“Il n’y a, au Québec, qu’un problème politique vraiment sérieux: c’est le français. Juger que la langue et la culture françaises valent ou ne valent pas la peine d’être sauvées (et comment), c’est répondre à la question fondamentale de la politique québécoise. Le reste — s’il faut privatiser Hydro-Québec ou la SAQ, s’il faut la souveraineté ou le fédéralisme assymétrique — vient ensuite.”
Voici sans doute ce qu’écrirait Albert Camus s’il se réincarnait en analyste de la politique québécoise.
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La survie du français au Québec est une question grave pour deux raisons: le français, et le Québec.
Le français parce que c’est une langue complexe, scrogneugneuse, “protégée” par de poussiéreuses instances et de souvent réactionnaires ayatollahs, réticents à embrasser la modernité galopante.
Puis le Québec: une curiosité francophone dans une Amérique qui parle anglais et espagnol. Une petite population, ni très riche, ni très puissante, dont la voix porte un peu au Canada mais pas beaucoup plus loin, éparpillée sur un immense territoire. Même si nous speakions white, je présume que nous serions menacés d’une manière ou d’une autre.
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Donc, nous sommes menacés. La fin approche! C’est ce qu’on nous dit depuis des siècles. J’imagine qu’il faut le croire. Encore aujourd’hui, la brigade de l’épouvante attise régulièrement la peur de l’autre en annonçant notre assimilation prochaine et la victoire finale de l’envahisseur anglais ou étranger. Une partie essentielle de l’identité québécoise se nourrit depuis toujours de cette mentalité d’assiégés.
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Il est possible que la langue française meure un jour en Amérique. Ce n’est pas mon souhait, évidemment. Comme pratiquement tous les Québécois, je me sens plus proche du Québec que du Canada. Je serais triste de savoir que la langue dans laquelle j’ai grandi et dans laquelle j’élève mon fils pourrait disparaître.
Cela dit (pour moi) le danger ne vient pas d’un complot des méchants Anglos ou immigrants. Il vient des milliers de décisions individuelles, anodines, prises par tout le monde tous les jours. Les gens consomment et adhèrent à la culture qui les inspire et les branche à un moment de leur vie; les parents veulent ce qu’il y a de mieux pour leurs enfants; l’économie suit les opportunités. Il n’y a pas de conspiration ou de master plan diabolique, juste la marche ordinaire et banale de l’humanité.
Face à cette menace, deux genres de réactions sont possibles.
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La première consiste à contraindre au maximum les choix individuels, de manière à éliminer les options menaçantes et à “protéger nos acquis” comme on enterre des talents.
On tentera ainsi d’ériger une muraille autour de notre pays imaginaire; on empêchera les gens de parler, d’étudier, d’écrire ou de rêver autrement qu’en français; on imposera des quotas partout; on freinera l’immigration; on bloquera les entreprises non-québécoises; on cherchera le plus possible à cacher l’existence d’un vaste et dynamique univers étranger non-francophone, tout en cherchant frénétiquement comment contrôler Facebook, Twitter et Youtube. Et on ne voudra se comparer qu’à nous-mêmes: on évacuera la concurrence et on se déclarera gagnant.
Une fois débarrassés des autres, nous serons effectivement maîtres chez nous (du moins pour un temps). Relativement libres, mais enchaînés à notre histoire par une batterie de lois et de surveillance méfiante. Obligés de colmater avec vigilance toutes les brèches qui pourraient laisser pénétrer l’ennemi anglais ou immigrant via la radio, la télé, Internet, les satellites, l’argent, la mode ou nos frontières.
Des gros poissons dans un petit étang, comme disent justement les Anglais.
C’est l’approche d’un peuple sur respirateur artificiel et d’un pays dans une bulle, battant en retraite et mourant lentement.
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L’autre approche consiste à regarder en face la réalité du 21e siècle: la libre-circulation de l’information, des idées et de la culture, et la concurrence mondiale des talents, des capitaux, et de l’immigration. Ça vaut pour le hockey, la musique, les meubles, la mode et la recherche scientifique, qu’on le veuille ou non.
Ne pas battre en retraite, dans ce contexte, ça veut dire se tenir debout et tirer son épingle du jeu plutôt que de se barricader chez soi, la tête dans le sable. Avant tout, c’est accepter que les allégeances culturelles, politiques et linguistiques relèvent davantage de l’histoire d’amour que du code criminel — qu’il vaut mieux séduire que d’interdire ses rivaux.
C’est assurer sa survie parce qu’on gagne la course, et non parce qu’on interdit la compétition. C’est s’imposer, comme peuple et comme culture, parce que nous aurons une société vibrante et riche, des forêts et des lacs propres et sauvages, des artistes, des scientifiques et des intellectuels rayonnants, une politique authentique, des jeunes ambitieux, une économie qui fesse dans le dash, un art de vivre — incluant la manière dont on traite nos malades, nos enfants et nos personnes âgées — qu’on envie de par le monde, et la coupe Stanley, gagnée fair and square, à Montréal ou à Québec.
Ça, c’est l’approche moderne, digne et forte. C’est l’image d’un peuple battant, qui refuse le défaitisme des barricades, la déchéance tranquille et la politique de peau de chagrin. C’est l’âme d’un peuple qui ne veut pas finir dans une bulle ou un mouroir, mais qui s’inscrit dans son époque.
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Je ne suis pas historien ou futurologue, mais les cultures qui se préservent à coups de lois et d’obligations me font penser à ces hommes insécures qui s’assurent de la fidélité de leur femme en lui interdisant de sortir de la maison. Ça marche peut-être un temps. Mais ça explose tôt ou tard, puis il ne reste rien. Quand on ne peut plus tolérer l’existence d’une alternative, ou même du monde extérieur, nos jours sont comptés.
La réalité, c’est que Youtube, Facebook, iTunes, Flickr, Amazon, Craigslist, Netflix, Twitter et Internet ne disparaitront pas, qu’on les aime ou non. Le monde culturel, social, politique et économique est désormais ouvert, et pas près de se refermer. Les politiques de « défense nationale » fondées sur la censure ou la séquestration des produits et des idées étrangères sont désormais largement futiles. Plusieurs personnes — en politique, en affaires, dans les médias — préféreraient retrouver leur monopole d’antan, sans avoir à considérer le reste de la planète, mais cette époque est révolue.
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On me répondra que les approches que je décris sont des extrêmes et des caricatures, et qu’il existe des compromis entre l’enfermement hermétique et l’ouverture absolue. C’est vrai. (Je le répète: c’est vrai, je sais qu’il existe des compromis.) On peut certainement s’arranger, dignement, pour se donner une chance — culturellement ou économiquement — sans pour autant s’exclure du monde.
Mais ce n’est pas de ces politiques nuancées (et nécessaires) dont je parle aujourd’hui. Je parle des tripes, du gut feeling qui anime les intervenants dans ce débat fondamental au Québec, qui voit naître des nouveaux mouvements politiques pratiquement tous les mois.
Il y a ceux qui, au plus profond d’eux-mêmes, rêvent d’un Québec qui survit parce qu’il contrôle tout, envers et contre tous — de la culture à l’économie, en passant par la langue et l’immigration.
Et il y a ceux qui, tout aussi viscéralement, sentent qu’il faut désormais composer avec un monde fluide où l’inspiration et la persuasion ont remplacé le contrôle.
Je fais partie du deuxième camp.
Pour moi garder sa langue et sa culture vivante c’est avant tout de bien parler le français où que je sois,bien sur il y a des expressions typiquement québecoise et il faut les garder de même que l’accent et les expressions régionales parce que l’accent du Saguenay-Lac Saint Jean ou de la Gaspésie ou même de Montréal etc…leur est propre et font aussi partis de notre patrimoine.La culture et bien il faut en parler et l’enseigner pour ne pas qu’elle soit oubliée.Qui sommes-nous,d’où venons-nous cela ne doit pas être oublié et nos artistes ne doivent pas tomber dans l’oublie,nos peintres,sculpteurs,comédiens,chanteurs et musiciens doivent être capable de se faire connaitre et d’exporter notre culture à l’étranger,mais pour ça il faut être fière de ce que nous sommes,pas seulement le 24 juin en criant liberté mais 365 jours par année en ayant le souci de vouloir apprendre et connaitre,après nous pourrons l’enseigner à l’immigrant qui entre chez-nous.
Vous faites partie des gens pour qui la langue et la culture francophone sont importants mais pas plus que ça ! Votre discours qui consiste à banaliser et surtout à culpabiliser subtilement les francophones pour la détérioration de notre langue et du problème majeur de l’anglicisation de la région métropolitaine est pour le moins irresponsable. Bien sûr pour vous les gouvernements fédéralistes et anglophiles comme ceux que nous avons présentement n’ont qu’une petite part de responsabilité face a ce problème le reste découlant du phénomène des médias sociaux, de la culture anglo-saxonne dominante en Amérique du Nord et de l’ouverture sur le monde !
Nous ne sommes pas obligés de nous laisser assimiler béatement sous prétexte d’être ouvert sur le monde. S’il est possible de marcher et de mâcher de la gomme en même temps nous pouvons aussi comme peuple protéger notre culture et notre langue dans un contexte ou l’environnement anglophone qui nous entoure est des plus imposant et puissant. Une bonne loi 101 sans l’intervention régulière de la Cour Suprême du Canada pour la charcutée a la moindre occasion n’est certainement pas un geste de fermeture sur le monde mais plutôt une volonté de ne pas se faire tondre comme des moutons en faisant bêêêêêê de satisfaction et en se faisant croire que nous sommes maintenant un peuple ouvert sur les autres . Avez –vous remarqué que l’ouverture sur les » autres » ne se fait jamais par ceux qui dominent les AUTRES !
Un autre texte fabuleux M. Lussier que j’ai découvert suite à votre texte du 5 décembre. Décidément, vous êtes directement dans la mouvence de la jeunesse québécoise. Relevons nous fier nationaliste et allons à la conquête du monde puisqu’il nous tend les bras…
Je te rejoins sur toutes tes affirmations de ton autre texte. Tu as justement élaborée sur celle qui crée le plus de clivage selon mon humble opinion. Soit l’idée que la culture dominante est globale, alors que les débats de protection culturelle (comme la langue) sont locales. Le Cirque du Soleil, nos humoristes, Céline (ouch), Simple plan (ouch#2), les patins Bauer, la cabane à sucre, la motoneige, …
C’est quoi la solution? Il faut exporter notre culture pour se la vendre à soi-même!
Vouloir imposer le français au CEGEP n’a rien à voir avec l’univers fermé que vous décrivez. La loi 101 n’a jamais prétendu interdire l’accès aux médias sociaux et autres produits culturels, scientifiques, etc. en anglais. La loi 101 régit la langue du travail, la langue d’affichage et la langue de l’éducation. Point.
Pour le reste, je suis d’accord avec vous : notre culture ne peut s’épanouir que si les Québécois en décident ainsi. Pour cela, nous avons besoin d’une société prospère. Or le socialisme prôné par le PQ, ON et QS nous mènera à l’appauvrissement économique, donc culturel. Loi 101 ou pas, les Québécois vont se condamner à la louisianisation.
Entièrement d’accord. Vous résumez les raisons qui me donnent en ce moment cette boule au ventre avec ce goût désagréable d’un ramassis d’idées rétrogrades.
En ce qui concerne le français, j’avais écrit un texte il y a quelque temps publié sur le site de La Presse. Si cela vous intéresse : http://lydiecoupe.blogspot.ca/2012/07/le-francais-cest-ringard.html
Ah oui, le problème du français à Montréal. Pour être Montréalais depuis toujours, et pire que ça, pour être un Montréalais qui a vécu dans presque tous les quartiers de l’est de Mtl (Maisonneuve, Rosemont, Montréal-Nord, St-Michel, Mercier, P.A.T., St-Léonard), on va se raconter « les vraies affaires ».
Premier constat: la Loi 101 est un échec. Je suis allé dans une école secondaire francophone (Antoine de St-Exupéry à St-Léonard) où 45% des étudiants étaient des allophones. Et la une bonne partie d’entre eux ne voulaient pas allé à l’école francophone. D’ailleurs, une dizaine de finissants ont écrit dans l’album qu’ils détestent la loi 101 (en 1992, donc dans la période des chicanes Québec/Ottawa).
Le problème n’est pas la Loi 101. Le problème principal c’est les ghettos. Mettez tous les nouveaux arrivants dans le même quartier/région, et ça fait de l’isolement et une mauvaise intégration.
De sortir la « strap » comme veut faire le PQ, c’est accentuer le problème et l’isolement. C’est d’ailleurs l’une des raisons que j’aime le programme de la CAQ, l’approche est plus positive. En ayant plus de sorties culturelles dans les écoles et en réduisant pour deux ans le nombre de nouveaux arrivants le temps de mettre en place de nouveaux programmes d’intégration avec plus de ressources, ça c’est la bonne chose à faire.
Ce texte comporte sa part de phrases curieuses et de propos malhabiles…
»Cela dit (pour moi) le danger ne vient pas d’un complot des méchants Anglos ou immigrants.
Il n’y a pas de conspiration ou de master plan diabolique, juste la marche ordinaire et banale de l’humanité. »
Un peu de sérieux. Personne de crédible n’affirme de telles sottises conspirationnistes. Cessez de nous importuner avec vos hommes de paille fictif. Ce personnage caricatural, monolithique et refermé sur lui même n’est pas celui qu’incarne les défenseurs de la langue française.
Il est curieux de voir à quel point l’approche que vous décrivez comme étant la meilleure, la plus assumée, ne comporte aucune mesure directe, seulement de vagues lieux communs auquel personne ne s’oppose (ben oui, on veut tous la gagner la coupe Stanley…). Concrètement, c’est quoi pour vous »assurer sa survie parce qu’on gagne la course, et non parce qu’on interdit la compétition » ? Précisez votre pensée.
»Je ne suis pas historien ou futurologue, mais les cultures qui se préservent à coups de lois et d’obligations me font penser à ces hommes insécures qui s’assurent de la fidélité de leur femme en lui interdisant de sortir de la maison. »
Ah visiblement vous êtes fort peu renseigné. La loi Toubon en France ça ne vous dit rien ? Ou les lois Ferry ? Ah mais j’imagine que la France doit elle aussi être un pays complexé et rébarbatif à tout changement.
Cessez de dénigrer ceux qui veulent une défense vigoureuse la langue française. Oui on souhaite tous que notre culture soit assumée dans les petits gestes du quotidien, oui on veut s’exporter (dur d’être contre ça), et oui, on veut défendre sans aucune gêne notre langue, avec des lois s’il le faut.
Gérald Larose ça vous dit quelque chose ? Le livre noir du Canada anglais de Normand Lester, ça vous dit quelque chose ? L’oeuvre de Pierre Falardeau ? Non vous avez raison, personne de crédible n’a jamais invoqué des sottises conspirationnistes. En fait une bonne partie de la mouvance souverainiste de type péquiste ne seraient que des hommes de paille ?
Quand on est rendu à vouloir »franciser » les dépanneurs coréens ou les nettoyeurs salvadoriens au nom de la pérennité du français c’est qu’on se fout complètement de la loi des conséquences inattendues.
Votre définition de défense vigoureuse peut facilement correspondre à celle de loi tatillonne émanant de quelqu’un qui ne partage pas votre perspective excessivement pessimiste.
Vous exigez que M. Lussier précise sa pensée alors que c’est clair comme de l’eau de roche ce qu’il veut dire mais vous nous sortez des lois françaises obscures pour démontrer quoi au juste ?
…parce que nous aurons une société vibrante et riche, des forêts et des lacs propres et sauvages, des artistes, des scientifiques et des intellectuels rayonnants, une politique authentique, des jeunes ambitieux, une économie qui fesse dans le dash, un art de vivre —
Je suis preneur, sauf que la seule façon d’obtenir ça, dans un marché mondialisé et incorporé, c’est d’avoir la propriété de nos ressources et de promouvoir la valorisation de celle-ci, sur place. Sinon, ce que vous désirez restera du pelletage de nuage, avec perpétuation de la privatisation des profits et nationalisation des pertes et pots cassés à la clé. Bref, rien pour nous sortir du trou !
«Ne pas battre en retraite, dans ce contexte, ça veut dire se tenir debout et tirer son épingle du jeu plutôt que de se barricader chez soi, la tête dans le sable.»
Traduction: soit on adopte l’internationalisme naïf de la gauche bobo (idiote utile de la droite libérale mondialisée), soit on s’enferme chez soi.
C’est pour cela que je ne pourrai me considérer «de gauche»: cette propension à s’attribuer le monopole du bien commun et de l’intérêt collectif.