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Métal noir québécois

 

Lorsque nous nous  trouvons seul dans un pays étranger les premières semaines, nous sommes constamment confrontés à notre propre culture et à nos valeurs, parce que nous ne cessons de comparer. À force de réfléchir à ces questions, on parvient à mieux saisir ce qui nous définit et ces questionnements identitaires précisent notre rapport au monde.

J’ai un aveu à vous faire et je sais que je commets ici un péché, mais il faut que ça sorte : en général, je n’apprécie pas beaucoup la musique populaire québécoise qui m’ennuie profondément. J’ai beau avoir essayé pendant des années, les cordes qui me font habituellement vibrer ne réagissent pas. Remarquez que la même chose s’applique à la musique populaire en général, québécoise ou non.

Depuis les années 1980, un groupe de musique suédois, Bathory, est apparu dans le paysage musical européen. Puisant dans les racines vikings, la mythologie et la culture scandinave, ce groupe a donné naissance à un mouvement qui transcende littéralement la musique et qui se veut philosophique : le black metal. Ce genre musical a engendré des sous-genres et ainsi de suite. Par exemple, une certaine forme de black metal norvégien extrémiste prône un retour vers la culture viking et l’expulsion de la religion chrétienne par la force. Certains chanteurs ont même incendié des églises vieilles de plusieurs centaines d’années !

Des mouvements ont ainsi poussé un peu partout dans le monde, se réappropriant les cultures locales en les mettant en valeur. Il a fallu que je sois à Londres pour découvrir et écouter sans me lasser sur YouTube* des groupes issus du mouvement black metal, mais adapté à la réalité québécoise. Disons que le discours nullement violent de ces groupes québécois, souvent contemplatif, mélancolique et nostalgique, contraste avec le laisser-aller des artistes de chez nous qui se rapproche davantage du « I want to pogne » de RBO. En effet, les acteurs de ce mouvement clament leur fierté d’être québécois sans s’excuser mais ne sont malheureusement pas largement distribués.

Des groupes comme Neige & Noirceur, Forteresse, Sombre forêt, Gris et Brume d’automne nous font redécouvrir les traditions québécoises à l’aide d’une nouvelle forme d’expression et de mélodies mélancoliques. Certains mélangent même le folklore québécois au black metal ce qui crée une sonorité tout à fait originale comme la pièce « Ancien folklore québécois » de Neige & Noirceur.

Aussi, rien de mieux que de lire les paroles de « La moisson de la liberté », du groupe Forteresse, pour découvrir toute la philosophie derrière cette démarche de réappropriation de notre culture :

« Oyez!
Fils de la liberté
Souvenez-vous enfin
Du sacrifice de nos pères

Cette récolte ardemment maniérée
D'une nation enfin rassemblée
Jusqu'à la fin s'opposant
La moisson de la liberté

Elle illumine chacun de nous
Qui espère au retour
Et respire l'air ancien

Juste à nos enseignements
À notre culture
Ainsi qu'à nos arts
à nous fiers fils de colons »

*La plupart de ces groupes ont été mis sur YouTube par un type qui les présente comme des nationaux-socialistes ce qui est totalement faux. Encore un autre qui fait des raccourcis faciles pour tenter de faire passer ses idées…

 

Illustrations : à gauche, les membres du groupe Brume d'automne et à droite, couverture de l'album de Forteresse, Métal noir québécois, illustrée par une photo du « violoneux » et compositeur Joseph Allard.