BloguesLes vers de tête

Falala la la

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Mais d’où vient cet air…

Cette année plus que jamais, on a besoin d’user d’imagination pour se sentir dans l’esprit des fêtes. Il semble que l’on ait tous beaucoup plus de travail à pelleter en avant que de neige, preuve étant que
j’ai encore croisé quelqu’un en bermudas cette semaine. Or ma collègue des Archéologues du Rock, Hélène Laurin, et moi même, avons eu envie de déterrer les origines de la musique de Noël afin de comprendre mieux en quoi elle s’avère un outil indispensable de décrochage ainsi qu’une source intarissable de réconfort fromageux.

Entre le bœuf et l’âne gris

À une certaine époque, le caractère hospitalier de la période de Noël signifiait essentiellement consentir à des bandes de saoulons qui passaient de porte en porte pour quêter à boire et à manger, en échange de la promesse de ne pas vandaliser la propriété de leurs hôtes obligés. C’est ce que l’histoire nous propose pour retracer l’origine de ces quatuors itinérants qui offrent des chansons aux portes dans tout bon film de Noël.

Pendant plusieurs centaines d’années, il n’était pas plus intéressant pour les croyants de fêter la nativité qu’il ne l’est pour moi de célébrer mon premier cheveux blanc. Or Noël était une fête païenne, un carnaval de plusieurs jours, une succession de beuveries et d’orgies de bouffe organisées autour du solstice d’hiver. On y chantait des Carols, ou chants de joie, accompagnés de danses, qui n’avaient rien à voir avec la nativité.
Puis les premiers chrétiens sont débarqués et ont revendiqué le 25 décembre de façon un peu arbitraire, et ont progressivement remplacé les chants païens par des chants de Noël, mais bien peu ont survécu puisqu’ils étaient essentiellement écrits en latin et que peu de gens les comprenaient.

C’est du treizième siècle, et par l’initiative de St-François d’Assise, que les premiers cantiques compréhensibles nous parviennent et que l’habitude d’unir nos voix pour chanter tous ensemble dans l’allégresse se crée.

Quant à l’esprit du Noël d’aujourd’hui, avec ses sapins, ses flocons, chandelles et autres dorures, on le doit essentiellement à Charles Dickens et à la parution de son livre A Christmas Carol, en 1843, ainsi qu’au Prince Albert et à la reine Victoria, qui ont introduit des importations allemandes telles que le sapin à la tradition.

Au royaume du centre d’achats

Difficile d’y échapper. La musique de Noël est partout, et commence à être diffusée très tôt dans la saison. D’ailleurs à ce propos, je trouve personnellement bien peu raisonnable qu’elle nous soit imposée avant le premier décembre. Il est assez clair qu’elle occupe un rôle important dans les stratégies de marketing développées pour stimuler la consommation en ce temps de l’année. On est rendus un peu loin du simple chant de joie.

Quoi qu’il en soit, la production d’un album de Noël semble un choix fort tentant pour une grande majorité d’artistes, et il est intéressant de se demander pour quelles raisons, au delà de l’envie d’entendre claironner sa voix à répétition dans un centre d’achats dès novembre.

Hélène et moi avons d’abord cru qu’il s’agissait d’un choix économique. Mais après quelques recherches il appert qu’assez peu des chansons les plus classiques sont libres de droits. Aussi, quand on pense aux arrangements en grande pompe avec chorales et orchestres symphoniques, difficile de croire que tout ce beau monde offre du travail bénévole, esprit de Noël ou pas.

Il y a sans doute un peu du fait que ces albums sont, en général, indémodables et ont donc une durée de vie prolongée en comparaison avec un album de compositions standard, qui ne rencontrera du succès (ou pas) au box office qu’à sa sortie. Prenons pour exemple la chanson White Christmas interprétée par Bing Crosby, qui fut longtemps la chanson la plus vendue de l’histoire, rien de moins.

Aussi, je soupçonne que le capital de sympathie obtenu à la sortie d’un album de Noël est peut-être une stratégie intéressante quant la carrière d’un artiste bat de l’aile. N’est-ce pas que Britney Spears a l’air plus gentille quand elle chante My only wish this year?

Recette traditionnelle

Pour bien réussir une recette, il s’agit d’y mettre les bons ingrédients. Pour moi la musique des fêtes doit donner l’impression d’être enfin au chaud après une journée à jouer dehors, me donner l’envie d’être entourée de gens que j’aime et d’avoir le cœur gorgé d’un gros sentiment mou difficile à déterminer, à cheval entre la sécurité, la nostalgie et l’abondance. Elle doit me faire fredonner entre deux gorgées de vin rouge, me faire oublier que je me ruine à coup d’épiceries vites consommées et de cadeaux vites oubliés.

Visiblement, certaines sonorités récurrentes parviennent très bien à faire tout ça. Ou, peut-être, est-ce le vin.
Mais comment résister à de beaux arrangements de violons, accompagnés de grelots, qui rappellent la glisse des patins d’une carriole sur une neige fraîche, à de beaux accords de piano jazz, chaleureux comme une couverture que l’on dépose sur ses épaules, ou encore à une caisse claire à peine balayée, qui évoque le son du vent qui soulève la neige?
Je sais, je suis trop émotive et j’ai un penchant pour le kitsch. Mais c’est très assumé. Retenons ici que pour ma part, parmi le vaste éventail proposé, les arrangements jazz restent les plus digestes. Je dois d’ailleurs certains de mes albums de Noël favoris à l’invention du microphone, qui a permis l’avènement de toute une génération de Crooners du fait qu’avant cette révolution technologique, on ne pouvait pas murmurer à une foule.

Sommes toutes, la tradition de la musique de Noël est peut-être une construction nostalgique, mais elle nous fait nous sentir bien.

Quelques suggestions

Pour un réveillon réussi, voici quelques valeurs sures

The Very Best of Christmas Jazz
Compilation
The verve, 2001

A Charlie Brown Christmas
Vince Guaraldi Trio
Fantasy Records, 1988

White Christmas
Bing Crosby
Decca, 1954

The Christmas Song
Nat king Cole
Capitol Records, 1967

Baby it’s Cold Outside
Holly Cole Trio
Alert Records, 2001

Autres genres…

Joyeux Noël
Ginette Reno
Grand Prix, 1970

Noel c’est l’amour
Boum Ding Band
Audiogramme, 1997

Barenaked For the Holydays
Barenaked ladies
Desperation, 2004

Et un incontournable pour ma génération

Le Noël de Cannelle et Pruneau
Passe-Partout
+/- 1985

En prime, un lien vers une liste de lecture toute prête.

De fort joyeuses fêtes à vous.