Il n'y a pas vingt-quatre heures que le 63e Festival d'Avignon a pris son envol et déjà tant de choses se sont produites. Il y a eu l'accueil chaleureux de l'équipe du service de presse, des conférences avec Claude Régy, Hubert Colas, Rabih Mroué et quelques autres, mais surtout le troublant spectacle d'ouverture signé par Amos Gitai: La guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres, créé d'après La Guerre des Juifs de Flavius Josèphe. La trouvant pleine de résonances contemporaines, le cinéaste israélien revient à cette partition historico-poétique dont il avait déjà fait un spectacle il y a plus de quinze ans. Malheureusement, cette fois du moins, il ne parvient pas à en faire surgir la théâtralité. On assiste plutôt à ce qu'on pourrait appeler – aussi antinomique que cela puisse paraitre – une mise en lecture à grand déploiement. En effet, au cœur de la carrière de Boulbon, celle-là même ou Peter Brook a créé son Mahabharata, Jeanne Moreau (posée là, toute propre et distinguée au milieu des horreurs de la guerre) et quelques autres comédiens se bornent à lire ou à réciter leurs textes, en diverses langues. Heureusement, il y a la magie du lieu, celle des éclairages de Jean Kalman, de la musique (notamment de très efficaces percussions sur échafaudages) et des chants yiddish, mais aussi le talent du comédien Eric Elmosnino, qui incarne un incandescent Eléazar (et qui jouera bientôt Gainsbourg dans un film réalisé par le bédéiste Joann Sfar). En somme, un spectacle d'ouverture qui est loin d'être sans qualité, mais qui, néanmoins, déçoit. Décoit parce qu'il ne parvient pas à restiter, par le truchement du théâtre, l'ampleur, la profondeur et la gravité de son sujet.
Photo Christophe Raynaud de Lage