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Désolé, boussole : QS est progressiste et le PQ conservateur

 

Comme à l’occasion de la dernière élection fédérale, des politologues québécois et canadiens ont développé une boussole électorale, censée orienter les électeurs par rapport à leurs valeurs et leurs choix politiques. Depuis le 1er août, la boussole pose une trentaine de questions et demande aux participants d’attribuer une importance à divers enjeux, avant de les positionner sur les axes socioéconomique et identitaire. (Les pôles de ces axes ne semblent définis nulle part.)

Je m’étais livré au même exercice il y a trois semaines, en positionnant les quatre principaux partis sur deux axes très semblables à ceux proposés par la boussole électorale. J’en arrivais d’ailleurs essentiellement au même résultat, à une différence près: au plan identitaire, je plaçais Québec solidaire dans le camp progressiste et le PQ dans le camp conservateur. La boussole électorale, elle, ne fait pratiquement aucune distinction entre les programmes identitaires de QS et du PQ.

Avec égard, je crois que c’est une erreur. En réalité, les positions identitaires du PQ et de QS sont très différentes, comme on a pu le constater à de multiples reprises au cours des dernières années:

  • Loi 101 au cégep : Québec solidaire (comme le PLQ) s’est prononcé contre l’application de la loi 101 au cégep, alors que le PQ est massivement pour;
  • Viande halal : Le PQ sort les bonnes vieilles « valeurs québécoises  » et déchire sa chemise (comme l’avait fait le Front national en France, trois semaines plus tôt), tandis qu’Amir Khadir n’y voit pas de problème et que des militants de QS considèrent que le PQ « fait honte à la famille souverainiste « ;
  • Crucifix à l’Assemblée nationale : Le PQ veut le maintenir comme « partie du patrimoine historique du Québec » alors que QS l’enverrait plutôt « au musée » ;
  • Port du voile : Le PQ veut interdire le port du voile intégral dans toutes les écoles, tandis que Québec solidaire — contrairement au PQ et à l’ADQ — se montre tolérant et « appuie sans réserve » la décision du gouvernement Libéral;
  • Immigration : Le PQ propose de réduire l’immigration pour « assurer l’intégration de façon vérifiable ». À l’opposé, le programme de QS insiste constamment sur la diversité et élargirait les critères d’immigration pour favoriser l’accueil de plus de réfugiés, au nom d’une « responsabilité morale et politique » issue notamment des principes avancés par l’ONU;
  • Citoyenneté québécoise : Sur le répugnant (et heureusement défunt) projet péquiste d’instaurer une « citoyenneté québécoise », Françoise David se disait « choquée » et déclarait — encore une fois en écho au PLQ — que le projet était « la caricature d’un nationalisme fermé et frileux  » et que le PQ « chassait sur les terres de Mario Dumont ».

À la lumière de ces nombreux exemples, on s’explique mal comment la boussole électorale classe le PQ et QS dans le même camp identitaire — à moins de s’en tenir uniquement (et très étroitement) à leur position partagée sur la souveraineté du Québec.

Or la question identitaire et celle de la souveraineté sont bien distinctes.

Dans plusieurs états souverains, où l’enjeu de la souveraineté est par définition inexistant, les débats identitaires font rage: en France, en Angleterre, au Danemark et même aux États-Unis. Partout, les forces nationalistes conservatrices — le Front national, le British National Party, le Tea Party — s’opposent aux forces progressistes. L’agenda des premiers est à peu près partout le même: limiter et resserrer l’immigration, résister aux accommodements, imposer le monoculturalisme au nom d’une certaine « identité nationale », etc. Les progressistes sont, pour leur part, ouverts à l’immigration et aux évolutions socioculturelles qui l’accompagnent, ils tolèrent et favorisent la diversité et ont une vision fluide et pluraliste de la citoyenneté moderne, beaucoup moins ancrée dans la préservation frénétique d’un héritage historique.

Autrement dit, deux partis peuvent partager une même conviction souverainiste mais avoir des visions très différentes de la société indépendante dont ils rêvent.

Tous demeurent évidemment libres de positionner le PQ et QS comme ils le veulent sur l’échiquier politique. En ce qui me concerne, toutefois, je persiste et je signe : au plan identitaire, Québec solidaire est progressiste, et le PQ conservateur.