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Critique d’album : Lungbutter et son Extractor

Lungbutter – Extractor – [indépendant]

Lungbutter est un trio montréalais actif depuis à peine plus d’un an et il présente ici un nouveau ep, qui donne suite à un album split avec Mands et à l’album Win Some, Lose Most, parus plus tôt cette année. Si les premières sorties présentaient surtout un son post-punk avec des chansons au rythme relativement rapide et un chant plutôt enthousiaste, Extractor penche beaucoup plus vers le métal et un son pesant du début à la fin.

Les membres de Lungbutter ont été présentes dans le groupe punk rock éphémère Femmaggots et elles sont aujourd’hui actives au sein de Lungbutter, en plus de prêter leurs talents à Harsh Reality, Mands et White Cube. Lungbutter fonctionne avec le format inhabituel du trio guitare, voix et batterie et son son est saturé par la guitare d’une lourdeur éléphantesque de Kaity Zozula. Zozula amène un vent de fraîcheur sur la scène locale avec un son de guitare beaucoup plus lourd que ce à quoi les guitaristes montréalais nous ont habitué, rappelant par moments Dylan Carlson de Earth ou encore le jeu de Kurt Cobain sur Bleach. Rares sont les guitaristes qui ont une aussi grande habilité à trouver un jeu rythmique avec des textures aussi riches. L’arme secrète du groupe est d’ailleurs sa capacité à amener un jeu de guitare pesant, parfois dissonant, et à l’agencer à merveille avec une écriture qui se rapproche davantage du punk rock. La batteuse Joni Sadler est la partenaire idéale pour Zozula, avec un jeu simple mais lourd qui accentue chaque riff, donnant l’effet d’un coup de poing en plein ventre.

La pièce Vile démarre l’album sur les chapeaux de roue avec un riff qui rappelle les premiers albums du groupe Earth. La chanteuse Grace Brooks offre une performance étoile, alternant entre plusieurs registres tout en gardant un ton urgent et menaçant. Lorsque la pièce prend un chemin inattendu en milieu de parcours, Brooks s’époumonne à crier “This is a building on fire” avec une intensité à couper le souffle. La pièce-titre Extractor est possiblement encore plus pesante et lente, un morceau de cinq minutes qui dénonce l’industrie pétrolière et la dévastation du grand nord. L’ennemi est l’extractor, celui qui soutire tout sans scrupule. La retenue du jeu des autres musiciens sert la chanson à merveille. Il n’y a pas de refrain ou de hook, l’auditeur doit simplement endurer l’atmosphère angoissante créée par le groupe. Cottonmouth se retrouve dans le même registre et la guitare de Zozula se permet quelques envolées de feedback qui étourdissent.

Si la lourdeur de Extractor est dure à manquer, on se réjouit d’avoir une “pause” avec deux pièces qui roulent plus vite et qui se rapprochent davantage du son punk rock de leur album précédent. Jellyfish est un brûlot d’une minute particulièrement bien réussi qui rappelle les défunts Be Your Own Pet. C’est du punk rock simple et rapide, un peu comique et dada. Dans le registre plus rapide, Wide Cut réussit un peu moins bien. La musique comme les paroles rappellent le vieux stock de Kim Gordon avec Sonic Youth mais la chanson détonne du reste de l’album et semble moins achevée.

Le ep Extractor est une anomalie que l’on se doit d’accueillir à bras ouverts. Lungbutter a réussi à se définir d’une façon unique dans le paysage montréalais et son côté expérimental et décapant offre une solution à l’insipidité de la scène “indie rock” qui prend tant de place, tout en offrant des chansons dans un format rock. La proposition de Lungbutter n’est pas la plus facile à digérer mais ça en est une de qualité et il faut prendre le temps de la déchiffrer et de l’apprécier.

L’album est disponible en format digital sur https://lungbuttermtl.bandcamp.com/. Le lancement de l’album en format physique aura lieu le 18 août à la Brasserie Beaubien, avec Steve Jr. et blankets.