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Des nouvelles du Théâtre Émergence – 4e partie

 

Du 7 au 24 novembre, au Théâtre de l'Esquisse, le Théâtre Émergence présentera Trois sombres textes pour actrice éclairée, une pièce de Marie-Ève Gagnon mise en scène par Patrick Palmer et interprétée par Isabelle de Montigny.

En exclusivité, au cours des prochaines semaines, les membres de l'équipe de création vont nous tenir au courant du processus qui les mènera au soir de la première. C'est maintenant au musicien de se prononcer…

Bon, plus d'internet…
J'pourrai pas aller prendre les dix e-mails qui m'attendent, ni les notes de cours en statistiques, ni même aller voir si quelqu'un m'a «ajouté» comme ami aujourd'hui. Décidément, il va falloir que j'attende à demain avant de faire mes invitations pour le concert de mercredi, et avant de. ah internet est revenu! Mais me voilà plongé dans ce petit mot, et comme pour la première fois où j'ai rencontré Isabelle de Montigny, je sais que je suis embarqué dans quelque chose que je ne suis pas près de faire à moitié.

 
Rémy Bélanger de Beauport et Isabelle de Montigny
Photo: Patrick Palmer

C'était dans un petit café, on s'était donné rendez-vous après un e-mail ou deux, justement. Je jasais avec cette inconnue que je n'avais jamais vue jouer, et elle avec ce musicien de qui elle n'avait entendu que le nom, mais nous nous faisions confiance. Cette espèce de bonne entente spontanée, de complicité naturelle, c'est enfin maintenant, près d'un an plus tard, qu'on s'en sert concrètement.


Rémy Bélanger de Beauport
Photo: www.noistar.com
 

Mon travail dans Trois sombres textes pour actrice éclairée ressemble en effet plus que je ne le pensais à mon travail habituel de violoncelliste improvisateur: ce qui distingue un ensemble d'un autre quand je joue, ce qui fait que ça «marche», d'après moi, c'est la confiance qui s'installe dès le départ, l'assurance que l'autre est là à 100%, prêt à attraper au vol les idées qu'on lui propose, et est en retour rempli d'idées à partager. C'est comme ça, avec Isabelle, l'«actrice éclairée», et Patrick, le metteur en scène (tout aussi «éclairé»), les membres de l'équipe que je côtoie le plus. Bien qu'on travaille sur un texte déjà écrit et qu'on ait plusieurs semaines de préparation – circonstances inhabituelles pour moi – à chaque répétition quelque chose de nouveau s'installe, et je m'inspire du jeu d'Isabelle, tout comme elle est influencée par mes sons, d'une manière différente chaque fois. C'est un vrai dialogue. En fait ça sera un «trialogue», si le mot existe, lorsque le public sera là.

 
Isabelle de Montigny et Rémy Bélanger de Beauport
Photo: Patrick Palmer

Avant de m'engager comme compositeur et interprète pour Trois sombres textes. je suis allé assister à une répétition de Procrastination majeure (le dernier des trois textes) et j'ai tout de suite été charmé par la plume de Marie-Ève Gagnon. Dans ce troisième texte en particulier, elle a une écriture autant hachurée, découpée, entrecroisée, que fine et structurée. C'est une musique, une logique des mots et des phrases qui m'a tout de suite inspiré. Maintenant que je connais (bientôt par coeur, à vrai dire!) les trois textes, je ne vois que mieux les tonalités et modulations souvent subtiles qui caractérisent la pièce dans son ensemble.


Rémy Bélanger de Beauport
Photo: www.noistar.com
 

Le théâtre est quelque chose de mystérieux pour moi. Comment peut-on apprendre autant de mots et les redire, encore et encore, de manière aussi crédible? Je suis ému, je l'avoue, à chaque fois par les mêmes passages dans La Muerte (le premier des trois textes), car bien qu'elle reste l'«actrice éclairée», ce n'est plus vraiment Isabelle qui est à côté de moi dans ces moments-là; c'est le personnage, qu'elle incarne alors totalement. Travailler avec un metteur en scène est aussi un aspect que je découvre avec le théâtre. Patrick représente, à mes yeux, à la fois le catalyseur de la complicité dont je parlais plus haut et «pas un homme vrai mais un vrai homme» comme dirait le personnage de La Muerte, l'oeil extérieur critique, rationnel (mais toujours artistique) qui dirige l'orchestre. J'veux dire, le duo. le trio. Enfin, avec tous les spectateurs ça fera pas mal un orchestre, même s'il n'y a que la comédienne qui parle (ou presque).

Je vous laisse donc sur un passage d'une ironie bien savoureuse, tiré de Une femme et son avenir (le deuxième texte): «J'vas me taire. J'vas arrêter d'utiliser des mots parasites, j'vas être dans la sensation pure, dans l'émotion pure pis j'vas voir jusqu'où ça me mène.»

Bon spectacle!

Rémy Bélanger de Beauport

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