Du 7 au 24 novembre, au Théâtre de l'Esquisse, le Théâtre Émergence présentera Trois sombres textes pour actrice éclairée, une pièce de Marie-Ève Gagnon mise en scène par Patrick Palmer et interprétée par Isabelle de Montigny.
En exclusivité, au cours des prochaines semaines, les membres de l'équipe de création vont nous tenir au courant du processus qui les mènera au soir de la première. C'est à l'auteure d'ouvrir le bal…
Facile d'haïr
Hier soir quelqu'un a envoyé un agrégat de ciment dans ma fenêtre, la brisant en mille morceaux. Défoulement de désoeuvré, vengeance qui se trompe d'adresse? Peu importe, ça fesse! J'imagine qu'avec mon petit condo trou-de-cul dans Parc Ex j'ai l'air, comme me l'a dit le policier, d'une mégapleine qu'il faut faire chier! Je comprends ça, c'est facile d'haïr quelqu'un parce qu'on pense que sa vie est plus facile que la nôtre. C'est facile d'haïr point… Moi-même je ne m'en prive pas.
Marie-Ève Gagnon Photo: Jean-François Leblanc |
Dans le premier monologue des Trois sombres textes pour actrice éclairée qui sera repris par la gang du Théâtre Émergence en novembre au Théâtre de l'Esquisse, mon personnage Agnès explique justement comment elle passe le temps dans le métro en haïssant les «vieilles avec leurs sacoches» ou ben les «morons qui lisent le journal de Montréal». Devenir raciste? Vivez à Parc Ex avec les barbus qui refusent de vous servir au dépanneur en vous demandant: «Where is your husband?»… C'est simple et ça ne prend pas un monstre pour y arriver. Devenir condescendant? René Homier-Roy en a fait une carrière, grassement payé (je vous l'avais dit que c'était facile la haine…) Aimer c'est crissement plus dur. Aimer VRAIMENT. Le don de soi sans complaisance, sans moumounerie et gnagna…
Mais de l'espoir y'en a tout plein. La nouvelle génération de créateurs dont font partie les filles du Théâtre Émergence, Nathalie Beringhs et Isabelle de Montigny, est dépourvue de cynisme. Comme si on avait enfin trouvé l'antidote à cette désespérance glamourisée qui a marqué les 15 dernières années. Ce qui m'épate c'est qu'elles n'ont pas ce réflexe d'autodérision qui vire tout au gris. Elle n'ont pas peur du rose, du bleu et des sentiments vrais.
Et elles n'hésitent pas à employer un mot carrément subversif: HOMMAGE. Elles ont décidé de faire connaître des auteurs en leur préparant des LECTURES-HOMMAGES. Elles m'ont fait le coup, ainsi qu'à Isabelle Hubert et le font le 29 septembre à Rhéal Cenerini au Théâtre d'Aujourd'hui dans le cadre des Journées de la culture. Le mot pourrait être flatteur et ne soyons pas nono il l'est! C'est du velours pour l'égo. Mais dans leurs esprits et dans leurs bouches, au-delà des individus, il s'agit de célébrer la littérature et les textes, d'exprimer un profond respect pour l'acte d'écrire. Et ça dans un milieu théâtral où la position de l'auteur s'effrite, ça fesse! Oh en passant je serai là le 29 pour discutailler de ce possible effritement avec les collègues Jean-Claude Germain et Rhéal Cenerini.
Thanks girls and can you please tell me where is your husband…
Marie-Ève Gagnon