Le voici, le voilà. Le top 25 des meilleurs albums de l’année selon moi. Un top personnel tout croche qui inclut des EP, des cassettes, des albums de 10 minutes, des albums parus en ligne à la fin de 2014 comme Black Messiah ou qui ont été disponible en vinyle pour la première fois en 2015 comme le dernier de Palberta. Mais bon! C’est mon top et il est pas si pire, je vous mets même au défi d’aller écouter certains albums si vous êtes curieux. Je n’ai pas eu le temps de me procurer certains albums comme le dernier Jim O’Rourke qui coûte 40 piasses ou encore le dernier Dylan Carlson qui est limité à 100 copies mais bon… Il a fallu que je fasse des choix déchirants! J’ai aussi exclus l’album Mopethrone de Harsh Reality sur lequel je ne joue pas mais j’accompagne parfois le groupe en concert donc il fallait bien que je sois un minimum transparent… Mais c’est un bijou qui vaut la peine d’être écouté!
Finalement, je m’excuse d’avoir mis dans ma liste l’album weird de Neil Young qui parle des OGM durant une heure de temps.
Bonne année 2016!
25. Square / Sine – Square / Sine – Cuchabata
S/S est le nouveau duo de François Couture et David Dugas Dion pour feedback et batterie. Tous les deux sont membres du groupe de musique expérimentale La Forêt Rouge. Ici, Couture et Dugas Dion sont davantage dans la création d’un immense mur de son bruyant que dans l’expérimentation incongrue et imprévisible de leur quatuor et le résultat est imposant. Le feedback créé par les mixers de Couture est riche en détails et la batterie donne une agressivité intéressante au groupe. Je suis moins fan des moments plus rock au niveau du rythme mais c’est néanmoins tout un premier album.
24. GLOSS – Demo – Not Normal
GLOSS est un band de hardcore queer qui attire les foules partout où ils vont avec leur musique virulente et leurs paroles radicales et engagées. Leur première sortie est un EP bourré de chansons courtes qui vont droit au but et avec une attaque particulièrement efficace. Espérons que d’autre matériel s’en vient!
23. Eugene Chadbourne – Music of My Youth – House of Chadula
Pas si facile de suivre le Dr. Chad en 2015. Plus que jamais (fièrement) indépendant, Chadbourne lance ses albums en CD-R avec des pochettes uniques faites à la main qui sont distribués par à peine quelques distros. J’ai mis la main sur Music of My Youth lors d’un de ses concerts, attiré par l’idée du Dr. Chad qui s’attaque à des chansons de Buffalo Springfield, Dead Kennedys et de Blondie. Chansons de sa jeunesse? Je ne suis pas sûr (il est quand même dans la soixantaine…), mais c’est néanmoins une collection intéressante de covers réappropriés à la façon Chadbourne, avec un humour toujours bien unique et un talent à la guitare pas encore égalé.
22. David and the Woods – De la poussière orange à la neige opalescente – Cuchabata
David Dugas Dion mène un des projets “indie rock” les plus vieux au Québec (déjà) et chaque sortie s’en va en s’améliorant. Le projet a particulièrement pris du galon lors de sa transition vers le français et De la poussière continue cette lancée. Si le dernier opus de DATW était plus méditatif, ce nouvel album est l’album le plus pop du projet, avec une rythmique séduisante mais avec encore plusieurs leads de guitare très noise. Pour les fans du stock plus récent de J Mascis et Thurston Moore!
21. Matana Roberts – Coin Coin Chapter 3 : Run River Thee – Constellation
J’ai beau avoir détesté la version live de Coin Coin Chapter 3, l’album studio paru sur Constellation est tout un album, un savant mélange de field recordings, de spoken words, de chants et de saxophone très Ornettesque par moments. L’utilisation de synthés à ruban analogiques ajoute une belle palette noise peu utilisée auparavant dans le son Coin Coin. Après un deuxième chapitre un peu décevant, le troisième chapitre sur douze chapitres de l’oeuvre Coin Coin amène Roberts vers de nouveaux lieux intéressants.
20. Mands – 15/06/2014 – Misery Loves Co.
Paru en janvier, 15/06/2014 est le premier album de Mands après un split remarquable avec Lungbutter paru en 2014. Élaborant sur la proposition du split, le premier album de Mands est une longue pièce en plusieurs mouvements menés par la guitare au son bien lourd de Amy MacDonald, qui chante des paroles (partiellement) improvisées d’une qualité qui étonne. La section rythmique avec Kaity Zozula et Tim Keen de Ought est sans doute l’une des plus efficaces à Montréal, vous ne la raterez pas.
19. Chris Corsano & Bill Orcutt – Various Live – Palilalia
Une petite cassette avec à peine d’information sinon qu’il s’agit d’une compilation de divers concerts. Dix ou quinze minutes de musique improvisée hyper-aggressive avec Orcutt et Corsano qui montrent leurs chops sans se préoccuper de quelque nuance que ce soit.
18. Secret Lover – Secret Lover – Sister Cylinder
Après plusieurs cassettes et CD-R, le quatuor pop rock de Worcester lance finalement son premier album en vinyle sur Sister Cylinder, avec une douzaine d’hymnes à l’amour et à la peine d’amour qui remplissent chaque côté de l’album. Surtout écrites par la chanteuse Sally Horowitz, les chansons ont des hooks irrésistibles et les mélodies vocales mélodramatiques sont les vers d’oreille les plus efficaces de 2015.
17. Panzee – Demo 2015 – indépendant
Panzee est un groupe de hardcore queer très noisy de St-Henri qui a pris son envol cette année et qui semble déjà avoir joué ses derniers concerts, si les rumeurs sont vraies. Heureusement que le Demo 2015 a immortalisé les chansons féroces du groupe, avec des performances vocales déchaînées et un assaut amplifié douloureux.
16. Neil Young & Promise of the Real – The Monsanto Years – Reprise Records
Bon an mal an, Neil Young sort un nouvel album, que ce soit un album concept sur les autos électriques, un album solo électrique ou un album enregistré dans un studio de la grosseur d’une cabine téléphonique. Son oeuvre de 2015 est un album coup de poing qui s’en prend sans métaphore aux géants de l’agriculture et à Starbucks. Si les paroles sont très peu raffinées et peut-être trop droit au but par moments, il reste que la performance “première prise” favorisée par Neil Young avec un groupe avec qui il n’avait jamais joué donne un album vivant, tout croche mais inspirant.
15. High on Fire – Luminiferous – E3
Don’t fix what ain’t broke. Luminiferous est le septième album de High on Fire et leur troisième sur un major label. Le band est avant tout un véhicule pour mettre en valeur le talent épatant de guitariste de Pike, qui conçoit chaque album avec de nouveaux riffs qui touchent autant à la vélocité du early Slayer qu’à la pesanteur Iommique qui a fait la marque de commerce de son autre groupe Sleep. Luminiferous ne réinvente pas la roue mais c’est encore une vraie leçon de rock méchant que Pike donne.
14. Downtown Boys – Full Communism – Don Giovanni
Le premier long jeu des Downtown Boys a beaucoup fait jaser cette année, que ce soit à cause des paroles ultra-engagées ou encore des performances endiablées du groupe pour promouvoir l’album. Le groupe a beau se retrouver dans Rolling Stone et Spin, ils sont toujours aussi radicaux et sans compromis, un rouleau-compresseur punk rock inspirant qui s’oppose avec force au racisme et au patriarcat qui pourrit les États-Unis.
13. Palberta – Shitheads in the Ditch – Feeding Tube Records
Je déteste l’humour dans la musique. Mais pas l’humour weird de Palberta. Et j’aime tellement leurs chansons toutes croches qui semblent quasiment sur le point de s’effondrer mais qui restent debout de peine et de misère. Et que dire de la guitare à la Boredoms… C’est trop pour moi!
12. Keiji Haino / Oren Ambarchi / Jim O’Rourke : Tea Time For Those Determined To Completely Exhaust Every Bit Of This Body They’ve Been Given – Black Truffle
Encore un album du trio infernal de Haino, Ambarchi et O’Rourke. Comme O’Rourke ne sort plus du Japon dû à sa peur de l’avion, chaque performance du trio est immortalisée par un album lancé par Black Truffle, le label de Ambarchi. Après un détour vers des explorations avant-folk avec flutes, guitares acoustiques et synthés, le trio revient avec un set en power trio qui trahit (presque) des influences de Zeppelin et de Hendrix, avec une couche de noise par-dessus. À mon avis, il s’agit du stock le plus accessible que Haino ait produit… Ce qui ne veut pas dire que l’album est facile à écouter en soi! Du rock de qualité présenté avec aplomb par un trio de musiciens iconoclastes.
11. Andrea Pensado – Without Knowing Why – Feeding Tube Records
Andrea Pensado est une électroacousticienne qui traite sa voix et qui utilise les détecteurs de mouvement pour créer un mur de son bruyant qui atteint des tonalités quasi-douloureuses pour l’oreille humaine. Without Knowing Why commence avec des sons saccadés qui laissent croire que le disque saute, avant de se diriger vers un assaut plus constant de bruissements, de grognements et de mots chuchotés amplifiés avec force. Rapidement, Pensado ajoute couche par-dessus couche de sons intrusifs et distortionnés, créant un labyrinthe de sons particuliers qui étourdissent. Une oeuvre riche et complexe.
10. Okkyung Lee / Chris Corsano / Bill Nace – Live at Stone – Open Mouth
Live at the Stone de Open Mouth est un fantastique album qui documente la rencontre de la violoncelliste Okkyung Lee avec le batteur Chris Corsano et le guitariste Bill Nace. Lee et Nace ont une chimie qui épate, se dirigeant tous deux vers un registre très aigue qui contraste grandement avec la percussion hyperactive de Corsano. Nace est l’un des improvisateurs les plus intéressants des dernières années et sa capacité à offrir des performances énergiques mais précises fait de lui un artiste intéressant à surveiller.
9. Le Syndicat du Cauchemar Jaune – 黄色惡夢結社 – Fu Teng Club
Il y a une chanson qui s’appelle Alex Pelchat sur l’album, oui, mais 黄色惡夢結社 est avant tout la première parution d’un des groupes les plus harsh à être sorti de Montréal. Avec deux expatriés japonais et Chittakone Baccam du collectif Jeunesse Cosmique, Le Syndicat du Cauchemar Jaune fait de la musique amplifiée qui atteint le catharsis. avec un talent fou.
8. Big|Brave – Au De La – Southern Lord
Au De La est le deuxième album du groupe Big|Brave et leur premier pour le célèbre label Southern Lord de Sunn 0))) et Earth. Davantage dans la lignée de Earth que de Sunn, le trio montréalais a produit un album beaucoup plus heavy et dense que leur album précédent, qui touchait davantage au rock alternatif à la Low. Les compositions d’Au De La prennent leur temps pour se développer et fonctionnent avec un minimalisme qui rend encore plus puisant les moments plus actifs du groupe. Le résultat est un album majestueux.
7. Bob Dylan – Shadows in the Night – Columbia
J’ai hésité à acheter Shadows in the Night. Un album de cover pour le plus grand singer-songwriter du 20e siècle?! Et pourtant. Shadows est un délice pour les fans de l’époque soft rock de Bob Dylan de New Morning et Self-Portrait. La voix de Dylan est à son meilleur en vingt ans et les interprétations des chansons de Sinatra ont un côté hanté et sombre qui va à ravir au barde du Minnesota.
6. D’Angelo – Black Messiah – RCA Records
Black Messiah faisait partie des albums que l’on n’attendait plus mais l’urgence politique américaine a motivé D’Angelo à terminer son oeuvre et à la présenter au monde le plus rapidement possible. Il est impossible de trop parler de la complexité rythmique de l’album, de l’utilisation riche des voix, des paroles politisées captivantes et de la guitare soul rock décapante qui anime plusieurs pièces. Une chose est certaine, Black Messiah est un statement grandiose et une réussite.
5. Jake Meginsky – Vandals – Open Mouth
Meginsky a lancé le EP L’appel du vide l’an passé sur Open Mouth et il récidive en 2015 avec le long jeu Vandals. L’album reprend les expérimentations au sampler de l’album précédent, avec une rythmique qui groove encore plus qu’auparavant et une vitesse accelérée. La beauté de Vandals est que Meginsky crée une musique dansante et vivante à l’aide d’échantillonnage de textures abstraites qui en viennent qu’à former subversivement un tout organique et puissant.
4. Sunn 0))) – Kannon – Southern Lord
Kannon est le premier effort sans invité spécial de Sunn depuis Monoliths and Dimensions paru en 2009. Plutôt que d’avoir une trentaine de collaborateurs comme ce fut le cas pour les albums précédents, Kannon est un album studio qui présente le son live du groupe, avec la participation de leurs membres auxiliaires de longue date Oren Ambarchi à la guitare et Attila Csihar à la voix. Attila est présent sur chacun des trois mouvements de l’album et sa performance contribue évidemment à rehausser le caractère glauque du groupe. Moins joli que Monoliths, Kannon montre bien le côté doom du groupe, avec la guitare de O’Malley qui devient écrasante dans l’ultime pièce de l’album. Kannon n’amène peut-être pas le groupe vers de nouveaux horizons mais il s’agit du portrait le plus fidèle de ce à quoi ressemble le groupe en live et l’album s’appuie avec brio sur les forces du groupe, avec bien sûr un flot de riffs tous plus pesants les uns que les autres.
3. Wolf Eyes – I Am a Problem : Mind in Pieces – Third Man Records
Wolf Eyes a lancé son nouvel album sur le label Third Man, un choix audacieux pour un groupe qui n’a jamais vraiment suivi de chemins prévisibles de toute façon. Loin des explorations abstraites parues sur American Tapes ou du noise rythmé paru sur Sub Pop, I Am a Problem : Mind in Pieces est l’album de chansons du trio du Michigan, présentant des compositions bien ficelées mettent bien en valeur la voix inimitable de Nate Young avec des chansons complexes bâties avec les instruments à vent, le bidouillage électronique et la guitare hard rock qui sont la marque de commerce du groupe. Cette version plus rock de Wolf Eyes risque encore de continuer de nous surprendre… Jusqu’à ce qu’ils changent d’idée.
2. Bill Nace / Chris Corsano / Steve Baczkowski – Stolen Car – Golden Lab Records
Je me sens presque mal de mettre un troisième album de Chris Corsano dans ma liste, à prime abord je ne suis même pas un grand fan du batteur mais… Force est d’admettre qu’il a connu une bonne année. Lancé en Angleterre sur Golden Lab Records, Stolen Car présente le trio Nace/Corsano/Baczkowski en pleine forme, alternant entre le son inpénétrable de la scène Northampton et le fire music à la Brötzmann que Baczkowski travaille depuis des années. Le meilleur concert que j’ai vu en 2015 fut celui de Baczkowski et Nace à Northampton; une énergie folle lie ces deux improvisateurs. Avec Corsano qui saute dans la mêlée, le résultat est explosif et même les moments plus posés sont animés par une tension palpable. Stolen Car est plus que la somme de ses parts, l’union de trois improvisateurs qui sont à l’avant-plan de leur discipline, et avec raison!
1. Drainolith – Hysteria – NNA Tapes
Alex Moskos a lancé une myriade de cassettes, de 7 pouces et de CD-R mais Hysteria est sans aucun doute l’oeuvre la plus aboutie du projet Drainolith, qui existe depuis près d’une dizaine d’année. Hysteria est un album sombre et lent qui évolue sans presse, avec les pieds qui trainent. Produit avec Nate Young de Wolf Eyes et Neil Hagerty de Royal Trux, Hysteria est tout un bordel de samplers, de claviers, de guitare et de e-drums qui s’entremêlent, qui apparaissent et disparaissent sans qu’on s’y attende. Désorientant à souhait, les compositions de Moskos semblent par moment être un mélange de quatre chansons savamment mixées. Le trio de production Young – Hagerty – Moskos a créé une bête qui frôle par moments la production hyperactive du Bomb Squad, tout en gardant un aspect singer-songwriter noise mené par la voix calme mais expressive de Moskos. La clef du succès de l’album réside d’ailleurs dans l’interprétation vocale charismatique de Moskos, qui murmure et marmonne sur les Hells, ses nouvelles paires de souliers, le charme de St-Henri et une panoplie d’autres sujets. Si les singer-songwriters vont continuer d’exister et de se développer, espérons que ce sera avec la créativité débridée que l’on retrouve sur Hysteria.