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Venger 1759 !

Vendredi dernier, j’avais rendez-vous avec mon ami d’enfance, Félix, établi à Londres depuis maintenant neuf ans. Félix est biologiste et travaille en recherche à Kew Gardens, le jardin botanique de Londres.

Nous avons fait les 400 coups ensemble en compagnie de notre ami Manuel qui vit toujours au Québec. Je me souviens particulièrement de la fois où nous étions allés «accueillir», en bleu et blanc, Sa Majesté lorsqu’elle est venue au Québec, en plein tumulte du désaccord du Lac Meech en 1990. Presque vingt ans plus tard, nous nous sommes donné rendez-vous non loin du célèbre Big Ben, juste en face du parlement où se trouve l’abbaye de Westminster.

Après avoir payé 15 livres Sterling (30 $) comme prix d’entrée, nous avons pu admirer la magnificence architecturale du centre de l’édifice dont le début de la construction remonte à 1245. Outre ces images de cartes postales, il y a autre chose de moins connu, mais qui m’a fait sursauté lorsque je l’ai vue. C’est en parcourant une aile que je suis tombé sur une connaissance, c’est-à-dire un monument consacré à un personnage connu de l’histoire de notre pays : James Wolfe. Sur le monument on peut lire :

TO THE MEMORY OF
JAMES WOLFE
MAJOR-GENERAL AND COMMANDER IN CHIEF
OF THE BRITISH LAND FORCES
ON THE EXPEDITION AGAINST QUEBEC
WHO AFTER SURMOUNTING BY ABILITY AND VALOUR
ALL OBSTACLES OF ART AND NATURE
WAS SLAIN
IN THE MOMENT OF VICTORY
ON THE XIII OF SEPTEMBER MDCCLIX.
THE KING
AND THE PARLIAMENT OF GREAT BRITAIN
DEDICATE THIS MONUMENT.

C’est moins glorieux de le dire de cette façon, mais ce jour-là, c’est le plus chanceux des deux généraux qui a gagné.

À chaque fois que je vois un symbole du colonialisme, je ressens au-dedans de moi la même douleur. Comme lorsque vous visitez par exemple le Musée de la Guerre à Ottawa et que vous y voyez exhibé, comme un « trophée » les armoiries françaises des portes de la ville de Québec, volée par un militaire britannique en 1760. Bon, c’est la défaite de la France et ça fait 250 ans que la bataille des Plaines d’Abraham est terminée, me direz-vous. C’est vrai. Par contre, de nos jours, il y a des milliers de petites Plaines d’Abraham où l’on baisse facilement notre pavillon ou, pour être plus précis, que l’on remise notre langue dans notre poche. Je ne parle pas d’aller décapiter la statue de John A. Macdonald à la Place du Canada ou d’aller faire des graffitis sur la tombe de Pierre Elliot Trudeau. Les champs de batailles que l’on laisse aller ces derniers temps s’appellent culture, internet, dépanneur, magasin, fonction publique… Si notre révolution a été tranquille, notre laisser-aller l’est tout autant… Debout, que diable, et soyons aussi fiers de notre culture que les Britanniques le sont de la leur !

C’est ironique qu’un monument dédié à la mémoire de Wolfe, stratège militaire équivoque, fasse naître en moi des réflexions bien de chez nous… 

 

(Illustration tirée de Manche de pelle, texte de Danièle Vallée et dessins de Christian Quesnel, Studio Premières Lignes, 2005.)