Dans la foulée du lancement de la Coalition pour l’avenir du Québec,
on a beaucoup parlé de la pertinence de continuer à débattre de la
souveraineté — une question qui a accaparé une part considérable de
l’attention politique du Québec depuis une quarantaine d’années.
Tel qu’annoncé depuis des mois, MM. Legault et Sirois proposent d’évacuer la question
— sous prétexte que le débat est stérile et qu’il sape trop de talent
et d’énergie depuis trop longtemps — pour se concentrer sur des défis
plus tangibles et immédiats.
Sans
surprise, le PQ, le Bloc et leurs chiens de garde ne sont pas d’accord
et croient qu’il faut continuer la lutte, même sans “conditions
gagnantes”. Bernard Drainville a essentiellement traité l’ex-péquiste Legault de traître à la nation.
Il
est vrai que, pour François Legault, l’abandon de la lutte active pour
la souveraineté du Québec marque un virage politique important. Certains
y ont vu une trahison ou du défaitisme; d’autres y verront sans doute de l’opportunisme ou du carriérisme quelconque.
Personnellement,
au risque de passer pour naïf, je crois plutôt que le changement de cap
de M. Legault est une évolution qui s’inscrit largement dans l’air du
temps.
* * *
Je
ne parle pas au nom du Québec au complet, ni même pour une de ses
générations. Je parle des personnes que je côtoie régulièrement — des
25-40 ans, d’horizons divers, plus ou moins pure laine, généralement
bien éduqués, aux circonstances de vie variables.
L’immense majorité de ces gens ne veut plus entendre parler du débat sur la souveraineté du Québec.
Ce
n’est pas qu’ils soient devenus fédéralistes. La plupart demeurent
nationalistes, sans être militants. N’en déplaise aux
souverainistes de la mouvance Sarah Palin
— vous êtes avec nous ou vous êtes des traîtres! — on peut très bien
se lasser du projet souverainiste sans tomber dans les bras
de la Reine.
Les gens dont je parle se foutent autant du Canada que de l’indépendance du Québec. Pour eux, le « plusse meilleur pays du monde » de Jean Chrétien est aussi comique que le « Vive le Québec libre » du général De Gaulle est folklorique.
Ils
ne sont pas cyniques ou déconnectés — au contraire. Leurs
préoccupations sont ailleurs, c’est tout. Pour eux, la chicane nationale
est devenue aussi futile et sans intérêt que la controverse sur le sexe des anges:
ils regardent leur vie, leur famille, leur ville, leur pays et le monde
et concluent que le combat pour l’indépendance d’une province
où tout va relativement bien n’est pas une grande priorité.
Comment
sommes-nous arrivés là, 15 ans après un référendum qui avait suscité
tant de passions? A priori, je vois quatre facteurs.
* * *
Il
y a d’abord l’évolution sociale du Québec depuis la Révolution
tranquille. Les Québécois de ma génération ont grandi dans une société
qui souhaitait ardemment, généreusement, les sortir la Grande Noirceur.
Nous avons voyagé — en Europe, en Asie, aux États-Unis et ailleurs.
Nous avons étudié, souvent à l’étranger. Nous avons été coopérants en
Afrique ou en Amérique du Sud. Nous avons parfois travaillé à Londres,
en France ou à New York. Notre univers n’est plus limité par la rivière
des Outaouais et le Rocher Percé. N’en déplaise à l’arrière-garde nationaliste,
les gens dont je parle ne voient plus la réalité à travers un prisme
ethnico-linguistique immuable. Ils n’ont pas renoncé à leur identité
québécoise, mais ils ne sont plus prisonniers de leur province.
Amplifiant
la tendance, Google, Facebook et Twitter ont fait éclater ce qui
restait des anciennes références. Grâce à Internet et à ces réseaux, les
enjeux et les causes d’aujourd’hui ne sont plus ceux
d’autrefois. L’environnementalisme est un combat mené aux quatre coins
de la planète. Le 11 septembre et ses suites ont eu un impact partout.
Le monde entier s’est passionné pour la présidence de Barack Obama.
Récemment, tout le monde sur terre a suivi les révolutions en Tunisie,
en Égypte et ailleurs au Moyen-Orient. À côté du combat pour une planète
propre et une économie durable, et de la lutte pour la justice pour les
populations massacrées, les chicanes entre souverainistes et
fédéralistes au Québec ont perdu beaucoup de leur intérêt.
Troisièmement,
certains arguments souverainistes n’ont plus de traction. Comme
province canadienne, il est vrai que le Québec n’a pas le plein contrôle
de ses finances et de ses champs législatifs. Mais jusqu’à preuve du
contraire, c’est le Canada qui subventionne le Québec et non l’inverse,
et Ottawa n’est pas responsable des échecs de nos systèmes de santé et d’éducation.
L’urgence et la pertinence du débat sur la question nationale seront
plus crédibles quand le Québec pourra faire la démonstration que ses
problèmes concrets sont attribuables — de manière tangible — à son
appartenance au Canada.
Finalement, le Québec vit un baby-boom
depuis des années. Quel rapport avec la question nationale? Ceci: les
jeunes parents d’aujourd’hui travaillent à temps plein — père et mère,
souvent — tout en étant préoccupés par leur carrière, le développement
de leurs enfants, et de plus en plus par le soin de leurs propres
parents, retraités ou à la veille de l’être. Ils font de l’insomnie en
pensant aux moyens de concilier travail et famille. Ce qui compte, pour
eux, c’est de savoir si leur petite Flavie ou leur petit Maxime aura une
place en garderie, et si son éducation sera adéquate pour le monde de
2030. Ils sont pragmatiques: sur 24 heures et 365 jours, ces parents
n’ont pas de temps à consacrer à la question théorique de la place du
Québec dans le monde. Ils veulent entendre parler de systèmes
d’éducation et de santé efficaces, ils sont furieusement révoltés à
l’idée qu’on enferme leurs enfants dans le Québec insulaire de leurs aïeux, et ils ne veulent pas que leurs gouvernements gaspillent leur argent en chicanes de drapeaux, soient-ils bleus ou rouges.
* * *
Tout
ceci pour dire que, quand MM. Legault et Sirois proposent de remettre
le combat pour l’indépendance aux calendes grecques, une partie
importante de la population québécoise — dont plusieurs leaders de
demain — écoute avec attention.
Nous
ne sommes pas blasés ou cyniques, loin de là. Nous ne sommes pas vendus
ou colonisés, ou déracinés de notre héritage de francophones
d’Amérique. Nous sommes de notre temps, absorbés par les combats de
notre époque, certainement redevables des combats de nos prédécesseurs,
mais prêts et impatients de prendre notre place et de laisser derrière
nous des luttes que l’évolution du monde a rendu désuètes.
Dommage que ni l’auteur ni ses amis, ces « 25-40 ans, d’horizons divers, plus ou moins pure laine, généralement bien éduqués, aux circonstances de vie variables » ne se soient intéressés à Legault auparavant. Ils auraient ainsi pu prendre connaissance de son rapport sur les finances publiques d’un Québec indépendant.
ils auraient ainsi appris que:
Le Québec n’est pas subventionné par Ottawa. Il reçoit en fait moins d’argent que ce que son poids démographique suggérerait (24%), soit par exemple:
9,1% du budget des Affaires indiennes (rendu à 7G)
9% du budget de l’Agriculture
12,9% du budget des Anciens combattants
14,4% de la Défense
15,5% du budget de l’environnement
13,8% du budget des Ressources naturelles
(ces deux dernières entrées devraient intéresser particulièrement ceux qui ont à coeur une planète propre et qui voudraient pouvoir participer à ce combat pour « l’environnementalisme », non?)
pour ne citer que ces postes budgétaires.
Sans compter les dédoublements (plus de 4 milliards annuellement), la part de la dette fédérale qui a surtout servie à financer les empiètement du fédéral dans les champs de compétence des provinces en général et du Québec en particulier, etc, etc.
Ottawa, pas responsable de la déconfiture de nos systèmes d’éducation et de santé? Mais où étaient ces jeunes internationalistes ouverts sur le monde quand Ottawa sabrait à coup de milliards dans les paiements de transferts? Savent-ils, ces jeunes qui ont tant voyagé qu’ils ignorent ce qui se passent chez eux, que c’est à même ces coupures qu’Ottawa a financé ses intrusions dans nos champs de compétence?
Ces jeunes « généralement bien éduqués » que notre capacité à financer les garderies et l’éducation pour la petite Flavie et le petit Maxime sont directement impactés par notre appartenance au Canada? Que la seule façon de pouvoir continuer à financer ces programmes sociaux est justement d’aller chercher 100% de nos leviers économiques?
Parler de « luttes que l’évolution du monde a rendue désuètes » alors que jamais autant de nouveaux pays n’ont vu le jour, alors que jamais autant de populations ne s’étaient libérées de leurs chaînes que ces dernières années, c’est assez particulier.
Ne vous en déplaise M. Lussier, votre attitude et votre fermeture sur les réalités québécoises (vivent les luttes des autres peuples, à bas celle du Québec) s’apparente effectivement à une attitude de colonisé.
Les voyages, Twitter, les responsabilités parentales, la succursale subventionnée par la maison mère et l’évolution du monde sont les facteurs dites-vous qui font des citoyens de votre génération ravis du statut politique de votre peuple qui relève d’une ère colonialiste révolue chez plus de 150 nations dans la monde ayant acquis la pleine souveraineté depuis la fin de la dernière guerre mondiale jusqu’à ce jour; les Kosovars, en 2010, est la dernière nation en liste. Allez donc partout dans le monde, comme j’ai fait personnellement en voyageant, demander à tous ces peuples si leur souveraineté est un concept désuet qui a enfermé leurs enfants « dans l’île de leurs aïeux ». Croyez-vous vraiment que la fossilisation du peuple québécois dans le ROC est la solution rêvée pour votre génération et sa progéniture ? Les souverainistes ne vous accompagneront jamais dans ce carcan dont vous, Monsieur Jérôme Lussier, rêvez.
Votre texte me rend lasse, oui, de notre lâcheté collective.
Nous habitons dans »une province où tout va relativement bien », vous me l’apprenez à l’instant. Votre énoncé me rappelle cruellement l’inconfort et l’indifférence dans lesquels le Québec baigne depuis plusieurs décénnies, voire depuis toujours. Dire oui au pays du Québec n’est pas fermeture au monde, mais bien ouverture, car acceptation de soi, premier pas vers l’autre. Mais cet argument que vous tentez de nous faire avaler aujourd’hui est peut-être la plus ancienne, la plus nuisible des fausses accusations que le clan fédéraliste porte au Québec. La nation québécoise est en danger, car gouvernée en partie par des gens qui travaillent contre ses intérêts: ils défendent les leurs. Prendre pour acquis la pérennité du Québec, c’est être aveugle. Le Québec s’anglicise à une vitesse exponentielle et, vous en êtes le meilleur exemple, l’intérêt des Québécois pour leur propre sort diminue de jour en jour. La lutte pour les populations massacrées et les révolutions au Moyen-Orient ont plus d’intérêt que notre cause nationale? Admettons même que je vous l’accorde: ces événements ne m’apparaissent que comme des preuves supplémentaires pour dire que la liberté est partout cher payée et que nous avons une chance extraordinaire de pouvoir se l’offrir par un acte démocratique. On a réussi à vous convaincre, vous et plusieurs autres, que tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes. La réalité est moins rose, M. Lussier. J’ose espérer du plus profond de mon coeur que vous ouvrirez les yeux à temps, même si cela prends du courage.
Quand j’ai lu le texte, je me suis dit: « Le lançage de tomates ne devrait pas tarder »…
Toujours les mêmes, toujours les mêmes vieux arguments…
Bravo d’avoir eu le courage d’y faire face.
Même vieux arguments, en effet.
C’est tout simplement dommage que personne ne soit jamais arrivé à les réfuter. Même pas Legault, qui les avait pourtant si bien démontrés.
Un meneur que ce Legault? Non, un suiveux démissionnaire, tout simplement.
@ Michel Bertrand
J’oubliais de dire à M. Lussier que les fossiles ont tout de même droit de vote dans la colonie Kwibek. Pas si mal quand même !!!
@Gascon,
Oui, vous devez être content d’avoir ce privilège…
C’est ça le problème de la démocratie… On est obligé de vous endurer…
@ Michel Bertrand
Les fossiles dans le ROC ne sont pas les souverainistes, vous l’avez très bien compris, félicitations. Je n’irai pas dans votre sens anti démocratique de nommer l’acte de voter un privilège, c’est un droit accordé à tous incluant les fossiles.
Le parti de Monsieur Legault offre une voie de sortie a d’anciens indépendantistes…
Je considere que c’est porteur d’espoir!
Ceux qui comme moi avons appuyé les gouv. libéraux de Lesage, Charest, Bourassa auront toujours tort pour ne pas avoir déjà crû pu projet indépendantiste…
Monsieur Legault lui y a déjà crû; donc il offre une alternative qui a de l’allure (comme dirait votre confrêre Proulx) a ceux qui veulent absolument dire: »J’avais raison,mais maintenant je suis ailleurs »
Le bonhomme a l’air solide; bonne chance monsieur Legault!
M. Gascon,
Vous n’avez rien compris de ce ai dit à ce que je vois… Je ne vais pas dans un sens anti-démocratique en disant que voter est un privilège…C’est uniquement votre perception tordue de ce qui est fédéraliste, ça…
Il y a pleins de pays à travers le monde ou on a pas le droit de voter. C’est tout ce que j’avançais…
Vous sautez aux conlusions…
Slacquez un peu sur la Labatt Bleue, ça va vous faire du bien.
Je n’ai plus de temps à perdre avec vous.
@ Bertrand
WOW !!! Les fossiles et souverainistes au Québec ont le privilège de pouvoir voter, privilège accordé par le maître conquérant. Quelle chance nous avons de pouvoir voter !!! WOW !!! N’en jetez plus Missieur, la cour est pleine.
Nous!!?? Wow, vous êtes devenu porte-parole des 25-40 ans!!??? Qui vous a élu? Voir?
Vous représentez certainement une certaine partie de notre génération mais vous ne pouvez parler pour moi du moins. Je connais des gens qui sont souverainistes et qui peuvent s’intéresser à des sujets sociaux ou avoir été coopérants à l’étranger. Ca existe. Pour associer Palin et le mouvement souverainiste, faut soit ne pas avoir une grande compréhension de la politique ou être mesquin. A vous de choisir. En attendant, bravo pour votre réthorique fédéraliste. Vous avez le droit mais ne vous cachez derrière votre pseudo-statut de représentant des « jeunes ». André Pratte au moins ne se cache pas!
Nous!!?? Wow, vous êtes devenu porte-parole des 25-40 ans!!??? Qui vous a élu? Voir?
Vous représentez certainement une certaine partie de notre génération mais vous ne pouvez parler pour moi du moins. Je connais des gens qui sont souverainistes et qui peuvent s’intéresser à des sujets sociaux ou avoir été coopérants à l’étranger. Ca existe. Pour associer Palin et le mouvement souverainiste, faut soit ne pas avoir une grande compréhension de la politique ou être mesquin. A vous de choisir. En attendant, bravo pour votre réthorique fédéraliste. Vous avez le droit mais ne vous cachez derrière votre pseudo-statut de représentant des « jeunes ». André Pratte au moins ne se cache pas!
Ce discours me fait bien rire car je suis dans la trentaine et je connais bien d’autres personnes dans la trentaaine qui sont souverainistes comme moi. En plus, au cours de la dernière semaine, je lisais un article pour l’élection fédéral dans le comté d’Hull-Aylmer et on mentionnait que les jeunes de 18-24 allait voter en majorité pour le Bloc. Une chance que les jeunes n’y croient plus. C’est n’importe quoi cet article.
Des Bouchard, Legault, ils me font bien rire car ils manquent de courage contrairement à un Jacques Parizeau. Si on se fit au sondage, c’est sûr que les Québécois ne veulent pas de référendum car les Québécois ont peur de perdre à nouveau et plusieurs n’iment pas ce débat. Mais si un Premeir ministre a le courage de le faire, je vais voter pour le OUI sans hésiter. Et plusieurs n’y croient pas pour l’instant car il n’y a pas de leader pour avoir 50% et plus.
Mais écoutez bien l’entrevue que Jacques Parizeau a accordé en 1988. C’est à s’y méprendre, on dirait qu’on est en 2011 à part le décor, etc…
Tout miser sur la souveraineté
http://archives.radio-canada.ca/politique/partis_chefs_politiques/dossiers/2378/