BloguesArts de la scène

Musica Nocturna et Umwelt

Aujourd'hui, je vous parle de deux spectacles on ne peut plus différents, ne serait-ce que par leur ampleur. Musica Nocturna est petite forme, une expérience courte et sensuelle où tourbillonne un couple à l'agonie. Umwelt est un spectacle à grand déploiement pour neufs interprètes, trois guitares, quelques miroirs, une panoplie d'accessoires et du vent, beaucoup de vent. Si les deux spectacles ont une chose en commun c'est d'explorer les frontières de plus en plus ténues entre la danse et le théâtre.

Geneviève La et Jean-François Casabonne
Photo: Véro Boncompagni

Mardi soir, à l'Espace Geordie, j'ai eu la chance d'assister à la générale de Musica Nocturna, un amalgame de danse, de théâtre et de poésie. Sous-titré La Nuit sera courte, le spectacle s'appuie sur un texte inédit de Catherine Lalonde. Ses deux interprètes, le comédien Jean-François Casabonne et la danseuse Geneviève La, forment un sacré tandem, un couple intriguant, mélange de grâce et d'animalité, de force et de fragilité. Sous nos yeux, durant une vingtaine de minutes, leurs destinées se lient et se délient. La séparation définitive semble imminente, mais l'homme et la femme résistent, de toutes leurs forces. Lui à coup de mots, elle à coup de mouvements.

Dépendance amoureuse, douloureux passage du temps, persistance de la tendresse, peur du vide, de la solitude, de la mort de l'autre. on ne sait jamais vraiment de quoi il est question. Et c'est tant mieux, ça nous permet d'y voir, d'y entendre, mais surtout d'y sentir ce qu'on veut bien. Pour la langue de Lalonde (souveraine), le corps de La (captivant) et la voix de Casabonne (incomparable), cette première production de la compagnie À La2 danse etc. vaut amplement le détour. À l'Espace Geordie (4001, rue Berri), jusqu'au 26 mai. Rés.: 514 728-8604.

Umwelt
Photo: Ch Ganet

Hier soir, au Monument-National, Maguy Marin avait l'honneur d'ouvrir le premier Festival TransAmériques avec Umwelt, un spectacle créé en 2004. Durant la première demi-heure, le manège réglée par la chorégraphe française fascine. Sur scène, une série d'alcôves miroitantes, des zones étroites où les interprètes viennent, généralement à plusieurs, créer des images, exposer les gestes de leur quotidien. Certains croquent une pomme, d'autres rongent un os. Certains s'habillent, d'autres retirent leurs vêtements. Certains vident une chaudière de briques, d'autres braquent sur nous une carabine, un projecteur ou un appareil photo. On s'embrasse et on se frappe. Ce que certains jettent d'autres le ramassent. Ce que certaines cachent, d'autres le dévoilent, avec impudeur.

Umwelt
Photo: D Grappe

C'est toute une faune humaine qui s'agite sous nos yeux. Serait-ce celle de Rillieux-la-Pape, la banlieue où Marin et sa compagnie créent leurs spectacles acclamés de par le monde? Peut-être. Chose certaine, le portrait est bigarré. On voit des pauvres et des nantis, des hommes d'affaires et des ouvriers, des hommes et des femmes de plusieurs appartenances culturelles. En ce sens, la fresque impressionne. Malheureusement, il vient un moment ou la ronde se referme sur elle-même. Les images, comme des motifs, reviennent et reviennent, se banalisent et nous lassent. Hier soir, les applaudissements ont été plutôt polis. Après tout, on se le demande: était-ce une bonne idée d'ouvrir un festival de danse et de théâtre avec un spectacle qui ne tient ni de l'un ni de l'autre? Au Monument-National, jusqu'au 25 mai. Rés.: 514 842-2112.