Vous êtes ministre des Pêcheries. Votre mission consiste à établir les quotas de pêche à la morue.
Vous avez deux options.
La première, c’est de décréter que la limite sera de 1000 morues par année par pêcheur, pour toujours. On constate une chute radicale des stocks? Pas grave: 1000 morues par pêcheur. On détecte une surpopulation dramatique? Pas grave: 1000 morues par pêcheur. On ne trouve plus une seule morue dans tout l’Atlantique? Pas grave: 1000 morues par pêcheur (s’il en trouve).
La deuxième option, c’est d’adopter un système qui évalue la situation chaque année et qui fixe les quotas en conséquence. Les populations disparaissent? Les quotas diminuent. Les stocks explosent? On hausse la limite.
L’avantage de la première option, c’est sa prévisibilité. Tous les ans, 1000 morues. Gaston le pêcheur pourra s’acheter un bateau d’une capacité de 1000 morues/année et savoir que son embarcation fera l’affaire jusqu’à la fin de ses jours. Malheureusement, Gaston ne saura pas s’il y aura des morues pour remplir le bateau, parce que la politique ne tient pas compte de la fluctuation des stocks.
L’avantage de la deuxième option, c’est qu’elle s’appuie sur la réalité écologique et qu’elle assure la perennité de la morue. Malheureusement, comme la nature elle-même, le résultat donne une politique imprévisible.
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Vous êtes muté au ministère des Finances. Votre mission consiste maintenant à établir un régime de pensions pour le gouvernement.
Vous avez deux options.
La première, c’est de fixer aujourd’hui les pensions que le gouvernement paiera dans 30 ou 40 ans. Disons 35 000$ par année (ajusté pour l’inflation) pour Gaston, employé du ministère des Transports, qui aura 65 ans en 2052.
Et si le pays tombe en récession dramatique au cours des prochaines 40 années? Pas grave: Gaston fait 35 000$ par année. Et si la prospérité explose et que le fond de retraite est géré de manière spectaculairement profitable? Aucun changement: 35 000$ par année. L’économie mondiale périclite et des pans entiers de l’économie s’effondrent? Gaston a droit à 35 000$ par année, peu importe.
Contrairement au reste de l’humanité, l’avenir économique de Gaston est à l’abri de toute fluctuation. C’est extraordinaire; c’est même le rêve d’à peu près tout le monde. Le gouvernement le paiera 35 000$ par année à sa retraite — peu importe le rendement du fond de pension, l’état des finances publiques, la vigueur économique du pays ou les sacrifices que sa pension pourront imposer aux autres citoyens. Gaston est blindé, même si l’État, lui, risque la faillite.
La deuxième option, c’est de déterminer que Gaston contribuera un certain montant (disons 500$ par mois) à un fond de retraite, et que le gouvernement fera de même (disons). Donc, 12 fois par année, pendant 40 ans, Gaston et le gouvernement mettront ensemble 1000$ dans un fond de pension, qu’on espère géré de manière prudente et experte. (Sans ajustement, ça donne 480 000$ de contributions en 40 ans.) Au moment de sa retraite, contrairement à un montant fixé 40 ans d’avance, Gaston aura droit à une pension qui dépendra de la capacité de payer du fond de pension. Le rendement a été exceptionnel? Tant mieux: Gaston fera 45 000$ par année. Le rendement a été épouvantable? Dommage: Gaston fera 25 000$ par année.
La deuxième option est moins prévisible, et certainement moins alléchante. Mais, contrairement à la première approche, elle tient compte des fluctuations économiques incontournables — celles qui affectent tout le monde — et elle n’impose pas à l’État des obligations qui pourraient éventuellement mettre en péril ses missions premières.
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Je ne suis pas biologiste, ou actuaire, ou spécialiste en retraites.
Mais je sais que les premiers régimes de pensions sont à “prestations déterminées” et que les seconds sont à “cotisations déterminées”, que les finances publiques dépendent en partie de décisions éclairées en ces matières, et que tôt ou tard les missions fondamentales des gouvernements municipaux, provinciaux et fédéraux seront menacées par des obligations financières devenues étouffantes.
Ce que je me demande, c’est comment on a déjà pu croire, et comment certains peuvent encore soutenir, que des politiques publiques qui ne tiennent pas compte des fluctuations des écosystèmes — naturels, démographiques ou économiques — pouvaient être viables à long terme.
C’est une question sérieuse. Et je n’ai pas la réponse.
Un texte sans reproche.
La réponse à la dernière question étant que personne n’a jamais pensé une telle chose, mais plutôt qu’il valait mieux avoir un engagement de cette forme sur papier et essayer de s’assurer qu’on serait payé à la fin.
Les engagements gouvernementaux en matière de pensions sont, si je ne m’abuse, des obligations dont il ne peut se défaire à moins d’être en faillite que le fait de l’être entraîne nécessairement la destruction du crédit du gouvernement. Il suit qu’un engagement financier de cette forme sera défendu par des hausses de taxe ou des coupures dans des programmes dont l’élimination n’entraînera pas la faillite.
Par exemple, il serait préférable du point de vue de la réputation financière de l’état québecois de couper les prestations de la régie des rentes du Québec au profit de celles du fond de pension des employés de la fonction publique. Bref, une réponse complète à votre question implique de trouver la signification d’un engagement gouvernemental en « full faith and credit ».
Mais tout ce que je dis, c’est sous réserve. Me no actuaire non plus.
Dans un monde où aucune certitude n’existe, aucune garantie ne saurait être donnée à l’égard de quoi que ce soit. Une évidence.
Mais la politique étant ce qu’elle est, celle-ci ne s’embarrasse guère de réserves et le racolage électoral a trop souvent préséance sur toute encombrante rationalité. De promesses en engagements, d’un gouvernement à l’autre, nous en arrivons ainsi à des situations devenues ingérables.
Et plutôt que de s’affairer à détricoter ce qui n’aurait jamais dû être tricoté, les gouvernements qui se suivent y ajoutent plutôt de nouvelles mailles.
Comportements irresponsables et irréalistes? Indéniablement. Mais quand l’objectif est d’abord de se faire élire, puis une fois élu de jeter un coup d’oeil au gâchis dont on vient d’hériter, et que l’on constate de visu le caractère inextricable de la situation, on se rabat habituellement sur le leitmotiv commode de «Après moi le déluge».
Au prochain de se débattre avec le problème…
Neoliberal magic thinking aka externalities…
Normalement, lorsque je tient un discours semblable dans mon milieu, je passe pour un fou malade de l’extrême droite religieuse dangereuse qui est anti avortement, veut tirer du fusil partout, veut avoir une voiture qui fait 22l/100, … 🙂 vous connaissez les mythes habituels!
Les blogs de croniqueurs et économistes de droite sont pollués par des gens qui nient les faits les plus élémentaires et répondent par des attaques émotives ou base le maintient de leurs « aquis » sur des théories idéalistes ou quasi conspirationistes.
J’en viens à la conclusion que plusieurs gauchistes d’aujourd’hui sont nombrilisme et les droitistes québecois moyens sont collectivistes. Pas pire hein ?
Ce qu’on lit sur internet, c’est juste un gros show… Le but n’est pas d’avoir raison mais d’influencer. Les politiciens eux, surtout ceux en place, manquent tout simplement de courage.
Les employés de l’état, hormis leurs avantageux fonds de retraite, bénéficient de la »sécurité d’emploi ». Quel euphémisme. En fait, ces gens ont la garantie que l’état ne peut d’aucune façon les congédier ou baisser leur salaire. Qu’importe si leur poste est devenu INUTILE, IMPRODUCTIF ou si la société ne peut tout simplement plus s’offrir les services qu’ils lui prodiguent. Imaginons un instant que le Québec ait à faire face à une crise réellement majeure ; une crise qui forçerait l’état à faire des choix déchirants en matière de soins de santé ou d’éducation par exemple. Ces braves fonctionnaires n’ont tout simplement pas assez cotisé à leur propre régime de retraite ? Qu’importe ! Pas question de revoir à la baisse leurs prestations. Alors les citoyens qui n’auront pas eu la chance de naître à la bonne époque et de décrocher un tel emploi devront tenter de planifier leur propre retraite tant bien que mal, tout en payant la retraite dorée de privilégiés qui se la couleront douce sur le dos des autres. Oui ça sonne »heavy » mais c’est pourtant ça qui est en train de se passer.
Les employés de l’état bénéficient d’un avenir assuré. On leur a garanti que quoi qu’il arrive il auront un emploi et une retraite. Le monde peut s’effondrer autour de leurs ministères, eux seront à l’abri. Nous nous sommes nous même créé une classe de privilégiés. La seule différence entre eux et des rois, c’est que les rois ont leurs acquis par la naissance, et eux par l’embauche.
Nous ne pouvons pas changer les décisions irresponsables qui ont été prises hier. Nous ne pouvons pas voyager dans le temps et tenter de faire en sorte que nos dirigeants actuels soient nés avec des couilles. Nous ne pouvons pas tellement non plus blâmer les fonctionnaires individuellement pour ce manque flagrant de justice sociale.
Mais nous devons aujourd’hui même nous demander ce que nous ferons pour corriger ces injustices. Nous ne devons pas accepter que parce que des illuminés avec très peu de jugement ont pris de mauvaises décisions créant une injustice, celle-ci doit se perpétuer ÉTERNELLEMENT.
J’entends souvent des gens parler avec indignation des supposés paradis fiscaux, de millionnaires qui nous feraient collectivement perdre des millions en impôts. Qu’en est-il des MILLIARDS que nous devront débourser pour respecter des promesses qui ont été faites en l’air il y a une génération ?
Le modèle québécois fonce directement vers un énorme mur de béton, ce mur a été érigé par des promesses devenue impossible à respecter.
La plupart des Québécois n’ont aucun régime de retraite ( à part les RRQ) et une minorité des autres n’ont même pas de REER. La ville de Montréal vient d’augmenter les taxes foncières, en grande partie dû au déficit de son fonds de retraite, régime de retraite dont la vaste majorité des contribuables n’ont pas. Éventuellement les contribuables vont refuser de financer cette inégalité.
nb : recevoir une rente pendant plus d’années qu’on a travaillé n’est mathématiquement possible qu’en créant un énorme déficit actuariel. Beaucoup d’employés de l’état ( municipal, provincial et fédéral) vont à la retraite dans la cinquantaine avec une espérance de vie qui se prolonge …pas besoin d’être actuaire pour comprendre l’impossibilité de financer de tels privilèges.
Tout comme les dinosaures, les syndicats ne comprendront rien tant que le météorite ne frappera pas.
Bande de passe-partout mort de jalousie
Ce serait bien intéressant de savoir:
1- l’âge des jeunes gens qui font les commentaires ci-dessus?
2-si ces mêmes gens participent à l’action politique quel que soit le parti évidemment?
3- s’ils savent qu’à titre de fonctionnaire je gagnais entre 10 et 30% de moins que celui qui faisait le même travail équivalent dans le privé ( l’écart 10-30 était fonction de la grandeur de l’entreprise privée) et qu’on me rappelait à chaque négociation que c’était pour compenser ma permanence (qui dans les faits doit-être très nuancée par ailleurs…)
En espérant cette contribution utile. RM
Je vous donne un exemple d’un employé de l’état qui se prépare à partir à la retraite. Son régime de « prestations déterminées » lui garantit une pension qui représente la moyenne de ses 5 dernières années de salaire. Admettons que cette prestation annuelle soit de 60,000$. Donc, si le retraité vit en moyenne pendant encore 20 ans après sa retraite, on obtient la jolie somme de 1.2M$ (je ne tiens pas compte de l’indexation qui fera assurément gonfler ce joli magot).
Si cet employé de l’état qui travaille durant 30 ans devait accumuler cet argent par lui-même, comme la majorité des citoyens, il aurait besoin de mettre de côté 40,000$ par année (oublions les rendements sur l’investissement).
Qui peut se permettre de mettre 40,000$ d’argent de côté en RÉER à chaque année après l’hypothèque, la voiture, les enfants…? La réponse: les privilégiés de notre société voilà.
C’est de loin la plus grande injustice que la société québécoise aura créée. Mais heureusement, la CSN, la FTQ, la CSQ et toutes ces merveilleuses organisations syndicales veillent au grain pour le bien de toute la communauté québécoise…NOT.
C’est très drôle de lire ce texte, parce que je suis un grand amateur de pêche…mais pas commerciale, sportive.
C’est un peu démagogue de vouloir comparer la pêche et les régimes de retraite. Les poissons ont un comportement bien différent des rendements boursiers. Je m’explique.
Un poisson peut avoir un nombre maximal de bébés poissons en un an. Le cycle de reproduction des poissons est également en théorie stable, c’est à dire qu’en moyenne…un même nombre de poisson devrait faire le même nombre de bébés d’année en année.
Les rendements boursiers eux sont imprévisibles et pas réellement limité. Si une année la bourse chute de 10%, elle peut faire une hausse de 17% l’année suivante. Pour rendement positif total de 5,3%. Je m’explique mal comment une colonie de poisson pourrait reproduire la même chose.
De plus la réalité du pêcheur est soumise à la loi de l’offre et de la demande. Si on contrôle ses quotas afin de maintenir une population adéquate de morue, il est possible que ses revenus soient tout de même stable. Une baisse du quota implique une hausse de la rareté du produit, qui fait augmenter la valeur du poisson sur le marché. Il est donc possible d’assurer ainsi la survie de la morue, sans possiblement affecter les revenus du pêcheur. Relire : SANS POSSIBLEMENT AFFECTER LES REVENUS DU PÊCHEUR.
Il est également raisonnable de croire que le pêcheur, même dans les années où tout va très bien pour lui, que les pêches sont bonnes et les revenus beaucoup plus grand que prévu, continuera de pêcher. Il continuera d’investir son temps afin de ramener plus de poisson…en se disant…on ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve. Les compagnies offrant un régime PD à leurs employés n’ont pas pensées comme ça. Les années ou les rendements exceptionnels étaient au rendez-vous, les compagnies ou les villes ont pris des congés de cotisations. Elles ont donc cessé d’investir de l’argent dans le régime de retraite (c’est comme si le pêcheur avait décidé de prendre congé une année et de ne pas travailler, parce que les 3 dernières saisons avaient été bonnes).
Moment de spéculation : Les gestionnaires et hauts dirigeants se sont probablement déclarés de gros bonus ses années là pour avoir généré des surplus et des coupures dans les dépenses. Fin du moment de spéculation.
En résumé : Quand ça va bien…on s’gâte…quand ça va mal…on veut pas payer…C’est deux poids, deux mesures…Des analyses tendent à prouver que les déficits actuels seraient très faible si les congés de cotisations n’avaient jamais eu lieu.
P.S. : Je sais que les stocks de poissons sont aléatoires et peu compris des scientifiques…mais l’idée ici est de faire ressortir plusieurs trucs qui ont été oublié par l’auteur initial.
M. Éric Duhaime nous réfère à votre billet ce matin dans le Journal de Montréal. Votre raisonnement omet une seule chose M. Lussier. Les rendements boursiers fluctuent dans le temps et votre analyse, de même que celle de M. Duhaime n’en tient pas compte. Je vous pardonne facilement, je ne crois pas que vous passez vos journées à analyser les rendements boursiers. Je pardonne moins facilement à M. Duhaime qui tient le même discours puisque lui, c’est un économiste et qu’il devrait savoir que sur le long terme (pas 3 ans, ni 5, mais sur 20 ans, 30 ans) les rendements boursiers ont toujours été au rendez-vous. Affirmer comme il le fait ce matin qu’un rendement de 4,5% prévu par les actuaires du régime de pension de la sécurité de la vieillesse est utopique, ce n’est pas sérieux. Oui nous traversons une période difficile en bourse depuis 2008, mais ce n’est pas l’apocalypse et nos régimes de pension publics ou privés ne devraient pas être abolis.
Ce qu’il faut faire à mon avis c’est engranger les surplus les bonnes années pour compenser les mauvaises, plutôt que prendre des congés de cotisation ou bonifier les régimes. Ensuite, il faut s’assurer que dans les cas d’insolvabilité des régimes, les deux parties, employeur et employés soient obligés de recapitaliser le régime, soit en haussant leur cotisation, soit en modifiant les bénéfices du régimes. Plusieurs avenues sont possible avant de jeter le bébé avec l’eau du bain.
Quant à l’équité intergénérationnelle, faudrait aussi mettre dans la balance, le poids sur les finances publiques de la politique nataliste du Québec: congés parentaux, garderies à 7$, etc. Dans une société, comme en matière d’assurances, la masse paie pour le petit nombre qui reçoit. C’est une façon de répartir les coûts exhorbitants d’une mesure sociale (ou d’un sinistre pour les assurances) sur l’ensemble des participants-payeurs.
Brailler sur les bénéfices des autres, comme les pensions ou les garderies à 7$, c’est comme se plaindre de devoir payer des assurances alors qu’on a pas eu de sinistre. La seule chose utile de questionner, c’est comment financer adéquatement ces programmes ou ses primes d’assurances.