Les premiers sondages importants de la campagne électorale sont sortis ce matin. Les chiffres se ressemblent assez, sauf pour une divergence significative dans le cas de la CAQ:
- CROP-La Presse: PQ 32%, PLQ 29%, CAQ 21%, QS 8%, PVQ 3%, ON 2%
- Léger-Le Devoir: PQ 32%, PLQ 31%, CAQ 27%, QS 6%, PVQ 2%, ON 2%
Pour les fins de l’exercice qui suit, faisons la moyenne des deux sondages:
- PQ 32%, PLQ 30%, CAQ 24%, QS 7%, PVQ 2,5%, ON 2%
Les sondeurs et les analystes passent beaucoup de temps à distinguer le « vote francophone » de ces chiffres, parce que c’est principalement lui qui détermine le résultat de l’élection. Je n’en doute pas. Il est par ailleurs parfaitement normal, légitime et avisé de s’intéresser à cette variable cruciale pour le portrait politique du Québec.
Cela dit, nonobstant sa pertinence évidente, je n’ai jamais aimé cette distinction qui rappelle trop le « vote ethnique ». Au risque de passer pour un pauvre et pathétique citoyen du monde, je préfère les grilles d’analyse moins identitaires. Voici donc quelques autres manipulations statistiques tirées de ces sondages, juste pour le fun.
Répartition des sièges: Selon le simulateur de Too Close to Call, avec la moyenne des sondages ci-dessus, le PQ obtiendrait 63 sièges, le PLQ 45, la CAQ 16 et QS un seul. Le PQ aurait donc une (très courte) majorité d’un siège, avec 32% du vote.
Répartition des sièges dans un hypothétique système proportionnel: En imaginant un système proportionnel parfait, on obtiendrait la répartition des sièges suivante: PQ 41, PLQ 39, CAQ 31, QS 9, PVQ 3 et ON 2. (Note: puisque les pourcentages additionnés donnent 97,5%, j’ai rajouté un siège aux trois premiers partis pour arriver à 125.) Tous les partis seraient loin de la majorité; l’alliance la plus probable serait sans doute PLQ-CAQ, qui leur donnerait 70 sièges.
On note que la distortion engendrée par notre détestable mode de scrutin favorise surtout le PQ (bonus de 22 sièges) et qu’il nuit surtout à la CAQ (pénalité de 15 sièges). En pourcentage de sièges, c’est QS qui aurait le plus à gagner d’un mode de scrutin proportionnel: 800% d’augmentation de sa députation dans un système proportionnel. (Le PVQ et ON passeraient respectivement de 0 à 3, et de 0 à 2 députés, ce qui n’est pas négligeable). Dans le cas de la CAQ, un système proportionnel mènerait à 94% plus de sièges à l’Assemblée nationale. Le PQ en perdrait 35%, et le PLQ 13%.
Conclusion: des trois principaux partis, c’est le PQ qui (de loin) profite le plus du mode de scrutin actuel, et la CAQ qui en souffre le plus. Question: la CAQ aurait-elle dû inclure la réforme du système électoral dans son programme?
Vote de gauche et vote de droite: Si l’on se fie à l’axe politique gauche/droite, les partis de centre-gauche/gauche (PQ + QS+ PVQ + ON) récoltent 43,5% des voix, contre 54% pour les partis de centre/centre-droit (PLQ + CAQ). Semblerait que « les Québécois » ne s’entendent pas tout-à-fait sur « les valeurs québécoises ».
Vote progressiste et vote conservateur: Pour ce qui est de l’axe identitaire, livrons-nous à quelques pirouettes douteuses (mais on jase là, alors c’est pas grave).
Le PLQ, QS et le PVQ sont progressistes. Le PQ est conservateur. Quant à la CAQ et ON, ils sont quelque part au milieu: divisons donc leurs votes dans les deux camps. Pour le camp progressiste (PLQ + 1/2 CAQ + QS + PVQ + 1/2 ON) on obtient donc 52,5% des voix. Du côté conservateur (PQ + 1/2 CAQ + 1/2 ON), on obtient 45% d’appuis.
Si on combine les calculs fondés sur les axes gauche/droite et identitaire, on obtient une courte majorité d’électeurs de centre/centre-droit progressistes, qui rappelle vaguement le programme libéral. (Note aux grimpeurs de rideaux: la valeur statistique de ces manipulations est essentiellement nulle.)
Vote anti-PLQ et vote anti-PQ: Il y a au Québec deux importants bastions de haine politique viscérale: les détesteurs du PLQ, et les détesteurs du PQ. L’allégeance politique de ces électeurs dépend souvent de qui peut le plus efficacement bloquer l’adversaire, plutôt que de la recherche d’un idéal politique précis. Les tout-sauf-le-PLQ pourront donc voter PQ ou CAQ, et les tout-sauf-le-PQ pourront voter PLQ ou CAQ. (Je n’inclus pas les autres partis dans cette discussion parce que, sauf de rares exceptions, dans certaines circonscriptions, ils ne représentent pas vraiment de menace pour les grands partis et que leurs électeurs votent surtout par conviction.)
Dans ce jeu qui déchire les anti-PQ et les anti-PLQ, c’est la CAQ qui joue les vases communicants. Si les anti-PQ sentent que c’est la CAQ qui menace le parti maudit, ils se rueront vers elle. Même chose pour les anti-PLQ. Pour le moment, c’est 54% de voix pour les anti-PQ (PLQ + CAQ) et 56% pour les anti-PLQ (PQ + CAQ). Je ne sais pas exactement ce que veulent dire ces chiffres (probablement rien).
La CAQ comme deuxième choix: Le statut de la CAQ comme vase communicant est très clair. Selon Léger, 49% des libéraux voteraient pour la CAQ comme deuxième choix (contre 6% pour le PQ et 1% pour QS) et 28% des péquistes feraient de même (22% voteraient pour QS et 1% pour le PLQ). Le sondage CROP s’est aussi intéressé à cette question, en interrogeant les électeurs qui n’ont pas d’intention de vote ferme: 46% des péquistes mous et 41% des libéraux mous considèrent la CAQ comme deuxième choix, loin devant les autres partis.
Quelques chiffres concernant les jeunes: Selon Léger, j’ai été surpris de voir que QS fait beaucoup mieux (13%) chez les 25-34 ans que chez les 18-24 ans (8%). Même ON semble plus populaire que QS chez les 18-24 ans (il faut dire que les appuis à ON sont très fortement concentrés dans cette tranche d’âge). Chez les 18-34 ans, le PQ (surtout) et la CAQ arrivent confortablement devant le PLQ. Les appuis à la CAQ et au PQ sont par ailleurs les plus homogènes à travers les couches d’âge, alors que le PLQ trouve (sans surprise) plus d’appuis chez les électeurs plus âgés.
En voilà assez pour ce vendredi pluvieux. Rendez-vous au prochain sondage.
Un autre petit calcul, pour le plaisir:
PQ + ON + QS = 41%, ce qui est pas très loin du sommet historique du PQ (44.75, en 1994). Si on ajoute le fait (difficilement chiffrable) que des souverainistes de droite (Facal, Martineau, Brock-Coté et autre) ne voteront pas pour ces trois parti (mais probablement pour la CAQ), on se doit d’admettre que l’idée de la souveraineté refuse de disparaître, bien qu’elle ne réussissent toujours pas à s’imposer.
Vous mettez le PLQ bien à droite, bien que l’état n’ai jamais été aussi gros, les taxes et frais si hauts et la dette si lourde. Le PLQ est de droite seulement par rapport au PQ, il est de gauche dans l’absolue.
Enfin, je vous rappelle que vous ne m’avez toujours pas convaincu qu’au niveau identitaire, le PLQ a plus d’affinité avec QS qu’avec la CAQ, et que le PQ est à l’opposé de ce curieux duo PLQ-QS. Je ne suis pas le seul non-convaincu, d’ailleur.
Oh pardon, le score historique du PQ est de 49,26%, en 1981, dans une lutte a 2. Après la défaite électorale de 80. Ils avaient le sens de l’humour les ancêtres…
Le PLQ est à droite dans l’absolu ? Révisez immédiatement votre concept de droite et de gauche, qui n’ont que partiellement à voir avec la grosseur de l’État. Le PLQ est à droite parce qu’il gouverne pour et par les grandes entreprises, le PQ est à droite parce qu’il gouverne pour et par les moyennes entreprises et la CAQ est à droite parce qu’elle gouverne pour 2 ou 3 méga entreprises
@David T
Mais de quoi parlez-vous? Tous les parti majeurs au Québec serait de droite? Ce qui a fait de nous la juridiction la plus à gauche en Amérique du Nord?
Le PQ est plus à gauche que le PLQ, il n’y a pas de doute. Ils sont tous deux très près du centre. Le PLQ reste à gauche par rapport à l’Amérique du Nord, et au monde en générale.
Fort judicieux!
Sauf que….notre indécision! Impossible à prévoir où le vent poussera les indécis( et les girouettes)le jour du vote…
Mon pressentiment( un pressentiment, on gagne pas la 6/49 avec ça ,je l’avoue!) c’est que le vent de notre indécision va souffler très fort le 4 septembre.,et pas nécessairement dans le sens de l’avenir.
Autre donnée insaisissable…autre pressentiment…l’absentéisme.
J’ai des craintes; qu’arriverait-il pour la « suite des choses » si le vote total descendait encore plus bas en terme de % que celui de 2008…et même, en bas de 50%…
Inimaginable???
Serions-nous, en bout de ligne, le peuple inimaginable par excellence?
Conclusion : le mode de scrutin actuel n’est pas si mal, il permet de transformer des 32% de voix en 51% de sièges, on gain de presque 20%. Ça joue dans l’autre sens quand ça va mal vous allez me dire? C’est vrai, mais entre avoir 20 et 40 sièges, ça ne change pas grand chose. Pour gouverner, ça prend la majorité.
Pour gouverner ça prends juste assez de députés pour voter pour. La proportionnelle mixte compensatoire avec la fin de la ligne de parti, ça presse http://paysdeprojets.org/?page_id=15
« Pour gouverner ça prends juste assez de députés pour voter pour. La proportionnelle mixte compensatoire avec la fin de la ligne de parti, ça presse »
OK, mais avec une proportionnelle, si tu te ramasses avec une majorité PLQ-CAQ, tu n’iras pas bien loin. Au moins, comme c’est là, le PQ gagne une majorité même à 32%.
La ligne de partie est là pour se donner plus de pouvoir. Ça garantie que si ton idée est approuvée, qu’elle sera appuyée par tous les députés de ton parti. Si non, tu peux toujours siéger comme indépendant, il n’y a pas de ligne de parti là.
Pardon !?!? La caq et le plq à droite !?? Au centre-gauche et au centre peut-être, mais pas à droite voyons !
Sérieusement la CAQ et le PLQ sont à droite. Peut-être pas assez à droite pour vous mais oui ils le sont. Parce qu’ils implémentent des politiques néo-libérales, parce qu’ils sont au diapason du monde des affaires et qu’ils sont prêts à brader nos ressources à leurs petits amis les grands entrepreneurs et la haute finance
Avec la nouvelle carte électorale… il y a maintenant 128 circonscriptions…
Pour vos prochains exercices… pourriez-vous tenir compte de cette nouvelle donne ? Il faudra au futur gouvernement un minimum de 65 députés pour être majoritaire…
Merci et aux plaisirs !
M. Sylvain Marcoux,
La campagne électorale est jeune et c’est pour cette raison que je voudrais amener un correctif à votre présédent commentaire.
On ajoute 3 nouvelles circonscriptions mais par contre on enlève 3 anciennes circonscriptions, pour demeurer à 125 circonscriptions.
« .Rappelons que la nouvelle carte électorale prévoit notamment la création de trois nouvelles circonscriptions dans les régions en forte croissance de Laval, de Laurentides-Lanaudière et de la Montérégie alors qu’un retrait de trois circonscriptions dans les régions de Chaudière-Appalaches, du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie s’impose. La nouvelle délimitation entrera en vigueur au moment de la dissolution de l’Assemblée nationale pour la tenue des prochaines élections générales.»
En toute amitié
Trop de chiffres, trop de pourcentages, trop de peut-être ci ou de peut-être ça ici…
Vous êtes de loin plus pertinent, Monsieur Lussier, lorsque vous ne vous attardez pas autant aux chiffres incertains…
Une opinion, sans plus…
Mr Perrier,
Pour une fois, je suis en désaccord…la pertinence de ces résultats et de l’interprétation est immédiate!!
Très intéressant!!
Mais ça, c’est mon opinion…
Bonne fin de soirée!
Au Québec, dans l’éventail des tendances politiques, on y trouve ; la gauche, le centre gauche, le centre et le centre droit, il n’y a rien, de droite, comme tendance politique au Québec.
En considérant que les trois principaux partis politiques au Québec, balancent du centre gauche au centre droit sur des sujets précis.
Monsieur Lussier préfère jouer avec les sondages plutôt que de parler du résultat final qui donne le PQ en avance dans les intentions de votes !
Si jamais la CAQ ou le PLQ domine , l’ analyse de notre hôte ne sera pas aussi mêlant et aussi mêlée !
Au contraire, c’est une bonne chose de dire que le PQ est en avance, ça va créer un effet d’entraînement et peut-être une vague péquiste, ce qui est bon pour le Peuple du Québec. PLQ et CAQ, ce n’est pas bon pour le Québec. ON serait bon, mais à 2% … et QS, je n’aime pas certaines politiques trop interventionnistes. Ce n’est pas à l’État d’imposer une parité hommes-femmes sur les C.A. des entreprises pas plus que d’imposer un plafind salarial. Nous sommes dans une économie de marché. Ceci dit, rien n’empêche l’État d’être un joueur dans cette économie de marché ou de nationaliser certains secteurs.
PS: Après 150 ans d’appui sans faille du vote anglophone se situant entre 80% et 99,9% en faveur du PLQ et du NON à la souveraineté du Québec, ce vote ne peut se qualifier qu’ethnique, pire, il est de nature néo-rhodésienne. À bon entendeur, salut !