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FIMAV 2014, Jour 4 : Colin Stetson et Sarah Neufeld, Frith et son Gravity Band, Evan Parker 7tet, etc…

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La dernière journée de la 30e édition du FIMAV a débuté avec la grande première de la collaboration entre Colin Stetson et Sarah Neufeld. Les deux sont des membres à temps partiel du groupe Arcade Fire, en plus de régulièrement jouer en solo et d’accompagner bon nombre de musiciens. Si la plupart des gens sont rendus familiers avec le son associé à Stetson, c’était avec plaisir que nous avons pu découvrir une autre facette de son jeu, plus variée et mélodieuse et moins basée sur la prise de son complexe que celui-ci utilise en solo. Sarah Neufeld et lui ont maitrisé l’art de de la composition grandiose et épique basée sur la répétion et l’harmonie, ce qui n’est pas sans rappeler ce que font leurs confrères de GY!BE ou de Do May Say Think. Bien que la structure des compositions se rapproche davantage de la pop et de la musique de films que de la composition avant-garde ou du free jazz, la complexité du jeu des deux musiciens transforme cette musique structurellement simple en oeuvre fascinante et riche en détails. Le duo Stetson et Neufeld a réussi à être plus que la somme de ses parties et les spectateurs en ont redemandé.

Evan Parker est arrivé au Colisée Desjardins en bonne compagnie, entouré d’un groupe all-star qui inclut Peter Evans, Ned Rothenberg, Okkyung Lee, Ikue Mori, George Lewis ainsi que Sam Pluta. Définitivement du côté plus cérébral de  l’oeuvre de Parker, son ElectroAcoustic Septet se veut une célébration de la musique improvisée au travers de la rencontre entre musiciens électroniques et musiciens acoustiques. Les gros noms du groupe ont bien répondu à l’appel du vétéran anglais et ont offert une performance intéressante qui m’a gardé sur le bout de ma chaise du début à la fin. L’écoute, la patience, la collaboration et la créativité de chacun en ont fait une rencontre de haut calibre. Il est impossible de ne pas mentionner le travail particulièrement épatant du trompettiste Peter Evans, qui livre la marchandise à chaque concert.

Maja Ratkje en était à sa troisième présence au festival, ayant auparavant présenté ses projets Fe-Mail et Spunk. Ayant travaillé davantage en solo récemment, elle s’est présentée seule au festival, devant une table bien remplie de gadgets électroniques et de son ordinateur. Durant la majorité de son set, Ratkje a créé couches par-dessus couches de sons dont la seule source était sa voix. En plus de posséder une voix unique et d’une puissance surprenante rappelant Koichi Makigami ou Mike Patton, elle a démontré une maitrise de ses instruments et une créativité intéressante qui ont transformé un concert solo pour voix en une véritable explosion de sons.

L’idée d’inviter Michel Faubert, célébre chanteur et conteur québécois fondateur des Charbonniers de l’enfer et collaborateur de la Bottine Souriante, titillait les programmateurs du FIMAV depuis plusieurs années. On peut se douter que les organisateurs du festival se doutaient bien que la présence d’un artiste folk québécois de la trempe de Faubert amènerait inévitablement un plus grand public victoriavillois. Malheureusement, on peut se demander si la proposition était justifiée d’un point de vue artistique. Faubert est sans aucun doute un interprète charismatique et divertissant mais le mariage entre sa musique traditionnelle et une musique actuelle plutôt rétro n’a pas levé. L’aspect ‘actuel’ est toujours resté en trame de fond plutôt que de devenir une partie intégrale de la proposition. Le public du FIMAV connait bien Bernard Falaise et Pierre Tanguay et aurait sans doute davantage apprécié pouvoir les voir en plein vol plutôt que bien ancré en backing band. La rencontre au FIMAV entre Lucien Francoeur, VROMB et Michel Meunier d’il y a deux ans demeure un bon exemple d’une rencontre où la musique actuelle se mariait bien avec la poésie plutôt que de lui servir de trame sonore en arrière-plan.

Depuis les débuts du FIMAV, Fred Frith visite régulièrement Victoriaville pour y présenter de nouveaux projets et pour en revisiter des plus anciens. Pour la 30e édition du festival, Frith s’est présenté avec un ensemble de onze musiciens constitué majoritairement de ses étudiants et d’anciens étudiants afin d’y présenter une nouvelle lecture de Gravity. Un classique culte de musique expérimentale, l’album est une exploration des musiques de danse à l’international. Malheureusement, on aurait difficilement pu imaginer une interprétation plus froide d’une musique qui se veut groovy et légère. À l’exception du légendaire percussionniste William Winant (seul nom connu à l’exception de Frith), les musiciens semblaient bien nerveux et collés sur leurs partitions. Même les performances de Frith et Ava Mendoza aux guitares, pourtant l’attrait principal de Gravity, ont semblé trop convenues. Bien que Frith soit un guitariste créatif et intéressant en contexte d’improvisation, il ne semble pouvoir se détacher d’un son très daté lorsque vient le temps de jouer ses compositions. Sur scène, Mendoza a hérité des solos plus décapants de Gravity mais n’a pas réussi à ajouter de sa personnalité aux compositions de Frith, les jouant fidèlement et sans y mettre le moindre mordant. Bien que l’on ne puisse reprocher au Gravity Band d’avoir mal exécuté l’oeuvre de Frith, le spectacle s’est avéré être une déception, une proposition sans trop de personnalité ou de surprise.