Pour ceux qui ne le savent pas déjà, ma démarche artistique concerne principalement la mutation identitaire due au contact des cultures. Ce sujet m’intéresse d’autant plus que ma famille et ma région, l’Outaouais, est le fruit de métissages culturels depuis toujours. Je dirige d’ailleurs une collection chez Studio Premières Lignes (Souches) qui explore ces mutations identitaires.
Comme je le mentionnais dans les billets précédents, le quartier où j’habite à Londres, Bethnal Green, est composé de très nombreuses ethnies qui se côtoient, mais la plus présente (en tout cas visuellement), c’est la communauté musulmane. Londres s’est d’ailleurs mérité le surnom de Londonistan il y a quelque temps. Afin de mieux connaître l’autre point de vue, j’ai décidé, avec des amies en visite et ma collègue Marianne Engel, de tester cet accueil des musulmans à notre endroit, mais aussi de voir les regards posés sur nous par l’ensemble des autres communautés.
Avant de partir sur Whitechapel faire notre expérience, nous avions convenu tous ensemble que nous devions agir normalement sans modifier nos comportements et surtout ne pas provoquer. Il faut dire que déjà, avec nos peaux blanches et mon type écossais, nous étions facilement repérables.
Après plusieurs jours de pluie, nous avons pu faire notre expérience. Vêtus comme des musulmans pratiquants, l’accueil froid auquel je m’attendais n’a pas eu lieu. Au contraire, pour la première fois je marchais sur Whitechapel et je m’apercevais que la communauté musulmane était tissée serrée. Les visages étaient détendus. On nous a salués à plusieurs reprises dans les magasins et sur la rue. La communauté musulmane semblait heureuse lorsqu’elle nous entendait parler notre langue. Ça m’a rappelé la poignée de main et le bonheur de ce monsieur à barbe blanche qui m’avait vu en compagnie de deux femmes voilées quelques jours plus tôt.
On nous a regardé à quelques reprises lorsque nous déambulions, mais sans plus. Les Britanniques d’origine européenne, eux, sans doute du à leur légendaire flegme, n’ont pas bronché. Pendant ce temps, nous regardions les vitrines des magasins, les vêtements, poissons, tabagies pendant que Marianne nous filmait discrètement. C’est Marianne qui s’est sentie différente par rapport au décor ambiant. La communauté musulmane est-elle devenue assez forte pour imposer une certaine façon de faire ? Difficile à expliquer, comme le sentiment de Marianne qui ne se sentait pas tout à fait à sa place.
Dans le fond, cette expérience n’a pas soulevé de grandes réactions et nous a révélé une tolérance certaine des Britanniques, habitués à la cohabitation des différentes ethnies. Elle a aussi démontré que la communauté musulmane aspire à convertir les non-musulmans. J'imagine que pour eux, c'est un peu comme pour nous, lorsque l'on entend des personnes originaires des quatre coins de la planète parler avec l'accent québécois. Ça fait plaisir…
Sur la photo : Christian Quesnel, Aline Bégin et Anik Deslauriers (photo de Margarida Gouveia et images tirées de la vidéo prise par Marianne Engel)