Le monde occidental traverse une grave crise financière.
L’Europe – Grèce et Italie en tête – est particulièrement dans le trouble, mais elle n’est pas seule. Depuis un an, plusieurs pays, dont les États-Unis, ont vu leur cote de crédit abaissée par des agences de notation qui doutent de plus en plus de leur capacité à rembourser leurs dettes.
Le Canada se tire assez bien d’affaire pour le moment. Mais ici aussi, et surtout au Québec, le discours politique revient souvent sur la nécessité pressante d’assainir les finances publiques pour éviter les crises qui sévissent ailleurs.
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Quand on entend parler de la dette – « notre dette » — on a parfois l’impression d’être collectivement asservis à un créancier invisible, distant et manipulateur.
Plusieurs ont le sentiment que les gouvernements du monde (le nôtre inclus) sont pris en otage, via leurs dettes, par un réseau complexe de bandits financiers qui impose ses volontés en faisant du chantage économique. Si seulement on pouvait se débarrasser de cette crisse de dette — venue d’on ne sait trop où, et due à on ne sait trop qui – il semble qu’on serait un peu plus libres.
C’est cette perception (entre autres) qui explique la tentation « d’effacer » la dette des gouvernements – l’ignorer ou l’abolir unilatéralement – un peu comme on refuserait de se prêter au chantage de pirates. Le rejet de la dette est présenté comme un acte d’émancipation collective : Non à la servitude financière! Résistons aux tyrans! À bas la dictature de l’économisme!
Le problème, c’est que l’idée d’effacer unilatéralement notre dette – séduisante en théorie — revient plus ou moins à se tirer dans le pied.
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Les gouvernements empruntent — et donc s’endettent — quand ils vendent des obligations: les obligations du Canada, les obligations du Québec, etc.
Les obligations sont des trucs simples : vous prêtez de l’argent à un gouvernement pour un certain temps (quelques mois ou quelques années), au bout duquel il s’engage à vous repayer, avec intérêts. Autrement dit : les gouvernements empruntent en vendant des promesses de remboursement, qu’on appelle des obligations.
Les gouvernements peuvent décider d’emprunter pour plusieurs raisons. Pour financer des travaux d’infrastructures ou des nouveaux programmes. Pour combler un déficit. Ou pour amasser les fonds nécessaires pour repayer leurs autres dettes quand elles arrivent à échéance. (Dans le premier cas, c’est comme emprunter pour construire une maison; dans le dernier cas, c’est comme emprunter pour payer son solde de carte de crédit…)
Cela dit, peu importe la raison, la « dette publique » (c’est-à-dire les obligations des gouvernements) a toujours été considérée parmi les investissements les plus prudents qui soient, à des années-lumières des produits financiers « exotiques » qui ont précipité la crise financière de 2008.
Pour cette raison, les obligations des gouvernements constituent en quelque sorte le « degré zéro » de l’économie. Elles forment une partie essentielle des fonds de pensions d’ici et d’ailleurs. Elles servent de « réserve » et garantissent la solidité des banques, des caisses populaires et des compagnies d’assurance dont tout le monde dépend.
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Tout ça pour en venir à ceci : quand on parle de « notre dette » – la crisse de dette qui occulte tant de débats politiques plus intéressants – on ne parle pas d’argent dû à des fraudeurs cyniques de Wall Street ou Monaco.
On parle surtout, directement et indirectement, d’argent dû aux travailleurs et aux retraités d’ici et d’ailleurs, aux compagnies d’assurances, aux banques et aux caisses populaires d’ici et d’ailleurs, et à d’autres gouvernements aux prises avec les mêmes problèmes que nous.
« Effacer » notre dette, dans ce contexte, ce serait porter un coup dur à des millions de personnes innocentes, au Québec et ailleurs, et à la solidité d’institutions dont nous dépendons tous, directement ou indirectement. Ce serait d’une irresponsabilité absolue.
Ce qu’il faut, plutôt, c’est s’assurer que la dette ne limite plus jamais nos choix politiques, quels qu’ils soient. Qu’on soit pour ou contre le gaz de schiste, le retour des Nordiques ou la souveraineté du Québec, il ne faut plus que le menu démocratique de l’avenir soit handicapé par les choix d’hier, ou ceux d’aujourd’hui.
*** Voir élaboration intéressante de Ianik Marcil: «Les crissements de la dette»
Ce qu’il faut est cesser de jouer le jeu des banquiers et financiers qui ont convaincu nos élus qu’il serait plus sain d’emprunter l’argent à des banques privées plutôt que faire comme d’habitude : emprunter l’argent à la banque centrale du pays, toujours sous contrôle du gouvernement, comme cela se pratiquait auparavant. Cela causait de la dévaluation de la monaie, mais c’était bien peu payer comparé à la crise actuelle.
Je ne sais pas en quelle année notre gouvernement a commencé à faire le jeu des banques et autres institutions financières, mais en France, c’est M. Bérégovoy, alors ministre des finances et du budget, 1984-86, qui céda le terrain à ces criminels.
Auparavant, sous de Gaule par exemple, la France se dota de sa force nucléaire et construisi le Concorde en imprimant son propre argent, sans l’aide de banques privées ou étrangères.
Il faut revenir à ces temps bénis où les pays s’autofinançaient et ne devaient rien à personne sauf à ses propres citoyens. Nos élus nous ont trahits au bénéfice de l’entreprise privée. Nous pouvons faire machine arrière.
Je ne suggère pas d’annuler la dette unilatéralement. Je suggère de cesser de faire leur jeu et de redevenir maître de notre destin, comme avant. Nous avons fait une erreur d’aiguilage. Cela se corrige. C’est une question de volonté politique et d’honnêteté de la part des élus.