, fédérés par une idée cardinale : les femmes en mènent trop large dans la société, alors que la posture qui leur revient par nature en est une de subordination. Conséquemment, les hommes auraient maintenant à reconquérir les droits qui leur ont été dérobés. Rodger incarnait bien sûr une radicalisation de ces idées; et ce sont probablement ses troubles mentaux l’ont poussé à passer à l’acte. Mais reste que les fondements du geste avaient bel et bien un terreau pour fleurir, s’articuler et enfler monstrueusement. Un espace où ces idées étaient partagées et encouragées. Rodger baignait dans un univers [virtuel] où l’assujettissement des femmes et le contrôle de leurs comportements est perçu comme un idéal à atteindre. Ce crime odieux ne devrait pas être appréhendé indépendamment de ce contexte, ni attribué exclusivement à la condition individuelle de son auteur. Comme l’écrivait ce week-end une blogueuse: « when hateful rhetoric is trained on any group, lone wolves like this guy get triggered. »
Par ailleurs, lorsqu’un individu, si perturbé soit-il, choisit de cibler un groupe pour le « punir » en tant que « corps homogène», pour protester contre les privilèges que ce groupe « dérobe » soi-disant à un autre, l’acte revêt un caractère politique. Car la rétribution violente et aléatoire « des femmes » pour les faveurs qu’elles n’ont pas consenti à attribuer, alors que c’est ce à quoi elles sont « destinées », suscite une onde de choc ayant un effet disciplinaire sur l’ensemble des femmes.
En écoutant les nouvelles samedi, et en apprenant le sordide mobile de Rodger, je me suis sentie toute petite, fragile, friable, écrasable. Frêle et vulnérable, devant une tragédie qui enseigne par l’horreur que les femmes ne sont en sécurité que si elles s’effacent et obéissent. « Comply or die »; c’est le message brutal que nous lègue le tireur, et qui bourdonne furieusement dans ma tête depuis la tragédie. Et le fait qu’il se trouve des gens pour applaudir le geste, ou même pour « comprendre », ne serait-ce qu’à demi-mots, témoigne d’un phénomène beaucoup plus profond. D’une mécanique de contrôle et de rétribution du comportement des femmes qui, bien qu’elle ne solde pas toujours par un bain de sang, opère de manière constante et discrète. Afin de maintenir les femmes dans une posture de vulnérabilité, au moins toujours un peu.
Lorsque surviennent des drames de la sorte, cette misogynie latente éclate au grand jour. Et on aura beau invoquer la folie meurtrière, on aura beau se montrer rationnel et pragmatique; se dire que statistiquement, ce genre de trucs n’arrivent pas [si] souvent… Un sentiment affreux s’installe et perdure. Une vague glaciale qui saisit, qui recroqueville, qui prend au ventre; et qui nous dit qu’en fait, il vaudrait peut-être mieux, pour un temps, de se faire toutes petites. Juste au cas où.
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Pour me suivre sur twitter, c’est @aurelolancti
Oui face à cette vague montante de groupes aux comportements machistes, comme femmes il semble nous rester deux solutions:
1. se faire toutes petites, baisser la tête et espérer que cela ne tombe pas sur nous…
2. se faire traiter de féministes (avec le rejet social et personnel que cela implique) si on exprime la nécessité sociale de metter fin à ces agissements…
Quand on se retrouve réduit à supporter un préjudice ou un autre pour appartenir à un groupe social, c’est qu’on n’est pas encore vraiment dans une société égalitaire.
Et donc qu’il y a encore du travail à faire pour y arriver… espérons que nous arrivions à réunir une majorité de personnes de bonne volonté autour de ce point de vue.
Pas égalitaire, vous dites? C’est anecdotique, mais ça traduit ce que plusieurs hommes pensent : qu’ils ne sont pas davantage protégés, parfois… https://www.youtube.com/watch?v=u3PgH86OyEM
La vidéo ne démontre pas grand chose…
Il est évident comme point de départ que l’homme en question est plus grand et plus fort que la femme, donc que c’est elle qui est réellement en danger.
Au moment, où le public réagit, on sent bien que le gars est au bord de mettre deux coups de poing à la femme et de la laisser étendue sur le trottoir. Le public perçoit qu’elle est physiquement en danger et intervient.
Tandis que quand c’est elle qui l’interpelle: on sent bien que le gars supporte momentanément l’engueulade, mais qu’il peut à tout moment la neutraliser et s’en aller. On ne le perçoit pas réellement physiquement en danger. D’une part parce que l’on sent que la femme va en rester à une agression verbale et d’autre part parce que le gars a les moyens physiques de se défendre seul.
La non-intervention du public ne démontre donc pas grand chose…
« L’an passé, 148 femmes et 26 hommes ont été tués par leurs compagnons ou ex-compagnons (conjoint, concubin ou pacsé). » (En France).
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/les-violences-conjugales-ont-tuees-174-personnes-en-2012_1255892.html
85% des victimes sont des femmes…
Les 15% d’hommes méritent évidemment d’être défendus.
De là à considérer que notre société est égalitaire…
« Au Canada, en 2011, 89 homicides ont été commis par des partenaires intimes. Parmi ces crimes :
76 victimes étaient des femmes, 13 victimes étaient des hommes »
Ici aussi on est à 85%-15%.
Et les chiffres d’autres pays semblent conirmer cette proportion:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Violence_conjugale
Une vidéo qui commence par affirmer que 40% des victimes sont des hommes, semble avoir l’intention douteuse de déformer la réalité et de nier l’ampleur des violences faites au femmes.
Au Canada, en 2011, 89 homicides ont été commis par des partenaires intimes15. Parmi ces crimes : 76 victimes étaient des femmes, 13 victimes étaient des hommes
Là aussi on est à 85%-15%
Et cette proportion semble se confirmer dans les autres pays
http://fr.wikipedia.org/wiki/Violence_conjugale
Une vidéo qui commente par affirmer que 40% des victimes sont des hommes déforme grandement la réalité, avec l’intention douteuse de minimiser l’ampleur des violences faites aux femmes.
Au Canada, en 2011, 89 homicides ont été commis par des partenaires intimes15. Parmi ces crimes : 76 victimes étaient des femmes, 13 victimes étaient des hommes
Là aussi on est à 85%-15%
Et cette proportion semble se confirmer dans les autres pays
http://fr.wikipedia.org/wiki/Violence_conjugale
Cette vidéo qui commence par affirmer que 40% des victimes sont des hommes déforme grandement la réalité, avec l’intention douteuse de minimiser l’ampleur des violences faites aux femmes…
Excusez-moi j’ai renvoyé plusieurs fois mon commentaire parce qu’il ne se publiait pas… Et 4 ou 5 heures après ils apparaissent tous en paquet.
Ce geste horrible, il en va de soit, reflète selon moi bien plus que ce que l’auteure tend à nous démontrer. Il en est également ainsi des appuis envers cet acte insensé, oui, mais surtout porteur d’un mal de vivre évident.
L’auteur du crime et ses supporteurs font bel et bien état d’un caractère misogyne et rétrograde d’une frange de la population, mais il est d’une importance capitale de tenter d’analyser objectivement les fondements de tels actes ou façons de penser.
Comme le mentionne Lanctôt : »Ce crime odieux ne devrait pas être appréhendé indépendamment de ce contexte », or, ce contexte en soit mériterait d’être approfondi.
Qu’est ce qui pousse des hommes à devenir misogynes, frustrés à un point tel que la vengeance par les armes fait office d’ultime solution?
Je ne connais pas la réponse à cette question, mais elle me semble des plus pertinentes si on veut traiter d’un sujet comme celui-ci.
Ces hommes, dérangés oui, ont un historique personnel qu’il serait important de connaître. Ils ne sont pas devenus misogynes du jour au lendemain. Il y a fort a parier que notre société d’image, axée sur l’apparence et vouant un culte à la beauté, y est pour quelque chose.
Le tueur ne vivait d’ailleurs-t-il pas dans le milieu jet set Hollywoodien, là où la perfection fait office de norme?
Entendons-nous, je n’excuserai jamais le geste, ni la mentalité des gens qui supportent celui-ci. Toutefois, le malaise est bien plus profond à mes yeux que ce que dépeint l’auteure de cet article. Au delà de la misogynie il y a ce qui cause cette misogynie, et ici il y a bien plus qu’un coupable.
Bien d’accord avec votre commentaire…
Nous vivons dans une société où le succès semble la norme. Où nous sommes constamment bombardés médiatiquement de publicité et mises en scènes sexualisées et violentes (séries tv, internet, ciné, jeux vidéos, bd, etc…)… où les femmes sont constamment en position d’objet de consommation ou de violence.
Les fantasmes de possession, de violence et de pouvoir sont suralimentés…
Nous sommes de plus en plus exposés au spectacle du succès économique et sexuel des autres…
Le quotidien par contre est parfois semé d’embûches, personnelles et/ou économiques… et la grande frustration qui découle du gigantesque contraste entre ce que l’on voit et ce que l’on réussit… peut terminer de faire basculer des esprits déséquilibrés. La majorité tombent dans la dépression et le suicide (violence contre eux-même), mais d’aucuns basculent dans l’agressivité et la violence envers les autres… et là les femmes sont au premières loges pour encaisser la violence de la frustration masculine.
Article (en anglais) qui tente de répondre à ces interrogations:
http://time.com/117585/yes-all-women-virgin-killer-ucsb/
Se faire toute petite?????? vous pensez que cela réglerai le problème ????bien sure que non! c’est se battre qu’il faut faire , ne jamais capituler devant une telle horreur .
Oui pas égalitaire… 40% des violences domestiques envers des hommes indique le vidéo scandalisé! (Chiffre à vérifier d’ailleurs…)
Cela voudrait quand même dire que 60% le sont encore à l’égard des femmes…
Mais certains hommes, commodément habitués à la situation « normale » que les femmes fournissent 90% des victimes, se scandalisent déjà à la perte de leurs privilèges…
Même si à travail égal les femmes continuent à gagner de 10 â 30 % moins que les hommes, il se trouvent beaucoup d’hommes à penser qu’elles en mènent déjà trop large parce qu’ils sont confronté à quelques exemples de femmes qui ont une meilleur job qu’eux…
Prétendre que nos sociétés sont égalitaires, c’est défendre le statut quo d’une situation où les hommes sont envore privilégiés.
Il n’existe pas encore un seul pays au monde où les femmes gagnent exactement autant que les hommes et ne souffrent pas plus de vilences que les hommes. Il n’existe donc encore aucun pays égalitaire… Pour pouvoir le créer, il faut d’abord reconnaître la réalité.
Au Canada, en 2011, 89 homicides ont été commis par des partenaires intimes15. Parmi ces crimes : 76 victimes étaient des femmes, 13 victimes étaient des hommes
On est à 85%-15%
Et cette proportion semble se confirmer dans les autres pays
http://fr.wikipedia.org/wiki/Violence_conjugale
Une vidéo qui commente par affirmer que 40% des victimes sont des hommes déforme grandement la réalité… avec l’intention douteuse de minimiser l’ampleur des violences faites aux femmes…
(Il est évident
Il est évident que la misogynie est encore bien ancrée dans notre société, et elle est d’autant plus insidieuse qu’elle s’affiche moins ouvertement. Mais il me semble que les groupes masculinistes ne diffèrent guère, pour l’essentiel, des autres groupes conspirationnistes qui pullulent et sont autant de bombes à retardement, désignant des boucs émissaires que des esprits faibles seront tentés, à la longue, d’agresser et de « punir », comme vous dites…
Pour les masculinistes, l’ennemi, ce sont les femmes; mais d’autres concentrent plutôt leurs obsessions sur un présumé complot « juif » ou « islamiste », sur le « gouvernement », sur les « socialistes », etc. C’est toujours la même spirale de haine et de paranoïa qui conduit ces tueurs à s’en prendre qui aux femmes, qui à une mosquée ou un musée juif, qui aux députés de l’Assemblée nationale ou à la première ministre nouvellement élue. Dans ce sens, toute forme de fanatisme m’apparaît haïssable et dangereuse en soi.
Il faut reconnaître, néanmoins, que les femmes en font plus souvent les frais. C’est que la « révolution féministe » est encore loin d’avoir été digérée par certains… et qu’elle demeure inachevée.
On est très loin de l’égalité hommes-femmes:
– 60% des prestataires d’aide-sociale sont des femmes cheffes de famille monoparentale (le mec s’est poussé en les abandonnant avec leurs enfants)
– À travail égal, les femmes gagnent, en moyenne, 76% de leurs collègues masculins
– Les secteurs d’emplois occupés en grande majorité par des femmes sont toujours moins bien considérés et moins bien payés; au point que lorsqu’un emploi en vient à être occupé majoritairement par des femmes, le salaire diminue systématiquement
– Le gouvernement a niaisé pendant des années, allant même en cour, avant de finir par verser les montants dus pour l’équité salariale, pourtant dus selon sa propre loi
– Les chances d’emploi et de promotion des femmes sont moindres : plus haut taux de chômage et plus on monte dans les hiérarchies, moins il y a de femmes
– Le conseil des ministres n’est même pas capable d’atteindre la parité (et chaque fois, l’argument est qu’il n’y a pas assez de femmes « compétentes » pour occuper ces postes, quand on voit la « qualité » de l’ensemble des hommes ministres…)
– Pour tous les partis politiques (sauf Québec Solidaire qui, évidemment, a la parité à chaque élection générale depuis sa fondation), l’objectif d’avoir, non pas 50%, mais seulement 30% de candidatures féminines est considéré comme « lointain » et « difficile »; 30%!!! Même pas le tiers. Et pas capables d’arriver à ce nombre
– Et que dire des conditions épouvantables des travailleuses domestiques, souvent des femmes immigrantes amenées au pays pour de très riches familles qui les traitent littéralement comme des esclaves (souvent après avoir confisqué leur passeport) ? Le Conseil du Patronat s’est même ardemment battu pour que ces femmes n’aient pas droit à la protection de la CSST. (http://www.gazettedesfemmes.ca/7132/travailleuses-domestiques-etrangeres-assignees-a-residence/)
– Et j’en passe (entre autres dans la pub, les films, les émissions, surtout ceux importés des Etats-Unis)