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FIMAV 2014, Jour 3 : Haino/Ambarchi/O’Malley, Fred Frith & Evan Parker, Vandermark, et plus.

Astma-3

Après une journée plus rock pour le FIMAV, la troisième journée s’est amorcée avec un concert du duo François Carrier/Michel Lambert. Ce duo qui a tourné un peu partout dans le monde en était à sa première visite à Victoriaville. Carrier et Lambert sont en quelque sorte une contradiction sur deux pattes. Ils jouent ensemble depuis des années et ont une chimie hors-pair mais l’on voudrait que Lambert prenne plus de place. Carrier est un technicien de haut niveau avec un son bien particulier mais on aimerait qu’il varie un peu son approche. Le duo présente surtout des idées qui durent à peine quelques minutes sans jamais trop s’étirer mais le concert en tant que tel dure beaucoup trop longtemps. La musique est assez difficile d’approche mais on est constamment surpris du stage banter digne d’un chansonnier du St-Hub. Bref, ce fut un concert en dents de scie.

Venu directement de Russie pour présenter un seul concert en sol nord-américain, le duo composé d’Olga Nosova à la batterie et aux électroniques et de Alexey Borisov à la guitare, à la voix et aux électroniques a été une de mes plus belles surprises du festival des dernières années. Débutant le set avec une exploration bruitiste à l’aide de toutes sortes de bébelles qui semblaient faites à la maison. Astma ont bien établi leur approche frondeuse dès le départ. À ma grande surprise, ce n’était que l’apéro pour ce qui allait être une superbe performance noise rock avec Nosova se transformant en espèce de Zach Hill du punk (avec un micro contact dans la bouche!) tandis que Borisov s’est lancé avec sa guitare dans le territoire bruyant de Arto Lindsay ou des Ex. Revenant occasionnellement à des explorations plus électroniques avant de retourner à leur punk rock décapant, Astma ont offert une performance époustouflante et rafraichissante.

Fred Frith et Evan Parker étaient des choix naturels pour les programmateurs du FIMAV. Ces deux mastodontes anglais ont participé régulièrement au festival tout au cours de son histoire et représente bien le ‘son’ FIMAV. Si Evan Parker continue de surprendre et d’évoluer avec son approche unique au saxophone, on peut regretter que Fred Frith semble se reposer sur ses lauriers depuis quelques années. Heureusement pour les festivaliers, c’est un Fred Frith motivé et assis sur le bout de sa chaise qui s’est présenté au Pavillon Arthabaska, prêt à répondre aux belles envolées de Parker mais surtout prêt à soumettre de superbes propositions. Frith a prouvé à nouveau qu’il est l’un des rois de la guitare préparée et s’est affairé à présenter toutes sortes textures que l’on n’aurait pu imaginer venir d’une guitare, à l’aide de ses chaînes, pinceaux, pots, eBow, etc… Parker s’est bien démarqué aussi, travaillant à un volume moins élevé qu’à l’habitude mais avec un jeu tout en finesse et rempli de petits détails fascinants. Le saxophoniste a gardé un flot constant de notes, jouant avec diverses techniques de jeu étendues fascinantes. Ce fut une belle conversation entre les deux musiciens, qui joueront tout deux plus tard dans le festival.

Ken Vandermark est un autre habitué du festival qui était de retour cette année. Présentant le tentet Audio One, composé de musiciens de Chicago, le saxophoniste américain s’était assuré d’assembler un groupe qui saurait présenter des solos tonitruants qui ont fait sa marque de commerce. Malheureusement, ce fut probablement le seul aspect louable du concert. Chaque composition du concert a démarré avec un thème joué à l’unison par l’ensemble, suivi de quelques solos, d’un retour au thème, d’un énième solo joué dans le tapis, suivi d’un retour au thème. Le hic, c’est que aucun des musiciens ne semble très investi dans la musique. L’exercice ressemble davantage à une pratique d’orchestre d’école secondaire, chaque musicien les yeux fixés sur sa partition, attendant d’avoir son petit moment et espérant faire une belle impression pour le prof. Les grands ensembles n’ont pas besoin d’être aussi prévisibles, l’Electric Masada de John Zorn ou le Globe Unity Orchestra de Alexander von Schlippenbach en étant la preuve, pour n’en nommer que deux. Des transitions plus organiques, des variations dans le tempo, des thèmes différents l’un de l’autre, etc… Tout cela aurait pu améliorer la proposition. Vandermark a été aussi surprenant que le dénouement de l’intrigue d’un Mary Higgins Clark.

Ce fut la deuxième rencontre sur scène à Victoriaville entre les trois poids lourds du rock expérimental, Keiji Haino, Oren Ambarchi et Stephen O’Malley, la première fois remontant au concert québécois de SUNN 0))) de 2006. Depuis 2011, les trois musiciens ont sévit sur scène en trio sous le nom Nazoranai. Le trio marque en quelque sorte le retour aux sources de Haino, qui s’est surtout produit dans divers projets moins rock au cours des années. Depuis le début de la décennie, Nazoranai et le trio Haino/Ambarchi/O’Rourke lui permettent de retrouver ses premiers amours. La performance du minuit au Colisée Desjardins était donc avant tout une chance de voir Haino lancer de grandes salves de feedback et solos titanesques bien saturés. Le maître nippon s’est aussi muni d’une sorte de fouet métallique amplifié et d’un ressort métallique amplifié pour créer des couches de bruits particulièrement abrasives. La section rythmique de Ambarchi et O’Malley était au service de Haino, lui offrant un support de basses fréquences visqueuses à souhait. Cependant, force est d’admettre que Ambarchi s’est mieux débrouillé à la batterie avec son jeu à mi-chemin entre le free jazz et le métal que O’Malley, qui semblait parfois avoir de la difficulté à prendre pied avec la basse, instrument qu’il ne joue que rarement. Néanmoins, la patience du public du festival a été récompensée car les explorations noise de Nazoranai ont abouti vers de grands moments de rock décapant. Keiji Haino a encore été un showman unique, une version infiniment plus malveillante et décapante de Hendrix, un bluesman sorti directement de l’enfer.