Je vous écris depuis Lorient, en Bretagne. Hier soir, au Grand Théâtre, une salle de 1034 fauteuils, j'ai assisté à la générale de Sextett, une pièce de Rémi De Vos mise en scène par Éric Vigner, une production du CDDB – Théâtre de Lorient, coproduite par le CDN Orléans/Loiret/Centre, la Comédie de Reims et l'Espace Go. La création, croyez moi des plus enthousismantes, sera notamment présentée au Théâtre du Rond-Point, à Paris (du 15 octobre au 14 novembre), et à l'Espace Go, à Montréal (du 12 janvier au 6 février).
Au cœur du spectacle il y a Simon (Micha Lescot), bouleversé par la mort de sa mère. De retour dans la maison de son enfance, le jeune homme est hanté par cinq femmes aux désirs pour le moins souverains: son insistante collègue de travail Claire (Anne-Marie Cadieux), la synthétique et putassière Sarah (Johanna Nizard), les étranges voisines lesbiennes, Jane et Blanche (Maria de Medeiros et Jutta Johanna Weiss), et la dernière et non la moindre, la chienne Walkyrie (Marie-France Lambert), agressive mais pas indomptable.
Dans le dossier on résume ainsi l'intrigue: «Simon s'autorise en s'affranchissant de toute contrainte au réel, à pénétrer dans le royaume des femmes où désir et imaginaire, fantasme et réalité se confondent en une projection délirante. Ce faisant, il découvrira la vérité sur ses origines familiales. Sextett est une comédie érotique, déjantée et musicale où le rire, le sexe et les larmes font bon ménage.»
La distribution est, à tout le moins sur le plan culturel, joliement éclectique: Lescot et Nizard sont Français d'origine juive, Weiss d'origine autrichienne, de Medeiros d'origine portugaise, et Cadieux et Lambert, Québécoises. Après avoir assisté à la générale, je peux vous dire qu'il s'agit d'un collier de perles. Mené par cette distribution hors pair, le spectacle est ravissant et subversif, grinçant et raffiné, chic et choc. Le désir et la sexualité innervent librement la représentation. La musique est partout et de plusieurs styles; les chants, en différentes langues. Le décor est une œuvre d'art d'inspiration sixties que les éclairages dévoilent peu à peu. Le voyage, plongée dans l'inconscient bouillonnant d'un jeune homme particulièrement perturbé, est intrigant et prête à de multitples interprétations. La finale est des plus percutantes, riche en révélations.
À mon avis, c'est une petite bombe qui est en route vers l'Espace Go. Rappelons qu'Éric Vigner a déjà offert entre les murs de Go deux spectacles: La Bête dans la jungle, d'après un texte de Marguerite Duras lui-même inspiré d'une nouvelle de Henry James, et un somptueux Savannah Bay, toujours de Duras, avec Françoise Faucher et Marie-France Lambert.
Ce soir, j'assiste à la création de Sextett, première représentation devant public. Je vous en parle demain…