Connaissez-vous David Lindsay-Abaire? Il s'agit d'un auteur dramatique états-unien dans la quarantaine. Je vous parle de lui parce que l'une de ses pièces, Rabbit Hole, qui lui a d'ailleurs valu un prix Pulitzer en 2007, a été adaptée au cinéma par nul autre que John Cameron Mitchell (Shortbus, Hedwig and the Angry Inch). Toujours à l'affiche, le film mettant en vedette Nicole Kidman et Aaron Eckhart est très réussi, souvent poignant. Je vous le recommande chaudement. Je vous laisse lire ma brève critique ici.
Ce qui frappe dans l'écriture de Lindsay-Abaire, c'est la manière dont il croque les dérives de l'Amérique par l'intermédiaire d'hommes et de femmes en quête de sens. Il considère ses personnages comme des «outsiders in search of clarity». J'aime la manière dont il détourne les clichés de la comédie, dont il triche avec le réalisme pour dépeindre le monde de plus en plus pervers dans lequel nous vivons. C'est parfois tragique, mais plus souvent drôle et grinçant. Il est souvent question de la démesure qui contamine toutes les sphères de nos vies: consommation, sexualité, bien-être, télévision… En 2006, à l'occasion du Festival Juste pour rire, René Richard Cyr avait dirigé Anne Dorval dans Un monde merveilleux (Wonder of the World). Malheureusement, le metteur en scène n'avait pas trouvé le ton qui convenait, celui qui aurait permis de rire tout en grinçant des dents. On avait tout de même apprécié l'humour cinglant des dialogues.
J'aimerais bien qu'une autre compagnie se décide à monter le théâtre Lindsay-Abaire. L'auteur écrit de plus en plus souvent pour la comédie musicale et le cinéma. Espérons qu'il ne cessera pas d'écrire pour le théâtre. Tiens, ça me fait penser à Michel Marc Bouchard. Vous savez que le dramaturge est de plus en plus souvent scénariste. Il travaille actuellement à l'écriture du prochain film de Mika Kaurismaki, portant sur la vie de la reine Christine de Suède et mettant en vedette Sarah Polley, ainsi qu'à une transposition de Roméo et Juliette durant les émeutes de Québec en 1918, pour le réalisateur Tim Southam. Heureusement, Bouchard continue à écrire du théâtre. Sa plus récente pièce, Tom à la ferme, que Claude Poissant met en scène au Théâtre d'Aujourd'hui à compter du 11 janvier, ne devrait pas vous laisser indifférents. On nage en eaux troubles, laissez-moi vous le dire! C'est saisissant, à la fois poisseux et mystique, éros et thanatos s'enlacent dans tous les coins. Vous pourrez lire jeudi le fruit de ma rencontre avec Bouchard. Photo Bouchard: Julie Perreault.